Amin Maalouf est élu secrétaire perpétuel de l’Académie française. L’écrivain d’origine libanaise succède à Hélène Carrère d’Encausse — décédée le 5 août 2023 — qui occupait ce poste depuis octobre 1999. En remportant l’élection par 24 voix contre 8, face à Jean-Christophe Rufin, il est devenu le 33e secrétaire perpétuel de l’institution.
Amin Maalouf, « l’Immortel »
Il est de coutume d’appeler les Académiciens « les Immortels », en référence à la devise de l’Académie française « À l’immortalité », pour magnifier leur vénération. En intégrant l’institution, l’on occupe son fauteuil jusqu’à la mort et le nouvel occupant a la responsabilité de célébrer celui dont il est le successeur. Amin Maalouf devient donc « Immortel » après son élection, le 23 juin 2011, au fauteuil 29 qu’occupait Claude Lévi-Strauss avant sa mort en 2009. Il est reçu par Jean-Christophe Rufin le 14 juin 2012 et depuis lors, il s’est considérablement impliqué dans les activités de l’Académie.
Pour en arriver là, Amin Maalouf s’est fait un nom au prisme de son apport scientifique et de ses riches publications littéraires. Né le 25 février 1949, au Liban, Amin Maalouf fait des études d’économie et de sociologie. Il commence à travailler comme journaliste et couvre de nombreux grands événements à travers le monde. Après l’éclatement de la guerre civile au Liban, il décide de quitter son pays d’origine, et s’installe en France avec sa famille au milieu des années 1970. Il y continue son travail de journaliste, à Jeune Afrique notamment, où il devient rédacteur en chef et éditorialiste. Il se consacre alors à l’écriture au début des années 1980 et publie son premier essai : Les Croisades vues par les Arabes. Son premier roman, Léon l’Africain — Prix de l’amitié franco-arabe et Prix France-Liban en 1986 — marque l’entame de son succès littéraire qui sera plus flamboyant avec l’obtention de son Prix Goncourt en 1993, pour son roman Le Rocher de Tanios. En 1998, il remporte le Prix européen de l’essai avec Les Identités meurtrières et le Prix Prince des Asturies des Lettres en 2010, pour l’ensemble de son œuvre.
La 9ᵉ édition du Dictionnaire de l’Académie française
Le poste de secrétaire perpétuel confère à Amin Maalouf le rôle de diriger et de représenter l’Académie française partout dans le monde. Il en est désormais la figure de proue et veillera au respect des idéaux de l’institution, à la défense de la langue française notamment. La langue française, qui n’est plus seulement la langue des Français depuis le début des mouvements migratoires et la colonisation qu’a connue le monde, s’est montrée de plus en plus hospitalière depuis de nombreuses décennies déjà. Elle a suffisamment été enrichie au contact des étrangers, ce qui donne progressivement lieu à l’intégration de nouveaux mots et expressions nés par exemple dans d’autres pays que la France. Aussi, la langue étant un outil de communication qui évolue au fil du temps et se régénère en fonction de l’espace, le français nécessite des corrections et certaines améliorations qui répondent à de nombreuses préoccupations qui sont posées au quotidien.
Pour cette raison, huit éditions du Dictionnaire de l’Académie française ont déjà été publiées et révisées. Amin Maalouf se donne donc la tâche d’accélérer le processus de publication de la neuvième édition dudit dictionnaire, enclenché depuis 1986, à l’initiative de Maurice Druon. « Cette nouvelle édition, que plus d’un demi-siècle sépare de l’édition précédente, a connu un formidable accroissement du vocabulaire lié au développement des sciences et des techniques, à l’évolution des mœurs et des modes de communication. Ce sont près de 60 000 mots qui devraient en composer la nomenclature, ce qui représente un accroissement d’environ 28 000 mots par rapport à la huitième édition. Les termes nouvellement introduits sont signalés au lecteur par un astérisque. La neuvième édition reflète l’adaptation de la langue à l’évolution de nos sociétés sans pour autant céder à l’encyclopédisme : le Dictionnaire de l’Académie française reste un dictionnaire d’usage » (Site Académie française).
Féminiser l’Académie française
L’un des projets d’Amin Maalouf c’est de donner accès à une présence féminine importante au sein de l’Académie française. Le constat est clair que l’Académie compte très peu de femmes malgré les différentes revendications qui ont longtemps été faites. Sur la quarantaine de membres que l’Académie compte actuellement, il n’y a que six (6) femmes. Et depuis sa création en 1635, l’Académie française n’a enregistré que l’arrivée de dix femmes : Marguerite Yourcenar (1980), Jacqueline de Romilly (1988), Hélène Carrère d’Encausse (1990), Florence Delay (2000), Assia Djebar (2005), Simone Veil (2008), Danièle Sallenave (2011), Dominique Bona (2013), Barbara Cassin (2018) et Sylviane Agacinski (2023).
Hélène Carrère d’Encausse, en succédant à Maurice Druon le 21 octobre 1999, est devenue la première femme à occuper le prestigieux poste de secrétaire perpétuel de l’Académie française. Historienne et femme politique française d’origine géorgienne, celle qui a été à sa tête jusqu’au 5 août dernier a contribué à impulser la féminisation au sein de l’institution française. Amin Maalouf compte donc poursuivre ce processus : « J’aimerais qu’on accélère beaucoup sur ce point, surtout que la présence de Mme Carrère d’Encausse donnait une féminisation solennelle à l’Académie. Il faut une plus grande présence féminine », avoue-t-il.
Boris Noah