Ce que j’aurais franchement souhaité à travers mon livre, c’est de faire prendre conscience à quiconque qu’il n’est pas un objet soumis au passage du temps, et qu’il est libre de penser, de s’exprimer, de sentir, de ressentir, etc.
Bonjour, Julien, comment allez-vous ?
Bonjour Franckh, je vais très bien, merci, et vous ?
Je vais bien. Merci. Dès les premières lignes de votre livre LA DÉFINITION DE SOI, notamment à l’introduction, vous peignez le monde en le qualifiant de lieu où règne une économie de profitabilité et de bénéfice, comment aurez-vous souhaité qu’il fût ?
Le monde d’aujourd’hui a une histoire, qui, par essence, ne peut être modifiée. L’histoire explique le présent, entre autres, et elle est ce qu’elle est : il y a des raisons pour lesquelles le monde actuel est un monde de profit, et là n’est pas la question. Ce que j’aurais franchement souhaité à travers mon livre, c’est de faire prendre conscience à quiconque qu’il n’est pas un objet soumis au passage du temps, et qu’il est libre de penser, de s’exprimer, de sentir, de ressentir, etc. Nous sommes plongés dans un monde où l’on doit produire, mais nous devrions nous recentrer un peu plus sur nous-même (sans « s »), au moins quelques instants. Là où le monde nous entraîne à devoir aller de plus en plus vite, j’aurais souhaité que l’on régresse un peu, que l’on revienne à un monde où l’on se soucie plus de soi, plutôt que de l’avancée de nouvelles technologies. Pas un an ne s’écoule sans qu’un nouveau téléphone ne sorte, où l’on est sans arrêt connectés, mais nous voyons-nous davantage heureux ? Je ne le crois pas. Ainsi, j’aurais adoré permettre à quiconque de s’assoir, et de réfléchir, à travers ma pensée, sur la définition de l’individu, car ce monde ne nous définit pas. Pire : il va à l’encontre de notre définition, nous sommes bien plus que ce que nous reflétons de nous-même aux autres dans ce monde, mais surtout à nous-même. Je souhaiterais être dans un monde où chacun prenne conscience qu’il est plus que ce qu’il croit être, et je pense que, si vous vous comprenez davantage, vous verrez à quel point il est une perte d’énergie de vouloir être parfait en tout (à l’école, au travail, dans un groupe, etc.) et qu’il est tout simplement bon, de devenir soi-même. Dans ce livre, j’essaie de comprendre les mécanismes psychiques et les implications philosophiques d’une telle vision.
« Se comprendre, c’est s’accepter et vivre avec, mais c’est pouvoir vivre en étant heureux » pouvez-vous, en termes simples, nous expliquer ce passage de votre livre ?
Comprendre, c’est harmoniser des idées de façon rationnelle de telle sorte à en faire un système consistant. On peut alors relier de façon logique une assertion A à une assertion B, via un raisonnement, comme en mathématiques. L’explication est un exemple de processus lié à la compréhension, en rendant logique, explicite, ce qui ne l’est pas immédiatement, comme la phrase de mon livre que vous citez, peut-être. Expliquer, c’est expliciter un système logique, consistant.
Mais alors, se comprendre, c’est s’expliciter, soi-même : c’est se voir comme un ensemble de points caractéristiques tous reliés entre eux par des connexions logiques. Dans l’idéal, vous devenez alors capable d’identifier ce qui vous plairait, ce qui ne vous plairait pas, ce qui vous rendrait triste, heureux, bref, vous devriez mettre davantage de sens dans ce que vous êtes, avec les « bons » et « mauvais » côtés, tout en nuançant une approche « scientiste » trop radicale de cette analyse. C’est donc accepter cette représentation que vous avez acquise de vous-même, et alors, il n’y a plus de raison de ne pas être heureux (même de manière éphémère, je vous invite à vous rendre sur ma page https://quelques-reflexions.jimdofree.com/quelques-reflexions/ pour une réflexion sur l’éphémérité du bonheur). Donc vous voyez comment une représentation logique de soi-même, le plus exhaustivement possible, avec les « qualités » et « défauts », comment ceux-ci interagissent entre eux, etc., est un moyen fort de parvenir au bonheur, simplement parce que cette notion-là fait désormais sens. Et tout cela demande un travail certain à faire sur soi, et l’introspection peut aider. Il faut aussi s’accorder du temps à soi-même pour s’éclairer davantage.
Le bonheur ne peut jamais durer, parce qu’il s’agit d’un concept qui ne peut avoir du sens sans son antagoniste, non pas le malheur, mais, plus généralement, le non-bonheur, dont le malheur fait partie. Devenir heureux, c’est avoir saisi l’opportunité de ce moment de bonheur. Concrètement, vous deviendrez heureux en écoutant un oiseau chanter, en vous rappelant un souvenir joyeux, ou autre.
En parlant du bonheur, vous dites qu’on apprend à devenir heureux, on ne l’est pas par nature. Voulez-vous dire que le bonheur est un élément extérieur à l’homme ?
Je pense qu’il y a un point essentiel dont il faut prendre conscience au sujet du bonheur, trop partiellement abordé par Bergson, par exemple dans l’Energie Spirituelle (1919). Il s’agit de son éphémérité. Le bonheur ne peut jamais durer, parce qu’il s’agit d’un concept qui ne peut avoir du sens sans son antagoniste, non pas le malheur, mais, plus généralement, le non-bonheur, dont le malheur fait partie. Devenir heureux, c’est avoir saisi l’opportunité de ce moment de bonheur. Concrètement, vous deviendrez heureux en écoutant un oiseau chanter, en vous rappelant un souvenir joyeux, ou autre. Cela sous-entend bien que vous ne l’étiez pas, à la seconde d’avant avoir entamé la démarche psychique pour devenir heureux. Cela fait aussi parti de l’acceptation de soi, voire mon point précédent. Par ailleurs, je pense que cette attitude n’est pas innée, car sinon, le nourrisson ne passerait pas la plupart de son temps à exprimer ses frustrations, ni l’enfant à faire des rages de colère, dont lui-même ne peut parfois pas les justifier. Je vous renvoie là aussi à mon site web cité plus haut pour plus de contenu à ce sujet.
Alors non, le bonheur n’est pas extérieur à l’Homme, et la manière pour y parvenir, c’est-à-dire sa compréhension de son être, ou encore la définition de soi, est enfouie dans son inconscient, parce qu’il n’est pas conscient de qui il est. On comprendra alors qu’en fait, n’importe qui peut devenir heureux. Il suffit de saisir ces moments, éphémères, quels qu’ils soient, et en toute circonstance. Si par exemple une situation vous est insupportable, absolument rien ne vous empêche de vous évader pour prendre un bon bol d’air frais, et seul, sans même penser. Là est une situation de bonheur. Eckart Tolle insistait beaucoup sur le moment présent, et il me semble qu’il a raison. Mais la seule focalisation sur le moment présent ne permet pas de comprendre la nature de l’identité, ce que je m’efforce d’étayer dans mon livre.
Vous parlez largement de la conscience et de l’être en les présentant comme deux éléments distincts, par exemple dans le passage où vous dites « se comprendre c’est d’abord laisser l’opportunité à la conscience de recevoir son être » comment différenciez-vous la conscience de l’être ?
Vous touchez un point clé de l’élaboration de la topique du sur-conscient, que j’introduis dans le dernier chapitre de mon livre en essayant de prouver son existence à travers une synthèse de la réflexion élaborée aux chapitres précédents. Dans ce livre, le sur-conscient ou l’être, ou le soi, c’est la même, et je n’ai pas besoin de faire une séparation pour la démonstration en question. Sans vous spoiler, conscient et inconscient sont les deux faces opposées de la même pièce : ils ne peuvent pas exister l’un sans l’autre, un peu comme le bonheur et le non-bonheur. La pièce, c’est le sur-conscient : c’est une topique qui englobe les deux, et il ne peut pas ne pas y avoir cet englobement. Comment pourrions-nous alors expliquer la prise de conscience, sans alors parler de migration d’objets inconscients, désormais conscients ? Mais au-delà des aspects conscient et inconscient, cette topique qu’est le sur-conscient est une partie véritablement intrinsèque de nous-même. Freud, et ses congénères, notamment Winnicott ou Bion se focalisant sur des cas particuliers du bébé et du jeune enfant, focalisent leur analyse, certes très profonde, notamment en termes psychanalytiques et thérapeutiques, de façon constante sur ce qui n’est pas conscient. J’essaie de voir l’individu sous un angle synthétique plus général que celui de l’inconscient, seulement, et appuyant sur le fait que conscient et inconscient se développent comme une « symbiose » au cours de la vie d’un individu. Mais leur contenu n’est qu’une contingence. Par exemple, si j’ai peur des araignées, c’est parce que cela remonte à (au moins) un point précis de mon enfance qui, en toute rigueur, aurait pu être évité. On voit ici qu’il existe un ensemble des possibles : voilà l’être. Ainsi, est conscient ce qui est contingent, mais est sur-conscient ce qui est nécessaire. En ce sens, l’ensemble des contingences d’un individu est une nécessité.
En argumentant vos propos de l’être anéanti dans l’enfance, vous vous êtes posé les questions suivantes « que serait le monde si on laissait les enfants se développer eux-mêmes sans exiger les indispensables nécessités imposées par la communauté d’aujourd’hui ? Est-ce que les enfants pourraient plus avoir la possibilité d’atteindre la connaissance de leur être ? » Pourriez-vous nous expliciter votre point de vue là-dessus ?
Je me suis en effet plusieurs fois demandé, notamment en regardant mon fils (!), ce que le monde pourrait être si on laissait complètement nos enfants évoluer comme eux-mêmes l’entendaient, plutôt que d’imposer de façon stricte et autoritaire des notions qui sont, de façon immédiate, extérieures à lui. Forcer l’enfant à acquérir des notions, par exemple aller au pot avant d’aller à l’école, ou, pire, lui apprendre des choses dont il se fiche pas mal, parce qu’il y a un « programme scolaire », et que, s’il ne le suit pas, il sera marginalisé ou caractérisé de déficient (c’est ainsi qu’on classe ceux qui échouent à un test de QI…), est un leurre. On pulvérise la créativité à l’école. Les gens qui n’aiment pas les mathématiques, par exemple, vous diront que c’est parce qu’ils sont « nuls », qu’ils n’y « comprennent rien », ou que c’est une « cascade d’exercices et de problèmes ». Quel gâchis ! L’école a détruit les mathématiques. Si vous faites de la recherche, au moins en utilisant des outils mathématiques, au plus sur les mathématiques elles-mêmes, vous vous apercevrez à quel point tout cela est complètement faux ; mais la société a amené à cette construction mentale délibérément obsolète de ce que sont les mathématiques.
Ainsi, si on laissait les individus enfants aller à leur vie, n’aurions-nous pas une anarchie de la loi du plus fort, plutôt qu’une construction sociétale plus basée sur le centrage sur soi, et donc sur un monde meilleur ? Je n’en suis pas sûr.
Ce que suggère cette pensée, c’est une sorte de « reset », plutôt que sur l’apprentissage de la continuité de choses source de négatités, pour reprendre le terme sartrien.
L’école pour vous est une institution qui contribue pleinement à la destruction de l’être. S’il vous est demandé de proposer un système éducatif le plus pertinent, quels seraient sa démarche et son contenu ?
Oui, je vous confirme à nouveau cette pensée que j’ai, qui affirme ce que vous dites en première phrase.
Cela dit, et pour faire écho avec ce qui a été dit précédemment, je pense qu’il faudrait un système plus basé sur la créativité et la recherche. On « formerait » davantage à l’esprit critique, qui est aujourd’hui en phase de grosse disparition avec l’avancée du complotisme et des réseaux sociaux. Beaucoup ont déjà mis en avant cette idée, par exemple Etienne Klein, ou Cédric Villani. Ainsi, je n’y reviendrai pas, et je les rejoins là-dessus.
Je vais rajouter une composante méditative, et une composante philosophique. Je pense qu’il est essentiel de trouver un moyen de faire apprendre très tôt, l’art de philosopher. Et de grandir avec. Il faudrait enseigner cet art tout au long de la scolarité, et je suis convaincu que des vocations pour les disciplines intellectuelles naîtront. À vrai dire, il semble que l’on néglige beaucoup trop, dans le monde professionnel, ces deux dernières composantes, notamment au niveau des relations humaines. Voir les choses avec « plus de philosophie », c’est relativiser, de la part du client par exemple, le fait qu’une deadline ait été dépassée pour recevoir l’accomplissement d’un travail. Ce n’est pas un drame, en effet, et personne n’en mourra ! Éduquer nos enfants à plus de relativité et à se centrer sur ce qui est important : l’être, et ce qu’il y a autour, l’art de philosopher, la culture, etc.
Il y a une chose à éliminer, selon moi : la compétition déloyale, la seule à l’école, consiste à comparer systématiquement. Le concours, que je dénonce sans ambiguïté dans mon livre, constitue le paroxysme de la néantisation de l’être, en « classant » les individus par ordre de « réussite ». Quelle déchéance humaine ! Allez-vous me dire, il faut « sélectionner », et « sélectionner les meilleurs », mais qui diable êtes-vous pour prétendre à connaitre davantage mieux un point caractéristique de l’autre, mieux que lui-même ? Il ne devrait pas y avoir de telle évaluation, mais plutôt une acquisition continue des connaissances, basée sur l’intérêt porté sur ces dernières. Peut-on quantifier cela ? Non, car ce serait être capable de quantifier la conscience.
Je pense qu’il est essentiel de trouver un moyen de faire apprendre très tôt, l’art de philosopher. Et de grandir avec. Il faudrait enseigner cet art tout au long de la scolarité, et je suis convaincu que des vocations pour les disciplines intellectuelles naîtront.
Alors, comment faire ? Je ne le sais pas, je n’y ai pas assez réfléchi. J’aurais aimé me convaincre, étant donné ma célébrité remarquable au sein du monde, qu’y réfléchir aurait été utile. Voyez-vous, nous vivons dans un monde où la célébrité ne repose pas sur l’être, mais plutôt sur le paraître (voir plus bas)… Il n’y a qu’à voir tous ces gourous de la « conscience quantique », pour s’en convaincre, ou encore toutes ces personnes au fort parlant, sans véritable fondement dans leurs propos.
Au regard du titre de votre livre, la définition de soi, comment comprenez-vous ces concepts : confiance de soi et estime de soi ?
C’est une question intéressante. Je n’ai pas parlé de ces concepts, parce qu’ils sont une implication basée sur le développement personnel, et il y a beaucoup d’auteurs à ce sujet, surtout depuis la période Covid. Cependant, j’aimerais juste en dire quelques mots.
La confiance en soi suppose de devoir faire face à un défi à relever, et qu’avoir suffisamment confiance en soi, c’est être suffisamment armé de force physique, mentale, psychologique, intellectuelle, pour accomplir la tâche qui se dresse devant nous. La confiance en soi suppose alors un état d’avant un combat, celui qui, en quelque sort, met le « moi » en doute. Suis-je assez fort pour accomplir la mission ?
A contrario, l’estime de soi suppose déjà un accomplissement. Je m’estime, parce que j’ai été assez fort pour réussir cet examen, ce concours, cet entretien, ce combat de boxe, ce repas avec les beaux-parents, ou autre.
Que ce soit la confiance ou l’estime de soi, je pense que nous devrions tous avoir suffisamment confiance en soi, et nous estimer. Ceci dit, il vient un problème, car si nous éprouvons tous une chose, dont son antagonisme est aussi une possibilité, cet antagonisme seul n’aurait aucun sens, donc cette chose seule non plus. Je pense que la notion d’être, comme je l’entends dans mon livre, résout ce paradoxe, parce que nous sommes tous différents, et que l’atteinte à une meilleure connaissance de soi, indépendamment de toutes les autres personnes, est un moyen ultime au bonheur (le bonheur seul n’a non plus pas de sens comme expliqué plus haut, mais, contrairement au bonheur, la confiance et l’estime de soi supposent caractériser le sur-conscient, alors que le bonheur est un état du moi). D’ailleurs, la confiance ou l’estime de soi supposent que nous pouvons réussir ou avons réussi, là, dès lors, où d’autres pourraient ou auraient pu échouer. Inévitablement, ces deux notions sont le reflet d’un monde basé sur l’élitisme et l’ultra-capitalisme : certains sont « meilleurs » que d’autres. On voit bien à quel point la société, l’école, le monde professionnel peuvent détruire ce qui nous définit vraiment, cet ensemble infini des possibles qui sont essentiels à l’être. Aujourd’hui, les psychologiques s’intéressent beaucoup à ces sujets, parce qu’ils constituent véritablement des maux pour les gens. Les patients qui sont suivis sont absolument tous souffrant d’un manque de confiance ou d’estime de soi, et j’ai l’impression que c’est une manière de poser les maux par des mots. En quelque sorte, un aspect « marketing » ! (Rires)
À vous entendre parler du monde professionnel, vous êtes davantage pour l’entrepreneuriat que pour le salariat, pouvez-vous nous en dire plus ?
Oui et non. Oui, parce que l’entrepreneuriat est une façon créatrice d’agir pour développer un business, répondre à des besoins concrets, tandis que le salariat correspond plus à une manière passive d’agir, en dépendant de son N+1, ou plus généralement de la structure à laquelle on est attaché. Non, parce l’entrepreneuriat est un statut très dévalorisé, surtout en France, où l’entrepreneur est assassiné par des taxes et impôts à payer dès qu’il fait du profit.
Vous voyez ici que je distingue l’attitude entrepreneuriale, et le statut d’entrepreneur. On peut avoir une attitude d’entrepreneur en étant salarié, mais l’inverse m’a l’air difficile à imaginer. Le plus important est de trouver ce qui est bon pour nous, et surtout, si une situation provoque en vous de la jalousie, alors, mon meilleur conseil, c’est d’arrêter d’envier, et d’agir en vous recentrant sur vous, sur ce qui est le plus important pour vous : fixez-vous un but, et donnez-vous les moyens de l’atteindre, peu importe ce qu’il se passe autour de vous, même si vous pouvez vous inspirer de ceux qui vous rendent envieux. Mais agissez, bougez-vous ! C’est là, que l’être intervient, et, surtout, la prise de conscience de notre liberté, et de changer de possibilité, d’une contingence à l’autre. Le slogan « si on veut, on peut » trouve, d’une certaine manière, sa justification philosophique dans cette notion de l’être. Je dis bien « d’une certaine manière », parce que les moyens ne sont pas toujours possibles concrètement… Cependant, il faut alors s’efforcer de réfléchir, de réagir, d’être créateur, et imaginer des moyens non encore établis. Cela donne un sens à notre vie, et permettrait, par l’espoir, peut-être d’être plus heureux qu’une personne possédant déjà ces moyens.
Vous dites que votre démarche est purement réflexive, qu’est-ce qui vous a amené à vous interroger sur le soi ?
Depuis très jeune, peut-être vers 8 ans (j’en ai les souvenirs précis !), à la découverte de la mort (j’ai perdu ma grand-mère), que les choses ont commencé à tourner dans ma tête. La mort est un sujet qui me fascine sur le plan philosophique, et cela m’a toujours fasciné. Il n’y a qu’une seule manière de naître, mais mille et une façons de mourir. Et ensuite, que se passe-t-il ? Tout cela m’était, et m’est toujours, très déconcertant. Je pense que c’est là, que j’ai commencé à m’interroger sur la nature humaine. Peut-être ai-je commencé avant, car j’ai toujours été assez curieux des choses, me dit-on, mais je ne m’en souviens pas. En tout cas, j’ai toujours été un grand observateur des gens d’une manière générale. Le phénomène de groupe a toujours suscité mon intérêt, et je me questionnais davantage lorsque je comprenais que les personnes n’avaient pas conscience qu’elles appartenaient à un groupe. On aurait dit que plus rien d’autre n’existait, dès lors que l’on s’intégrait de plus en plus. C’est un peu ce qu’il se passe à l’adolescence. On cherche à s’identifier, et dès lors que l’on intègre un groupe, on s’y sent exister, on se sent exister. Il est, à mon sens, bien triste de réduire son être à son existence. L’être est tellement plus profond, sur les plans psychanalytique et philosophique. Je vous invite à lire mon ouvrage pour comprendre cela en détail.
Concernant le soi en particulier, j’ai rapidement compris que l’on pouvait atteindre un degré de connaissance de « soi-même » (ici dit de manière imprécise, avec mon regard d’enfant) supérieur à celui en fait acquis, et j’ai aussi très vite compris que peu de gens ne se connaissaient « eux-mêmes » véritablement. Et je me demandais pourquoi ? Aussi, je me demandais souvent pourquoi des choses, si peu importantes pour un adulte, prenaient des proportions surdimensionnées en étant enfant. Par exemple, des lieux. Je me questionnais sur pourquoi des lieux précis me rendaient si joyeux, si libéré, en quelque sorte, de tensions acquises dues à l’oppression à l’école de toujours vouloir être le meilleur. Bref, très petit, je me posais beaucoup de questions, et vous voyez que toutes ces questions se tournent autour du soi. Aussi, j’ai toujours été un grand amoureux des sciences dures. Très petit, je me passionnais pour des sujets de biologie, en particulier « comment on fait les bébés » (et j’en ai des souvenirs précis). Ma passion pour les mathématiques est en lien avec cet amour de la vérité, essayer de percer les secrets de choses floues, de problèmes non résolus. J’ai la chance de faire un métier où, entre autres choses bien moins intéressantes, il s’agit de résoudre des problèmes de mathématiques non résolus encore – certes, pas (encore ?) du niveau de l’hypothèse de Riemann (fonction Zeta de Riemann), bien que ce sujet m’interpelle.
En termes simples, comment définirez-vous le soi ?
Le soi est un dépassement du moi. Le soi implique le moi, c’est-à-dire qu’il englobe le moi, et aussi le « moi-inconscient ». Il implique entre autres ce que nous pensons être, ce que nous pensons, plus généralement, et de manière universelle, ce que nous sommes. C’est une topique troisième, qui englobe et organise les topiques conscient et inconscient, dans la vision psychanalytique, ou autre. Peut-être que des psychanalystes me diront que le dépassement du moi, c’est l’inconscient seul, mais c’est alors rejeter l’idée d’une dualité antagoniste nécessaire entre les deux topiques, qui s’échangent sans cesse des objets (des « idées ») tantôt conscients, tantôt inconscients, et dont l’équilibre forge le caractère perceptible par moi et par les autres. Conscient et inconscient sont au même niveau organisationnel de l’individu, et c’est donc qu’il y a une topique plus générale du « simple » inconscient. Le soi, l’être, le sur-conscient, désignent dans mon livre cette même topique, je n’ai pas eu besoin de faire de distinction jusqu’alors.
Vous rejetez le cogito, que direz-vous de la théorie de Husserl qui dit que toute conscience est conscience de quelque chose ?
Je vous explique déjà pourquoi je rejette le Cogito, c’est important. Parce que Descartes, amoureux fou de la vérité la plus rationnelle possible, conclut, à mon sens un peu abruptement, dans son Discours de la Méthode (1637), qu’il reprend de manière plus construite dans ses Méditations Métaphysiques (1641, sans doute l’œuvre philosophique la plus accomplie de Descartes) (j’invite au passage à lire absolument au moins une fois ces deux chefs-d’œuvre dans votre vie) que la caractéristique essentielle, c’est-à-dire dont on ne peut douter, de l’Homme est la pensée dont elle est l’origine (cela est déjà fort discutable, comme l’a fait Nietzsche, par exemple). Avant une telle conclusion, Descartes remet en question nos perceptions, nos sensations, parce qu’elles sont susceptibles de nous tromper. Il remet en question l’existence d’un des principaux moteurs de la conscience, à savoir le désir, dont beaucoup sont nés de nos perceptions. Si l’on pousse le raisonnement un peu plus loin, cela voudrait dire que l’antagonisme conscient/inconscient n’a pas de sens, parce que l’inconscient n’a pas de pensée propre, au sens de Descartes, c’est-à-dire une pensée rationnelle, scientifique. Il semble alors que l’on ne peut être psychanalyste dans l’âme (que je ne suis pas), et en même temps soutenir la théorie de Descartes. C’est un contre-sens. Pour Descartes, toute vérité est forcément rationnelle, logique, scientifique, mais ce qu’il ne considère pas, c’est la vérité de l’être, à savoir celle de l’existence du sur-conscient, sans quoi conscient et inconscient ne pourraient être les faces opposées d’une même pièce.
Husserl a en quelque sorte suivi les traces de Descartes. Il était mathématicien de formation, et désirait atteindre une vérité la plus authentique pour ce qui était d’à peu près tout. Il ne part pas du doute, mais a une approche phénoménologique de la conscience. Notons surtout qu’Husserl a vécu vers la fin XIXe et début XXe, en plein le très fort développement de nouvelles connaissances théoriques. Ainsi, l’ensemble des connaissances mathématiques (dont ce que l’on apprend au lycée où en début d’université, ou classe prépa et école d’ingénieur, sont une infime partie) s’est développé dans cette période, avec la naissance de la mécanique quantique et de la relativité. On comprend fortement le goût de la vérité à cette époque, et Husserl faisant partie de ces savants qui pensaient qu’il était possible d’établir une vérité absolue (qui n’a selon moi aucun sens), y compris pour la conscience. Pour Husserl, la vérité derrière la conscience, c’est celle qui est phénoménologique. C’est d’ailleurs là qu’il dépasse Descartes.
En outre, selon Husserl, toute conscience est intentionnelle, c’est-à-dire qu’elle n’est rien sans un objet extérieur au moi. Je vous avoue avoir compris cela bien avant d’avoir découvert cette vision de l’intentionnalité de la conscience, et quelle fut ma surprise lorsque je lisais Husserl ! Je vous reformule l’idée ainsi : la conscience est une rencontre, entre moi, et un objet extérieur à moi. Elle permet au moi l’organisation de son monde subjectif, ou chaque objet va avoir un sens pour moi, et ce sens diffère d’un individu à l’autre (ce que Husserl appelle un noème).
Je vais aller un peu plus loin que Husserl. L’organisation de ce monde subjectif est la même source que celle de l’inconscient, parce que, par essence, l’inconscient contient ce qui peut être rendu conscient, et que l’individu n’a pas pris conscience. Mais alors, l’origine du phénomène de prise de conscience, aussi ce qui organise le monde subjectif via les sensations, impressions, perceptions de ce qui nous entoure, c’est bien quelque chose qui dépasse le conscient, parce que ce que je viens d’énumérer organise d’une certaine manière ce qui n’est pas conscient, à savoir l’inconscient. Je nomme ce quelque chose le sur-conscient. Et vous voyez qu’il ne pourrait en être autrement. Je détaille ce raisonnement clé dans le dernier chapitre de mon livre.
Le sur-conscient, est-ce la définition de ce que nous sommes réellement ?
Oui, très précisément ! Parce que, je l’ai dit plus haut, c’est ce qui permet de prendre conscience de l’ensemble des possibilités relatives à un individu. Par exemple, il est peu probable que vous ayez rencontré une personne, à un instant donné, à un lieu donné. Si vous étiez parti peut-être dix secondes en retard, vous ne l’auriez pas croisée, et un autre possible aurait été effectif. Si vous vouliez faire ce métier étant petit, c’est probablement parce que vous avez vu quelqu’un qui le faisait, et cela vous a fasciné, mais si vous ne l’aviez pas vu, probablement auriez-vous eu envie de faire autre chose. Voilà l’ensemble des possibles, et on s’aperçoit très vite qu’il est raisonnable de le supposer infini. C’est cela, l’infinité de l’être, et en prendre conscience nous permet de relativiser sur le monde qui nous entoure, et aussi de prendre conscience de ce qui est véritablement important pour nous. L’être n’a pas de limite au sens commun de ce que nous pensons de nous-même, et c’est pour cela que l’on ne peut pas se définir par des mots, et que, en outre, le langage est un des obstacles à l’encontre de la définition de soi. Ainsi, on comprend que la définition de soi est une notion qui est bel et bien présente (le soi existe bien, sans quoi je ne peux expliquer le moi, ni le « moi-inconscient »), mais on ne pourra alors jamais la saisir, comme, d’une certaine manière, je l’élabore dans mon livre. C’est un fait, acceptons-le ! Sur l’acceptation, je vous renvoie à ce que j’ai écrit plus haut.
Pour vous, l’État contribue à la destruction de l’être. Que suggérerez-vous aux politiques pour que chacun arrive à la pleine définition de soi ?
C’est une question qui sous-entend que les systèmes politiques contemporains vont à l’encontre du titanesque La République de Platon ! Ce qui me vient en tête, c’est l’idée, très simplifiée, que le philosophe devrait être celui qui gouverne une république. Nous sommes véritablement loin du compte, sinon, à moins de ne s’appeler Machiavel, ou même Saint Thomas, les guerres n’auraient probablement jamais eu lieu. Je remarque aussi qu’il est très difficile d’être dirigeant d’une nation et d’être apprécié, parce que, quel que soit le parti politique, le dirigeant a des comptes à rendre à tous. Mais le dirigeant doit, d’une certaine manière, alors s’adapter. Si je devais pousser le raisonnement un peu plus loin, cela pourrait dire que le résultat « sera le même ». Comment voulez-vous « détruire » un système financier gouvernant l’ensemble du monde, si ce n’est que par l’anarchie ? Un bon exemple est la Révolution Française de 1789 (qui a plutôt commencé avant cette date). La population (notamment le Tiers-État) souffrait de faim, et exigea du Roi Louis XVI lors des États généraux à Versailles (mai 1789) un engagement au dépourvu de la Noblesse et du Clergé à leur fournir davantage de droits, donnant naissance au Serment du Jeu de Paume. Mais ce dernier ne suffit point, amenant la population à divers renversements, notamment la Prise de la Bastille le 14 juillet 1789. Bref, ce très léger rappel pour préciser qu’au-delà d’un certain point, le peuple se révolte et renverse le régime. Plus récemment, nous avons vu une tentative avec le mouvement des Gilets Jaunes en France, mais cela fut insuffisant pour renverser un régime financier largement dominant, auquel, je pense, les politiques sont des esclaves, parce qu’ils sont pris dans cet engrenage de l’ultra-capitalisme. Pour modifier un monde où les inégalités se creusent et où le « pauvre » n’est quasiment jamais écouté, les citoyens — majoritairement « pauvres » — deviennent violents. Voilà qui explique, très partiellement, certes, mais à mon sens, pourquoi nous voyons tant de violences dans les rues. Car, ce ne sont pas les « riches » qui vont voler !
Je pense que, pour sortir de ce cercle vicieux infernal, nous devrions nous assoir et nous interroger sur ce que nous voulons vraiment, sur ce que nous pouvons vraiment ; et nous pouvons beaucoup. Avons-nous besoin autant de ce creux des inégalités, où 15 personnes sur la planète possèdent plus de la moitié des richesses mondiales ? Moins extrême, mais populairement problématique, avons-nous besoin d’un patron qui s’enrichit au profit de ses employés, alors qu’il n’est rien sans eux, et qu’il pourrait davantage distribuer ? Je ne pense pas que les politiques aient beaucoup à y faire. C’est à l’échelle de l’individu, de changer. Devenir moins avide, moins carriériste. Nous devons tous changer, nous poser les bonnes questions sur notre être, sur le sens que nous nous accordons, sur le but d’une société qui creuse ses populations. En outre, nous devrions changer notre vision du monde, notre dépendance vis-à-vis des autres, et bouger si la situation ne nous convient pas. Donc pour répondre plus directement à votre question, aux politiques, eh bien je ne dirais rien. Rien du tout. Mais à chacun d’entre nous, de faire le bon choix, posé et murement réfléchi.
Dans votre définition de soi, le langage est vu comme un obstacle. Que pensez-vous de cette affirmation de Henry Bergson « Nous échouons à traduire entièrement ce que notre âme ressent : la pensée demeure incommensurable avec le langage » ?
Dans Essai sur les données immédiates de la conscience (1888), Bergson met en avant l’idée que l’on ne peut pas retranscrire proprement par le langage le fond de nos pensées, de nos sentiments, de nos désirs. Ces traits sont uniques à l’individu, et quand bien même vous et moi aurions eu le même genre de vécu, notre monde subjectif serait tout de même différent. Le langage n’est pas assez complexe, par essence, pour transcrire exactement ce qu’il se passe dans notre tête. Il s’avère que nous pourrions étendre cette idée à toute sorte de pensée, et pas seulement nos sentiments et impressions. Ce qui pourrait cependant être étrange, c’est que le langage est un support essentiel au raisonnement, parce qu’il permet d’articuler des assertions, par exemple. Comment logiquement progresser sans mettre de mots ? Ne vous est-il jamais arrivé d’avoir une intuition, et qu’une fois que vous avez mis les mots dessus de manière constructive, vous arriviez à mettre en lumière une histoire entière pourvue de sens ? Il y a un domaine qui excelle dans cela, et dont j’ai déjà plusieurs fois parlé parce que j’en suis passionné : ce sont les mathématiques. Selon moi, les mathématiques ont un langage intrinsèquement lié à l’idée sous-jacente, et inversement. Si vous enlevez une partie infime (en supposant que les mathématiques soient « bien faites » !) de ce langage, le raisonnement n’aura plus de sens. Vous pouvez avoir une intuition en mathématiques, mais vous ne résoudrez jamais un problème de mathématiques, quel qu’il soit, sans en écrire le raisonnement, même mentalement, des données du problème à son achèvement.
Mais pour Bergson, il ne fait pas référence à un raisonnement, à une pensée logique. Il fait référence à l’issue de nos perceptions, de nos ressentis, de nos sentiments. C’est une chose différente. Le langage ne transmettra jamais correctement nos sentiments.
J’irai plus loin que Bergson. Les sentiments sont un cas particulier de ce qui nous définit. Comme élaboré plus haut, et surtout dans mon livre, le langage ne pourra jamais nous définir, plus précisément définir l’être, parce qu’il est de nature infinie, via ce que j’ai déjà appelé l’ensemble des possibilités. On ne peut pas décrire ou raisonner sur un tel ensemble, un peu à la manière d’une conscience réflexive, et, par extension, infiniment réflexive (je pense que je pense que je pense que…). Comme l’être nous définit essentiellement, nous ne pourrons jamais nous définir, tout du moins par des mots, même si je m’efforce, dans ces quelques lignes, et surtout dans mon livre, de ne donner qu’une approximation, qu’un très léger, trop léger aperçu de ce que nous sommes. En restant dans la confidence, j’ai même éprouvé un sentiment d’inachevé en concluant mon livre, parce que, au fond de moi-même, j’ai eu l’impression de n’être pas parvenu à donner une définition satisfaisante du soi, du sur-conscient. Cela s’explique bien, par l’infinité de l’être, comme dit plus haut, donc finalement, ce sentiment d’insatisfaction a trouvé sa justification rationnelle dans ce livre. L’identité est, d’une certaine manière, corrompue par le langage.
Vous avez précisé dans votre livre que vous n’êtes pas un antireligieux, cependant, comment en tant que « religieux » concevez-vous le fait que la religion soit un empiétement à la définition du soi ?
Comme précisé dans mon livre, il y a beaucoup de métaphores dans les textes religieux. Avec nos connaissances actuelles de biologie et de médecine, il n’est pas convenable de penser que Marie était vierge bien qu’elle ait accouché de Jésus, fils de Dieu (je suis pourtant chrétien depuis mon enfance !). Alors, à vrai dire, de quelle métaphore s’agirait-il ? Quel message la Bible veut-elle nous communiquer ? Je constate en effet des mouvements extrémistes religieux, dont les illuminés torturent des gens parce que ces derniers n’adhèrent pas aux idées, prises au pied de la lettre, transcrites dans les textes. C’est une folie. Un texte religieux n’a pas à être pris au premier degré, et là est une claire destruction de l’être, qui, par essence, est infini du fait de l’ensemble infini des possibles. On ne peut pas adhérer au fait qu’un texte puisse refléter une seule possibilité. Nous sommes bien « trop libres » pour cela.
Que direz-vous particulièrement aux humains qui, comme vous l’avez dit, sont légèrement paresseux, adorant leur zone de confort et restant dans leurs peurs afin qu’ils puissent enfin entamer l’émergence de leur soi ?
Déjà, vous ne pouvez pas adorer votre zone de confort et être dans la peur. Donc pour ceux qui adorent leur zone de confort, je n’y vois aucun mal ! En revanche, et là, il y en a beaucoup plus, pour ceux qui sont pris dans un engrenage dont ils ne voient l’issue, par exemple des gens qui ne peuvent pas boucler leur fin de mois, et qui pensent que le gouvernement ferra quelque chose pour eux, laissez-moi leur dire que leur attente est une profonde illusion, simplement parce que, comme dit plus haut, le gouvernement ne ferra strictement rien pour eux. Ce n’est pas, par exemple, avec une « prime » de 100€ pour un fonctionnaire, comme on l’a vu en début d’année 2022, que les fins de mois seront davantage bouclées, ou que le pouvoir d’achat va augmenter significativement, surtout en période de forte inflation. Cela dit, je comprends que l’attente suscite de l’agacement, car l’aide ne vient pas – et, en fait, ne viendra jamais. Aussi, cela implique un chef de la République qui sera toujours mal aimé, quel que soit son parti (je parle surtout pour les nations comme la France ou le Royaume-Uni, et je ne nie pas la présence et l’influence des dictateurs, trop présents dans ce monde). Mais ils doivent comprendre qu’ils sont encore plus libres qu’ils ne le croient.
Si votre situation actuelle vous fait peur, alors vous avez le choix de rester dedans à vous plaindre en dénigrant le gouvernement et son dirigeant, mais vous n’irez nulle part et resterez dans vos peurs, ou bien de vous poser, et réfléchir à ce qui vous fait vraiment peur. Cela demande du travail, et je pense que mon livre peut aider à effectuer ce travail. Une fois l’objet de la peur cerné, il convient d’identifier des moyens pour éliminer cette peur, et, là aussi, il y a beaucoup de travail, mais c’est à vous, et vous seul, d’effectuer ce travail. Personne ne pourra vous aider. En outre, bougez-vous !
Il semble que ma situation se prête parfaitement à ce cas de figure. Sans entrer dans les détails, à chaque fois que je jugeai ma situation insatisfaisante, j’identifiais un moyen pour m’en sortir, et, avec beaucoup de travail, j’y suis parvenu, et aujourd’hui, je suis dans une situation que je juge très confortable. Je n’envie personne, je ne suis jaloux de personne. Et je ne me suis jamais autant senti moi-même, et je sens que je n’ai de compte à rendre à (presque !) personne. Alors, je travaille, oui, donc — en fait — j’ai des comptes à rendre à des clients, certes, mais là est le moteur d’une vie économique, d’une société où il y a des besoins, des offres. Quelques fois, il peut effectivement s’avérer qu’il y a de la pression, car, malheureusement, certains clients sont trop impatients, et, eux, ils ne sont pas dans l’authenticité de leur être. Qu’à cela ne tienne : je leur suggérerais de méditer sur mon livre. Bien que je peux être très réactif, je ne laisserai pas le stress de la vie de tous les jours m’envahir, et c’est d’ailleurs ainsi que l’on se révèle plus efficace. Il y a une grosse différence entre le fait de stresser, et le fait d’être réactif. On peut être très réactif sans stress. Dès qu’il y a du stress, c’est que l’être est remis en question. Personne n’a besoin de remettre son être en question. Plus généralement, c’est franchement l’erreur que commet la société, l’État, l’école, le monde professionnel, et les groupes sociaux : on confond presque tout le temps l’être et l’existant. L’être, je n’ai pas arrêté d’en parler. L’existant, c’est le paraître, sous-entendu aux yeux des autres et aussi de soi-même. Tous les obstacles de la définition de soi brouillent l’être au profit du paraître, qui s’identifie plutôt comme un par-être. Nous vivons dans un monde de paraître, ou de par-être. Voilà pourquoi l’écrasante majorité des gens n’ont pas accès au bonheur : le par-être limite l’accès à la connaissance de soi, et les débordements émotionnels, dont par exemple le stress est l’effet, sont témoins d’un manque de confiance et/ou d’estime de soi (puisque vous en parlez plus haut !). Cependant, je disais que ces deux notions sont une illusion de l’être, de son essence, de sa vérité. Donc nous n’avons pas à nous sentir « confiant » ou « estimé », parce qu’il n’y a pas de challenge de l’être, bien qu’il y ait des challenges de la vie de tous les jours. Mais en aucun cas, tous ces challenges ne vous remettent en cause. Si vous ratez un examen, vous ne serez pas « nul ». Au contraire, vous n’êtes pas mis sur un podium en étant classé parmi les trois premiers, mais plutôt, vos compétences ici sont mises en avant, et vous n’êtes pas vos compétences. Vous n’êtes pas la contingence que vous incarnez à travers votre paraître aux autres et peut-être à vous-même. Prenez conscience que vous pouvez changer ce que vous paraissez. Donc, parce que vous êtes libre, si vous avez peur de votre paraître, alors changez-le.
Le courant behavioriste stipule que l’environnement dans lequel nous sommes intégrés influence considérablement notre comportement. Ce qui pourrait signifier que le groupe joue un réel impact sur la construction de soi. Cette idée est clairement opposée à vos convictions n’est-ce pas ?
Il y a juste un point de désaccord : vous parlez de « construction de soi », je parlerais plutôt de « construction du moi ». Le soi n’a pas à être construit, car il est déjà là. Cependant, le soi « construit » le moi, par un ensemble d’interactions extérieures avec le moi, qui est associé à un soi qui organise le monde subjectif de l’individu en un monde conscient, et, dans son antagonisme, en un monde inconscient.
En revanche, le behaviorisme stipule que le comportement d’un individu est essentiellement conditionné par les mécanismes de réflexe à un stimulus, naturellement extérieur. Je ne dis pas nécessairement le contraire, cela correspond bien à une contingence « stimulus-réponse » liée à un individu donné. S’il y avait eu un autre stimulus, la réponse aurait alors été différente, et l’on change alors de contingence « stimulus-réponse ». Ce que je dis, c’est qu’il existe une infinité de telles contingences, et cet ensemble de contingences est une nécessité pour l’être : c’est cela, l’ensemble des possibles. Donc vous voyez dès lors que la topique du sur-conscient est un dépassement du behaviorisme, au même titre que le sur-conscient est un dépassement du couple conscient/inconscient.
Je vais même aller plus loin en liant le behaviorisme à son courant opposé, le mentalisme. L’introspection est le fer de lance du mentalisme : on comprend un individu par investigation de son conscient, révélant aussi des traces de son inconscient, pour rendre une partie consciente. Bien, j’en ai profondément parlé dans mon livre. En quoi est-ce que, avec le point de vue du sur-conscient en tête, l’on ne peut pas lier ces deux courants populairement opposés ?
S’il vous faut écrire un autre ouvrage sur le soi, quel en pourrait être le titre ?
L’identité.
J’aimerais aussi préciser que je suis l’auteur d’articles scientifiques, et d’autres livres. Deux autres vont paraître courant 2022-2023, sur quelques fondements mathématiques de la blockchain.
En une phrase, quel message souhaiterez-vous passer à travers votre livre La définition de soi ?
J’invite toute personne à se poser, et à réfléchir sur son essence profonde, en se détachant de son environnement, de ce qui la perturbe, ou de ce qui la fait jouir, et à prendre conscience de ce qu’elle est au fond, à travers ma réflexion sur la définition de soi.
Quels sont les livres qui vous ont servi de support à la rédaction de votre livre ?
Véritablement aucun ! Ce serait ma première réponse. Mais à dire vrai, il me semble que ma pensée ait, d’une façon ou d’un autre, été influencée par des penseurs aux idées diverses et variées, que j’ai pu lire tout au long de ma vie, et que je continuerai à lire, à étudier, jusqu’à, au moins, ce que l’on me prête vie.
Merci Julien !
Avec plaisir !
Franckh Espérant Nombo, mai 2022