Gohou Michel et ses 30 ans de carrière !

« La fête à Gohou », c’est le nom de l’événement marquant la célébration des trente années de carrière de Michel Gohou. Après l’avoir déjà fait en 2019, en Côte d’Ivoire, le célèbre humoriste ivoirien a choisi de livrer une série de spectacles en France du 20 au 27 novembre 2022 , pour fêter son admirable carrière. Une carrière qui s’est construite au fil des railleries, d’énormes sacrifices et d’une remarquable résilience. Retour sur le destin de ce miraculé.

Surmonter le handicap

De père ivoirien et de mère burkinabè, Michel Gohou Doukrou naît le 18 mars 1959 à Gagnoa. Et c’est dans cette ville située à l’Ouest de la Côte d’Ivoire qu’il grandit, dans des conditions extrêmement modestes. Comme les jeunes de son âge, le petit Michel rejoint les bancs de l’école. Mais il est très tôt conscient de sa différence avec les autres. Il a une malformation physique qui, s’ajoutant à sa timidité, lui impose d’une certaine manière de se tenir à l’écart des autres. Michel Gohou vit donc en marge de ses camarades de classe et son maître, Victor Yobo, le remarque et trouve une solution qui sera le déclic de tout ce qui se passera dans sa vie bien après.

En effet, un jour, Victor Yobo demande à Michel de rejoindre la troupe théâtrale de l’école. Ses raisons sont simples : permettre au jeune homme de se débarrasser de sa timidité et de se sentir décomplexé malgré son handicap. Il est question de l’amener à s’intégrer dans la masse sociale en se déliant du complexe de la stigmatisation. Aussitôt que Michel intègre la troupe de théâtre, il commence à faire parler de lui, contre toute attente. Il fait rire plus d’un, ses prestations ne laissent pas l’assistance indifférente et les félicitations arrivent de partout. Il devient la petite star de son école pendant les petites manifestations qui y sont organisées. Le jeune homme a donc désormais de quoi être fier de lui, il se sent pour une fois apprécié, il peut enfin commencer à sourire.

Mais ce sourire ne sera que de courte durée. Alors que Gohou Michel est au Cours moyen deuxième année, sa santé se dégrade allègrement. Il tombe gravement malade et ne trouve la santé nulle part où ses parents l’amènent. « Je partais à la mort. Je me disais, c’est fini pour moi. Et même mes parents, ils avaient complètement perdu espoir. Et au village, les gens qui venaient me saluer venaient pour voir l’évolution de la maladie, à quel moment il va rendre l’âme », se souvient-il. C’est finalement au bout de trois longues années qu’un médecin traditionnel réussira à le guérir de son mal, au Burkina Faso. Partant de là, Gohou devient musulman et c’est pourquoi les plus intimes l’appellent « Samba ».

Le retour à la vie

De retour à la vie, Gohou Michel rentre en Côte d’Ivoire. Après tout ce temps passé, les soucis financiers aidant, il ne peut plus poursuivre ses études. Il embrasse plusieurs petites activités pour survivre. Il est tantôt gérant de boutique, électronicien et autres. En même temps, il se consacre un peu plus au théâtre parce qu’il est désormais convaincu que c’est par cette voie que passera son salut, confie-t-il. De ce fait, il intègre la troupe de théâtre de sa ville natale, « Le Fromager de Gagnoa ». Il y passe quelque temps, jusqu’au moment où le désir d’aller voir ailleurs s’empare de lui.

Nous sommes en 1985 lorsque Michel Gohou décide de rejoindre Abidjan dans l’espoir d’avoir plus de chance pour exprimer son talent et faire de sa passion un métier : « je prends la résolution d’aller à la conquête de la capitale pour tenter de faire le métier que j’ai choisi, celui qui peut sauver ma vie de la moquerie des gens. » Non loin de son domicile, se trouve le Centre culturel d’Abobo où s’entraine constamment le groupe de théâtre « Fétiche Eburnéen ». Une belle opportunité pour Gohou qui demande à intégrer la troupe. Après sa prestation-test concluante, le metteur en scène lui dit : « ce que tu as fait jusqu’à présent, c’est bien. Maintenant, ici, tu vas apprendre le vrai travail de la scène. » C’est ainsi qu’il commence à apprendre certains canaux du métier, comme il l’avait toujours souhaité auparavant, avant de rejoindre d’autres groupes par la suite.

En 1993, après avoir multiplié des expériences en travaillant avec divers groupes de théâtre, Michel Gohou fait une rencontre qui fera totalement basculer sa vie. Il rencontre Daniel Cuxac, le fondateur de la troupe « Les Guignols d’Abidjan » et entre dans le groupe. La troupe propose une série télévisée très en vue et Gohou est choisi pour jouer le rôle principal. « Dès lors, mon talent jusque-là méconnu du public va exploser au grand jour. C’est depuis ce moment que ma vie a changé », déclare-t-il. À partir de là, l’Ivoirien ne s’est plus arrêté et n’a cessé de faire parler son talent.

Au sommet de son art

Si la série « Les Guignols d’Abidjan » a incontestablement révélé Michel Gohou au monde, d’autres projets sont venus confirmer tout le bien que les uns et les autres pensaient déjà de lui dès ses premières apparitions à la télévision. Avec son rôle dans la célèbre série ivoirienne « Ma Famille » de l’actrice, réalisatrice et productrice Akissi Delta, le talent de Gohou est acclamé par tous. Sa gestuelle, son accoutrement et son physique font de lui un personnage atypique. Ses expressions sont reprises partout, tous ceux qui voient ses séries se souviennent par exemple de sa phrase : « je vais te gifler » qu’il accompagne généralement avec un geste de la main sur la joue, ou encore de son exclamation « Popopopopo… ! » Gohou impose son style !

Désormais, Gohou Michel est une identité remarquable. Il fait rire les gens non plus à cause de son handicap, mais grâce à son génie, propre à lui, qu’il a su peaufiner au fil des années. Les années 2000 sont plus florissantes pour lui, puisqu’on le voit dans de nombreux projets, que ce soit dans des spectacles ou à la télévision. Il a tourné dans une centaine de films et séries télévisées, avec à chaque fois un succès remarquable. Par conséquent, il a reçu plusieurs prix au cours de sa carrière. En 2017, il est distingué meilleur acteur comédien d’Afrique de l’Ouest par les Sotigui Awards au Burkina Faso, pour le film « Bienvenu au Gondwana ». En 2020, il reçoit le Prix du meilleur humoriste africain de l’année, organisé par les Prix africains de développement (PADEV), entre autres.

Aujourd’hui, Gohou Michel est humoriste, comédien, acteur, réalisateur, scénariste et producteur. Sa célébrité a dépassé les frontières ivoiriennes et africaines. Tout cela n’a été possible que grâce au rêve et au travail. Le rêve qui semblait irréalisable ou alors pas aussi grand au début, est devenu possible grâce à sa persévérance et à son désir manifeste de se surpasser et de réussir malgré toutes les difficultés qui semblaient le mettre hors de course. Ce qui est d’autant plus remarquable lorsqu’on sait qu’il a arrêté l’école assez tôt. Ses trente années de carrière marquent donc avant tout un bel accomplissement personnel. Un accomplissement qui a été salué par le gouvernement ivoirien, avec notamment sa distinction de Chevalier de l’ordre du mérite culturel ivoirien en 2019. Gohou Michel est une véritable tête de proue de la comédie, de l’humour et du cinéma africain. Il s’est imposé au fil de ses trente années de carrière comme l’un des plus talentueux de sa génération et continue d’écrire son histoire, l’histoire d’un miraculé[1].

Boris Noah


[1] Destin d’un miraculé, c’est le livre-entretien de Michel Gohou, réalisé par Pierre Teubeu et publié aux Editions Vallesse en 2019.  

Un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous aimeriez lire également:

Vanilla & Spices : Saveurs malgaches du Canada

Vanilla & Spices est une entreprise canadienne fondée par deux amies d’enfance, Aina et Nomena, originaires de Madagascar. Les deux amies se sont unies dans le but de fournir aux Canadiens des gousses et des produits de vanille de la plus haute qualité. Elles achètent de la vanille directement auprès des petits producteurs locaux à Madagascar et fabriquent des produits haut de gamme à la main à Toronto. De passage à Québec dans le cadre de la Mission commerciale de l’Université Laval, Aina, l’une des fondatrices a bien voulu répondre aux questions du magazine francophone OU’TAM’SI.

Lire plus

Le groupe Magic System : de la musique à l’humanitaire

Le groupe Magic System fait danser les populations d’ici et d’ailleurs à travers ses chansons tirées du Zouglou et d’autres sonorités africaines. C’est l’un des rares groupes de musique en Afrique que le succès n’a pas séparé, après plus de deux décennies d’existence. Au-delà de faire danser, A’salfo et sa bande ont décidé de donner du sourire aux populations vulnérables de la Côte d’Ivoire, et plus largement de l’Afrique, en créant une fondation qui porte leur nom. Un bel exemple de solidarité, d’altruisme et de philanthropie pour ce groupe qui a su construire son succès au fil de la persévérance.

Lire plus

Le quartier 418 : une marque de vêtements au service des Québécois

Le Quartier est une marque de vêtements locale qui a vu le jour en 2021, à Québec, au Canada. Ses créateurs ont voulu marquer à travers une ligne vestimentaire, l’attachement à leur quartier nommé Limoilou, qu’ils considèrent comme le meilleur de tous. Le Quartier est donc bien plus qu’une marque. Au-delà d’être une large gamme de vêtements pour hommes et femmes avec un insigne de loup, Le Quartier est un sentiment d’appartenance à une communauté qu’on entend célébrer.

Lire plus

De la littérature à la haute parfumerie, le parcours de Chaina Fidahoussen

Moramora veut dire « slow life » en langue malgache et fait référence au mode de vie lent à Madagascar, mon pays d’origine et ma muse. Mon concept se résume au slogan : « Odyssée olfactive d’un monde à part ». Nos parfums sont conçus comme des contes olfactifs dépeignant l’unique biodiversité de la Grande Île et sa vision du monde qui est celle de la vie moramora dans une société universelle harmonieuse, similaire à la philosophie ubuntu.

Lire plus

« Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne peut s'exprimer qu'en répondant : Parce que c'était lui, parce que c'était moi. »

Publicité

un Cabinet de conseil juridique et fiscal basé à Ouagadougou au Burkina Faso

Devis gratuit