Bonjour Dacosta, comment allez-vous ?
Bien. Je me porte bien. Merci.
Acteur, comédien et scénariste… Où et quand écrivez-vous vos scénarios ?
J’écris souvent chez moi à la maison ; peu de fois aux endroits très calme aux heures de la journée ou de la nuit ! Bref, quand je me sens inspiré, je tiens mon stylo et me procure un bout de papier.
Comment décririez-vous votre démarche artistique ?
Une démarche très simple et claire pour une société qui est appelée à relever plusieurs défis liés à la sécurité, au social, à l’éducation, à la santé, etc. Le théâtre et le cinéma congolais étant des vecteurs de communication, mes scénarios constituent toujours un message pour la jeunesse de mon pays, la République démocratique du Congo en particulier, et de l’Afrique en général. Je vise le changement de mentalité, l’auto-prise en charge pour développer notre pays, l’éveil de la conscience et la confiance en soi. J’invite aussi les jeunes, dans mes créations, à passer à l’action tout en canalisant leurs énergies sur un but bien précis.
Quelle place le spectateur prend-il dans votre processus créatif ?
Il (elle) occupe une place de choix. Vous savez… Par définition le théâtre est le miroir de la société, c’est le conflit humain représenté sur scène par les artistes devant public. Je dirai donc que l’homme est la principale source de mes inspirations, car il est l’auteur de l’action le protagoniste du conflit de société. C’est pourquoi le message lui est prioritairement destiné. Le spectateur est indissociable de ma création. Il est, à ce titre, mon premier intérêt que ce soit pour le théâtre mais aussi pour le cinéma.
Je suis devenu comédien par le truchement de “l’école africaine”, c’est-à-dire auprès d’un grand. J’ai cité M. Elombe Faustin Sukari, mon maître que je salue. M. Elombe Faustin Sukari est licencié en Mise en scène à l’INA (Institut National des Arts).
Avez-vous une formation de comédien/acteur ? Si oui, qu’est-ce que cette formation apporte à votre écriture ?
Je suis devenu comédien par le truchement de “l’école africaine”, c’est-à-dire auprès d’un grand. J’ai cité M. Elombe Faustin Sukari, mon maître que je salue. M. Elombe Faustin Sukari est licencié en Mise en scène à l’INA (Institut National des Arts). Cette formation dont j’ai été bénéficiaire date de plus de dix ans aujourd’hui. C’est depuis 2012 que j’ai intégré le Théâtre Simba de M. Elombe. Cette expérience m’a beaucoup forgé au point de m’amener à occuper la responsabilité de directeur artistique adjoint de la troupe en 2021 au mois de mars. J’ai aussi créé en 2016 ma propre troupe de théâtre Amani*. Comme vous pouvez le constater, cette maturité artistique est le fruit d’un long parcours, du parcours d’un bon élève. J’ai su tailler ma ligne artistique puis faire asseoir une conviction et une marque personnelle, marque qui est devenue la ligne de conduite de ma pensée durant la création de mes œuvres. Mon objectif est d’une part de décourager les vices et d’autre part de faire primer les vertus.
Quel est le meilleur conseil que vous avez reçu dans ce métier ? Et le pire conseil ?
“Le théâtre ne vous rendra peut-être pas riche mais noble sûrement si vous le faites avec beaucoup d’abnégation”, dixit Elombe. Le pire c’est lorsque j’ai commencé le métier. Plusieurs personnes ont voulu nous faire croire que le succès était forcément le résultat du fétiche ou d’autres pratiques contre nature ! Heureusement pour moi, car très tôt, j’ai compris que le succès était en réalité le résultat d’un travail sans limite.
Quel aspect de votre métier vous rend le plus heureux ?
La considération des tiers, le respect, l’estime qu’on reçoit des personnes autres que celles de notre famille sont des satisfactions morales, même si elles ne sont pas matérielles. Il y a aussi l’immortalité de l’artiste après son brillant passage sur terre et cela grâce à ses œuvres. C’est passionnant.
Dans votre parcours, de quelle réalisation êtes-vous le plus fier ?
Plusieurs d’entre elles me motivent tous les jours. Néanmoins, à la base je fais partie de cette classe d’homme qui se remet toujours en question. J’attends de voir encore mes prochaines réalisations et créations. Motivé oui, mais être fier, je pense que je dois encore attendre un tout petit peu, car il y a encore du chemin à faire.
« La langue ne peut pas être un frein pour le théâtre ou le cinéma congolais ».
Il y a floraison et foisonnements de chaînes YouTube dont sont propriétaires les acteurs et comédiens congolais, est-ce que décentrement ne favorise pas la perte des énergies ?
Vous savez, les comédiens (e) congolais n’ont même pas un statut d’artiste. Cela est dû à l’absence d’une politique culturelle. Dans notre pays les artistes ne vivent pas de leur métier comme nous le recommande la Bible : * l’homme ne vivra qu’à la sueur de son front… *. Aujourd’hui tous plongent dans la cascade artistique. Nous n’avons pas beaucoup de choix. Donnez un coup de pouce à l’autre demain, il en sera pareil pour vous. C’est triste mais c’est bien ça la réalité.
Vous êtes aussi scénariste, comment cela se passe-t-il lorsque vous devez proposer un projet à un producteur ? Est-ce lui qui établit le choix des acteurs ou bien est-ce vous ? Et si c’est vous, quels sont vos critères principaux ?
Avec respect, rectifions ensemble *pseudos producteurs*. J’avoue que nous n’avons pas de producteurs congolais actuellement. S’il faut dire un mot sur les amis (e) qui nous contactent pour les télés dramatiques avec le peu qu’ils ont dans leurs poches, allons-y…
La réalité est simple et complexe à la fois, mais en tant qu’acteur on a le profil d’acteurs et actrices pour chaque personnage ou carrément les protagonistes et après intervient aussi le côté commercial qui est vendable simplement à la miniature. Les échanges viennent de là avec celui ou celle qui vous passera l’argent pour ce film. C’est ce que nous appelons communément Nzonzing. Pour moi, le plus favori de mes critères c’est : le talent. Après, s’ensuit la disponibilité.
Avez-vous déjà songé à vous installer à votre propre compte, c’est-à-dire créer votre propre chaîne ?
Je possède une chaîne YouTube : Dacosta TV1 qui malheureusement souffre de subvention pour son fonctionnement. J’ose croire que le temps viendra pour réaliser ce que j’ai dans ma tête il y a de cela belle lurette.
En dehors de l’Afrique noire anglophone qui essaie de s’en sortir un peu, on sait que l’industrie du cinéma en Afrique noire francophone est souvent reléguée au second plan… On le dirait d’ailleurs de l’industrie culturelle en général, alors comment survit financièrement un acteur comédien congolais ?
Financièrement un comédien ou acteur congolais est un survivant de l’enfer ! Seul Dieu pourra nous dire quand et comment les choses vont s’améliorer afin de permettre au comédien (e) de quitter cette misère sérieuse sans aucune définition certaine. Les artistes sont accroupis dans une précarité qui donne naissance à beaucoup des phénomènes comme la prostitution, la débauche, le Matolo qui n’est rien d’autre que de la mendicité informelle. Les autorités du pays doivent agir car comme le disait Emile Henriot, la culture, c’est ce qui demeure dans l’homme lorsqu’il a tout oublié.
On reproche souvent aux acteurs et comédiens congolais de rester ancrés dans la langue lingala, de beaucoup tourner autour des thématiques de sorcellerie ou d’églises, de kobouaka ba mabanga… Pensez-vous que ce sont des handicaps pour l’universalisation de votre art ?
Oui et non ! La langue ne peut pas être un frein pour le théâtre ou le cinéma congolais. Si tel est le cas, nous ne parlerions pas du cinéma chinois qui est fait en chinois. D’ailleurs les Africains anglophones le font dans leur dialecte. Chaque peuple a sa culture. Si la nôtre est la dédicace de nos notables à travers nos œuvres, que ferons-nous ? Le lingala est une belle langue d’Afrique au même titre que le français le swahili et l’anglais. Tout est question du développement de l’industrie du cinéma congolais, de placer l’artiste dans de très bonnes conditions de travail, c’est-à-dire dans les standards internationaux. C’est de cette manière que notre culture et nos langues seront exportées vers d’autres pays comme on nous importe le français, l’anglais et bientôt le chinois. Créer une industrie cinématographique ennoblira ce métier en RDC. Et là, certains aspects liés à la précarité à la pauvreté tomberont d’eux-mêmes.
La série Buzz en quelques mots ?
La série BUZZ est une série jeune, urbaine. C’est un mélange du théâtre congolais de base appelé communément MABOKE NGALIEMA et la représentation de la société occidentale à travers les séries qu’on diffuse chez nous sur des chaînes comme CANAL. La série BUZz a pour objectif d’interpeller sur l’usage des réseaux sociaux, les applications dans nos téléphones, réveiller la conscience sur les biens fondés de l’humanisme que nous avons perdu il y a quelque temps suite à la montée spectaculaire de la vitesse d’Internet. C’est une série à consommer sans modération sur TemoTv officiel.
Comment décririez-vous la situation culturelle en RDC actuellement ? Et vos souhaits ?
Une situation culturelle morose laissant l’artiste à son propre et triste sort. Malheureusement nos dirigeants ne sont là que pour eux-mêmes et pour leurs propres intérêts. On n’a pas vraiment de la chance nous autres artistes et acteurs culturels congolais. Le souhait est que les choses changent, que l’artiste vive de ses œuvres, car nous sommes dans un pays de plus de 80 millions d’habitants, mais nous sommes pauvres faute d’une politique culturelle dans notre pays. Cela fait très mal.
Lorsque l’on regarde les théâtres films sur YouTube, on a l’impression que vous êtes davantage suivis par la diaspora congolaise… Que faites-vous pour que le peuple congolais sur place, qui est une grande population, puisse se retrouver dans vos productions ?
Il y a un certain temps où les propriétaires des chaînes locales utilisaient abusivement leurs grilles des programmes. C’était au détriment des artistes comédien(es). Ils faisaient payer des sommes d’argent pour diffuser des productions ne leur appartenant pas. Des troupes théâtrales ont souffert de cette escroquerie sans nom. L’avènement de YouTube a permis aux troupes d’évoluer en toute liberté puis d’être consommées partout dans le monde. De ce fait, je pense que l’effort à fournir serait, de la part des patrons des chaînes de télévision locales, de revoir leur manière de faire étant donné qu’ils ne donnent aucune subvention pour le bon fonctionnement de ces structures. On peut aussi penser à la mise en place d’un partenariat gagnant-gagnant. Voilà.
Quel est, selon vous, l’avenir de la langue française en RDC ?
La langue française se porte bien en République démocratique du Congo. Son avenir est garanti dans la mesure où de plus en plus les nouvelles générations qui arrivent souhaitent maîtriser cette langue administrative de notre pays qui nous est indispensable. Je souhaite bon vent à la langue de Molière.
J’ouvre un livre au hasard et je vous transmets ce que j’y lis. Vous avez la mission de me dire comment cette phrase résonne en vous :
“accueillons-nous les uns les autres. Peut-être alors commencerons-nous à moins nous laisser gouverner par nos peurs, à nous faire moins de fausses idées, à nous délester des préjugés et des stéréotypes qui nous divisent inutilement. Peut-être serions-nous mieux à même de saisir ce qui nous rapproche. Il ne s’agit pas d’être parfait. Il ne s’agit pas de savoir où mène notre route. Accepter d’être reconnu et entendu, de s’approprier son histoire singulière, de faire résonner sa voix véritable est une force. Et être disposé à rencontrer et à écouter l’autre est une grâce. Voilà quel est à mes yeux, le chemin de notre devenir” (Michelle Obama, Devenir, p. 485)…
Sans tergiverser, le message qui raisonne en moi, c’est bien celui de l’amour du prochain qui est le socle de tout sur terre.
Comment distinguer théâtre et cinéma dans l’imaginaire congolais et dans l’imaginaire du Comédien/acteur lui-même ?
Le Théâtre est le live des comédiens (e) devant un public dans une salle de spectacle ou autre lieu considéré comme scène pour l’occasion où on représente un conflit X, Y, Z d’une société quelconque, tandis que le cinéma c’est la mise en scène et scénario voire l’interprétation des comédiens ayant subi certaines touches de la technique, c’est-à-dire filmé par la caméra et monté à l’ordinateur avec tout ce qui va avec, puis diffusé à la télévision ou sur tout autre support audiovisuel pour le bonheur du grand public. D’ailleurs, les mots peuvent tout dire : Au théâtre le public est nommé spectateurs mais au cinéma le public est nommé téléspectateur le préfixe (Télé) dit tout.
Quels sont vos mots ou vos tactiques pour garder espoir que les choses pourront évoluer dans votre pays ?
Seul Dieu est le maître des temps et des circonstances. En tant que chrétien, j’ai confiance et je crois que les choses finiront par changer un jour. Je suis un bosseur et je suis convaincu que seul le travail ennoblit l’homme. L’adage dit également qu’aussi longtemps que nous garderons nos mains levées pour brandir haut notre savoir-faire à travers notre culture, la réussite ne tardera pas à se prononcer. Le théâtre et le cinéma de notre pays sont, pour nous artistes, le seul cadre approprié d’expression libre pour apporter notre touche au développement de notre beau pays.
Conversation avec Nathasha Pemba
Suivre Dacosta sur les réseaux sociaux. Cliquez sur les liens ci-dessous