Normand Baillargeon : Le penseur de la liberté
La philosophie de Baillargeon tient aux ouvrages qu’il a publiés ainsi qu’aux conférences données, aux cours dispensés et aux émissions animés (échanges qu’il a eus avec de nombreux philosophes), les un.es aussi riches que les autres. Au cœur de sa liberté se trouve une ode à la liberté, mais il est question d’une liberté qui ne peut s’exercer sans une bonne connaissance de la pensée critique. Baillargeon insiste sur le fait que sans capacité de se questionner, de douter ou de remettre en cause les certitudes, il est impossible de devenir des citoyens éclairés et autonomes. Pour défendre cette position, les écrits de Baillargeon abondent en plaidoyers pour « l’éducation critique ». Il estime que la formation des esprits capables de penser par eux-mêmes et hors des dogmes et des vérités présupposées n’est pas une option, c’est une nécessité. En effet, on ne peut pas limiter l’éducation à la transmission des connaissances. Pour Baillargeon l’éducation doit devenir une voie pour l’émancipation intellectuelle, une possibilité de donner à l’individu des outils essentiels pour exercer sa liberté de pensée. De ce fait, il en scrute les implications politiques. Il insiste sur le rôle de la laïcité comme fondement de la liberté de pensée. Il considère qu’une société qui se dit démocratique ne peut pas progresser si ses citoyens manquent de rationalité et de science rigoureuse. Celle-ci, selon le philosophe, est le socle de la compréhension réelle de la société.
Philosophie et engagement
Chez Baillargeon, il y a continuellement cette relation entre la philosophie et l’engagement citoyen. Il critique les dérives autoritaires, les manipulations médiatiques et les distorsions médiatiques. Il plaide pour une société plus juste, plus égalitaire et effectivement démocratique. Alerte sur l’influence potentielle des médias sur la perception publique, Baillargeon attire l’attention sur la nécessité d’une presse libre, critique et indépendante, condition sine qua non du bon fonctionnement d’une démocratie véritable.
Parlons Philosophie : Une Exploration du Langage et de la Pensée
Dans Parlons Philosophie, publié chez Somme Toute, Baillargeon conjugue ses connaissances théoriques, son observation du monde et ses rencontres avec des philosophes du monde. Il invite, à une réflexion profonde sur la compréhension de la notion de « parler » en philosophie et de « parler » de la philosophie. Il est intéressant de comprendre que le verbe parler transcende largement l’acte banal de produire des mots ou d’émettre des sons. Parler avec Baillargeon devient un acte philosophique; un lieu de rencontre; un geste intellectuel et existentiel; une interaction qui engage la cognition, les relations sociales, l’éthique, et même l’ontologie.
Parlons : un acte de langage
Bien sûr, le langage, élément essentiel de la philosophie et des interactions, est nécessaire aux personnes. Selon la perspective de J.L Austin et de John Searle, il est un acte performatif et un outil dont l’esprit se sert pour exprimer des pensées, des idées et des émotions. Parler n’est donc pas simplement un acte de communication, mais un mode de transmission du savoir et d’échange, un moyen de structurer et de communiquer la réalité.
Le langage est un acte performatif, selon la perspective de J.L. Austin et John Searle, un outil par lequel l’esprit exprime des pensées, des idées et des émotions. Parler devient ainsi un mode de transmission du savoir, un moyen de structurer et de communiquer la réalité. Quant à Wittgenstein et selon la perspective des entretiens de Baillargeon, le langage et la pensée sont inextricablement liés. Parler ou discuter avec d’autres philosophes est une façon de penser le monde ensemble et de s’y situer. Parler révèle à soi.
L’œuvre de Baillargeon : Une rencontre avec les grands esprits
Parlons Philosophie est donc un ensemble d’entretiens menés entre 1994 et 2010 par Baillargeon. Ces entretiens concernent plusieurs philosophes contemporains comme tels que Thomas Cathcart, Daniel Klein, Noam Chomsky, Daniel C. Dennet, Edward S. Herman, Martha Nussbaum, Hilary Putnam, Willard Van Orman Quine, Michael Shermer, Peter Singer et Michael Walzer. Ce sont des dialogues qui couvrent plusieurs domaines de la philosophie divisés en quatre sections :
- Trois géants de la philosophie analytique (Putnam, Dennett, Quine)
- Société, Éthique et Politique (Chomsky, Walzer, Nussbaum, Herman, Singer)
- Philosophie et Pensée critique (Shermer)
- Humour et Philosophie (Cathcart, Klein)
Dans ces conversations, le philosophe québécois explore diverses dimensions de la philosophie anglo-saxonne contemporaine et aborde des questions qui vont de l’analyse logique à l’engagement politique, sans oublier l’éthique et la critique des médias. Bien qu’étant de simples échanges, ces rencontres philosophiques sont des lieux où la parole devient le lieu d’une quête commune de sens et de vérité.
Heidi Provencher