Essai
La société de provocation
Pendant que l’on contraint les migrants à errer dans des camps ou à sombrer dans la mer, des traders de bitcoin et des pirates libertariens perfectionnent l’art de la fuite et se réfugient sur leurs mégayachts, leurs îles artificielles, voire dans des fusées à l’allure phallique. Tandis que la terre brûle, Elon Musk envoie une voiture flotter dans l’espace et rêve de coloniser Mars. Alors que le prix des aliments de base ne cesse de grimper, l’industrie agroalimentaire gonfle ses profits et, à la télé, on célèbre des chefs qui transforment la cuisine paysanne en haute gastronomie.
Bernés par les prestidigitations des ultrariches, nous les regardons, stupéfaits, dilapider les ressources de la planète. Dans son roman Chien blanc, Romain Gary appelle «société de provocation» cet ordre social où l’exhibitionnisme de la richesse érige en vertu la démesure et le luxe ostentatoire tout en privant une part de plus en plus large de la population des moyens de satisfaire ses besoins réels.
Ce pamphlet cinglant énumère et analyse les mille façons qu’ont les ultrariches de nous nuire, et invite à rompre avec cette société de provocation.
Roman-Nouvelles-Récit
La version qui n’intéresse personne
À dix-huit ans, Sacha et son meilleur ami Tom quittent Montréal sur le pouce et aboutissent à Dawson City, au Yukon, où ils trouvent enfin la communauté de punks, d’anars et de vagabonds dont ils rêvaient. Ils adoptent une chienne-louve, Luna, et s’installent sur la Sixième Avenue, dans une cabane sans électricité ni eau courante. De jobs d’été en hivers chômés, de nuits blanches en road trips, d’amantes en amants, des années joyeuses passent dans un monde immense. Mais quand Sacha tombe amoureuse d’un autre, Tom se sent trahi: Sacha n’est qu’une pute, une profiteuse qui mérite d’être punie. Il répand son fiel; le village choisit son camp. Puis la pandémie frappe. En quarantaine dans une cabane isolée, seule avec un coloc dont elle doit repousser les avances pressantes, Sacha compte les jours, tandis que les Dawsonites confinés font son procès.
La version qui n’intéresse personne, c’est l’histoire inouïe et cruelle d’une victime imparfaite qui, comme si c’était tout naturel, deviendra l’accusée. C’est le cri d’impuissance et de rage qu’elle adresse à celles et ceux qu’elle voyait comme son unique famille, afin que son humanité lui soit rendue. C’est son ultime tentative d’être comprise, crue, aimée. Avec ce premier roman déchirant et subversif, Emmanuelle Pierrot porte un regard radicalement lucide sur les forces qui poussent les groupes d’humains à commettre des actes terribles en restant convaincus d’exercer la justice.
Triste tigre
Alpes, dans les années 1990. La narratrice, prénommée Neige, est violée régulièrement par son beau-père. En 2000, elle et sa mère portent plainte et l’homme est condamné à neuf ans de prison. A travers ce récit fictionnel, l’auteure relate ce qu’elle a subi, explore les moyens de dire le traumatisme ainsi que le pouvoir et l’impuissance de la littérature pour raconter l’inceste et le viol.
Poésie
Fille méchante
Je fais partie des filles qui ont toujours voulu se vendre ça remonte à l’époque de la masturbation devant la télé cathodique de la violence des récréations du lait d’avoine des petites joues roses dans la robe jaune mouillée ben raide devant les cousins écrire est difficile mais vendre mon corps ne l’est pas je m’arrête pour me toucher je ne sais pas si je pourrai revenir au paragraphe au texte au déversement je vais sortir tout le liquide de moi parce qu’il menace de me sortir par les yeux à chaque fois que je m’applique sur le clavier