Ce que les poèmes chuchotent à l’oreille : Trois auteurs, trois styles

Michèle Moisan, Édith Pineault et Marc-André Villeneuve, trois poètes québécois, prix Piché de poésie, entre réalisme, étonnement et fragilité, révèlent une plume intime empreinte d’humanité, tout simplement.

De ce recueil, on retiendra simplement ceci : le titre est révélateur. Intimité, secret, discrétion, étonnement, vie, fragilité. Ce qui se chuchote à l’oreille n’est jamais destiné à tout le monde. Et, puis le dévoilement, un dévoilement par bout. « Comme je suis », tel est le titre du poème de Michèle Moisan. ÊTRE ce que l’on est, mais avoir conscience d’être une vie. Dès la naissance, porter le souffle, être insouciant, vénérer l’être, Vivre. Se développer, accueillir, ÊTRE AVEC. Aimer. Accueillir sa destinée. Au cœur de ces vers et de ce dévoilement progressif se dessine la Vie, la trajectoire du vivant, de la conception à l’infini. Comme évoquant un parcours, la voix de Michèle Moisan, lyrique, trouve son enracinement dans l’intime et l’ultime.

je n’étais que corps
translucide
et prémices
 
puis j’ai senti un courant
en moi j’ai senti la vie
(…)
 
il faut qu’un jour se brisent
les rouages du corps
 
que la rivière
chute
dans son destin

Les mots d’Édith Pineault dans Trahir la matière (étonnement et surprise) gagnent en intensité et font valoir la limite, la fragilité. Telle est la réalité du quotidien, car au commencement est la fragilité.

cette fragilité abreuve
la musique instruit ce qui s’estompe
dans ce va-et-vient
que les coups de rames
ne surveillent pas
mais embrouillent

Fragiles, nous le sommes ; et toute vie n’est possible que dans l’acceptation de la fragilité, lieu de la possibilité et de l’impossibilité. Fragile n’est pas exclusivement l’attribut d’autrui. Tout humain est fragile ; une fragilité qui se rencontre dans l’expérience.

On retrouve aussi chez Marc-André Villeneuve la catégorie de la fragilité, mais cette fois-ci, avec une vénération de la poésie comme possibilité, comme rédemption.

me voici lecteur d’une poésie
qui ouvre mes lèvres
 
(…)
au bout du poème
au seuil de soi-même
une parfaite nudité
versant invisible
de la rose et du lilas

C’est un petit recueil de 78 pages que je vous recommande vivement.

Karl Emmanuel Makosso

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