Conversation avec Michel Laverdière

Bonjour Michel, comment allez-vous ? 

Bonjour Nathasha! Je vais bien, merci! En fait, depuis ma retraite en 2015, je découvre le plaisir de vieillir et la liberté que celle-ci me procure. J’ai aussi l’impression de vivre la plus belle période de ma vie. 

Je me suis rendu sur votre site et j’ai remarqué que la spiritualité a toujours fait partie de votre création. Pourquoi avez-vous choisi Gilgamesh comme sujet, alors qu’il y a d’autres figures dans l’histoire ? 

Comme je l’ai expliqué dans l’avant-propos du livre, je venais tout juste de terminer l’adaptation de la Bhagavad-gîtâ en alexandrins et je désirais prolonger le plaisir que ce projet littéraire m’avait apporté. Je me suis alors rappelé que j’avais fait la traduction française d’une pièce de théâtre que mon ami Paul Lauzon avait écrite et montée pour le public du Nouveau-Brunswick au début des années 1980 – le livre lui est d’ailleurs dédié. Connaissant bien le sujet, je me suis replongé dans l’Épopée de Gilgamesh pour en faire ce grand poème en alexandrins.

En vous inspirant de Gilgamesh, dans quelle optique peut-on considérer que la fragilité est le commencement de la sagesse ? 

En fait, vous avez parfaitement raison d’aborder ici le sujet de la fragilité. On sait que Gilgamesh était un roi puissant, autoritaire et qui s’accordait même le droit de cuissage sur toute jeune vierge avant son mariage. Fils de dieux et de déesses, son pouvoir était immense et personne n’osait le confronter. D’où le projet pour eux de créer Enkidou, mi-homme mi-sauvage, qui pourrait le provoquer et combattre avec lui… Pendant ce temps, le peuple connaîtrait peut-être une certaine paix. Gilgamesh et Enkidou étaient de forces égales et le combat étant sans issue, ils devinrent amis. Cette amitié se développera et grandira au fil de leurs aventures, et la mort d’Enkidou provoquera enfin chez Gilgamesh cet éveil de la conscience, cette précieuse « fragilité ». Il assistera à la longue agonie d’Enkidou et sera témoin de sa souffrance, de ses remords, de sa révolte et enfin, de son acceptation face à l’inévitable. Gilgamesh réalise alors que lui aussi devra affronter cette mort qu’il ne comprend pas. Il partira donc pour aller rencontrer son ancêtre, Outa-Napishtim, seul humain qui ait obtenu la vie éternelle après le déluge provoqué par les dieux exacerbés. 

De la Bhagavad-Gita à Gilgamesh, la spiritualité demeure présente dans vos écrits, pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

 En fait, dans mon enfance dans les années 1950, j’ai été enfant de chœur et servant de messe. Je voulais devenir prêtre. Mais le temps venu, j’ai réalisé que les prêtres ne pouvaient se marier. Peu importe, je trouverais bien un autre chemin vers Dieu. Puis ce fut les années hippy, la musique, l’école des Beaux-arts, l’amour, l’ouverture sur la spiritualité de l’Inde et des gourous… dont la Bhagavad-gîtâ qui m’a beaucoup inspiré et que je lis depuis plus de 50 ans.

Vous ne parlez pas de Dieu, pourtant vous écrivez sur le transcendant, comment est-il possible d’écrire sur les spiritualités sans parler de Dieu ou de la religion ? 

Parler de Dieu, oui, mais que dire de Lui… que savons-nous de Lui? Certes l’univers existe et comme le Big Bang le suggère, il y eut un commencement. Les savants s’accordent désormais pour y voir justement une origine intelligente, « Dieu ». J’ai évidemment étudié les Évangiles, mais quand on connaît l’histoire des églises, des croisades et de la corruption qui a pendant longtemps empoisonné les hautes instances du catholicisme et du christianisme… Hors de l’Église point de salut… etc. Attitude que l’on retrouve aussi dans le judaïsme, l’islam et l’hindouisme… Je me dis que personne n’a encore rencontré ce Dieu universel (sauf à travers ces “légendes”) qui en étant transcendantal ne saurait se comparer à une interprétation aussi limitée… De même que cette planète sur laquelle nous vivons dans cet univers incommensurable qui lui-même fait partie d’une galaxie parmi des milliards d’autres galaxies… Alors qui a raison? Oui, Dieu doit transcender toute conception humaine de ce qu’Il doit être. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai terminé cette trilogie (Bhagavad-gîtâ – Gilgamesh – Dhammapada) par les enseignements de Bouddha : Dhammapada, l’humble sentier, qui paraîtra au mois d’août cette année. Bouddha n’impose aucune vision transcendante de Dieu. Selon son enseignement, si nous ne nous connaissons pas nous-même, comment pourrions-nous prétendre comprendre Dieu? Tout commence par soi-même en retrouvant notre essence originelle par un comportement conscient et responsable.

À quel niveau pouvez-vous situer Michel Laverdière entre l’art, la philosophie et la spiritualité ?

 Hum! Je me vois comme un voyageur curieux… et prudent, tout en conservant une certaine dose d’innocence et d’enthousiasme, même dans mes regards critiques : sinon, je ne ressentirais qu’un immense vertige.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur l’apparente évacuation de la religion et la déséglisation qui s’emparent du Québec et des sociétés occidentales en général ? 

Étrangement, je trouve cela plutôt rafraîchissant. La seule relation que l’âme individuelle puisse développer avec la grande Réalité cosmique qui inclut le concept de Dieu, ne peut être qu’académique ou théorique, mais bien personnelle par l’essence même du principe de la Vie. Et il faut d’abord ressentir soi-même cette essence sinon, elle devient trop souvent sectaire ou simplement sociale. 

Parfois je me demande à quoi peut nous servir l’art aujourd’hui… 

Je recherche en art, ce qui suggère un dépassement, une voie qu’on n’a pas encore explorée, une vision transcendante, un indice… Mais je me réjouis souvent devant le talent simple et naturel d’un artiste qui se dévoile en toute simplicité.

Une dernière question, Michel, c’est quoi l’expérience spirituelle pour vous ? 

Trouver la joie dans la méditation sur la mort, comme St-François l’a si bien décrite : merci pour notre sœur la mort corporelle à qui nul être vivant ne peut échapper. Comprendre que l’inévitable vérité ne peut naître que de la réalité de mourir en conscience, sans peur, sans désir, sans haine, sans remords. Aimer la mort comme étant le secret et l’aboutissement de la vie même.

Fermer les yeux et dire : Merci ! Me voici tel que je suis, du mieux que j’ai pu

Merci ! 

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