Paulin Poucouta est né le 5 mars 1952 à Brazzaville. Dans sa tendre enfance, il porte beaucoup de rêves concernant son avenir. Il rêve de devenir tantôt journaliste, tantôt avocat ou encore médecin. Mais c’est sans prévoir l’appel de Dieu qui le mettra sur le chemin du Sacerdoce. Ses années d’étude, de l’école primaire au séminaire notamment, Paulin Poucouta les passe dans son pays natal. Et le 9 juillet 1978, âgé de 26 ans, il est ordonné prêtre du diocèse de Pointe-Noire. Il y restera trois ans durant, avant son départ en France.
En 1981, le jeune prêtre est alors envoyé à Paris pour la suite de ses études théologiques. En 1983, il soutient d’abord un mémoire de maîtrise à l’Institut Catholique de Paris, sous le titre : « Le salut dans les mouvements prophétiques africains : kimbanguisme et lassysme ». De 1983 à 1985, il fait un DEA à l’Institut catholique de Paris puis à Paris IV. De 1985 à 1986, il passera une année à l’École Biblique de Jérusalem. Et en 1987, Paulin Poucouta soutient une thèse conjointe à l’Institut Catholique de Paris et à Sorbonne-Paris IV. Cette thèse de doctorat intitulée : « La perspective missionnaire de l’Apocalypse johannique », dirigée par Marie-Josèphe Rondeau, porte sur la Théologie biblique et l’Histoire des Religions.
De retour au Congo en 1987, Paulin Poucouta devient professeur d’Écriture sainte au Grand Séminaire de Brazzaville, chargé de la formation et de l’apostolat des laïcs, et membre de la commission théologique épiscopale nationale. Jusqu’en 1991, il est parallèlement professeur invité au Séminaire de Bangui en République centrafricaine. Entre 1991 et 1994, il est professeur invité au Séminaire Jean XXIII de Kinshasa, en République Démocratique du Congo et à l’Institut catholique de Yaoundé. À partir de 1994, il est Professeur permanent à l’Université Catholique d’Afrique Centrale à Yaoundé, au Cameroun. Il y enseigne le Nouveau Testament, le Grec biblique et les lectures de la Bible dans le contexte africain. Il est également professeur visiteur en Côte d’Ivoire, en France et en Belgique. Depuis 2017, il est enseignant émérite de l’Université Catholique d’Afrique Centrale.
La religion dans le contexte africain
Paulin Poucouta, en sa qualité de chercheur, d’enseignant et de prêtre, a beaucoup travaillé sur des questions qui se tissent autour de la religion en Afrique. Ses nombreuses publications qui ne s’y réduisent pas certes, en sont l’expression la plus claire, depuis ses premiers travaux de recherche à l’université. Il questionne la prolifération des Mouvements religieux en Afrique. Il a notamment étudié l’impact et les propositions de salut dans le kimbanguisme et le lassysme, deux mouvements religieux nés pendant la colonisation dans les deux Congo. Et son combat le plus vif incurve sur la proposition des méthodes de lectures de la Bible en contexte africain.
Il en parle justement dans certains de ses ouvrages comme : Lettres aux Églises d’Afrique (PUCAC, 1997) ; La Bible en terres d’Afrique. Quelle est la fécondité de la parole de Dieu ? (Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, 1999) ; Lectures africaines de la Bible (Presses de l’UCAC, 2002) ; Pour une Église de veilleurs. Apocalypse johannique et théologie africaine (Editions CLE, 2006) ; Quand la Parole de Dieu visite l’Afrique. Lecture plurielle de la Parole de Dieu (Karthala, 2011).
En effet, dans l’enseignement de la Bible qui est l’une de ses missions principales, Paulin Poucouta réserve une place importante à des méthodes de lecture de la Bible en contexte africain, qui prennent en compte les réalités socio-historiques du continent. Parce que, dit-il, « la Parole de Dieu n’est prisonnière d’aucune culture et d’aucun peuple. Elle fait éclater les barrières et communier à l’universel. La Parole de Dieu se dit et s’écrit dans diverses cultures. »
Paulin Poucouta relève que toutes les communautés chrétiennes du monde ont toujours lu la parole de Dieu en prenant respectivement en compte leurs contextes et leurs histoires. Pour cela, les différentes méthodes d’enseignement, d’analyse et de compréhension du texte biblique ne devraient logiquement pas être les mêmes au regard de la différence des vécus de chaque peuple. Lire la Bible avec un regard africain est donc capital. Toutefois, nous confie-t-il, « il faut des balises sur le plan méthodologique pour que cette lecture de la Parole de Dieu en contexte africain reste fidèle au sens que le Christ et son Église donnent à cette parole. Par exemple, des lectures fondamentalistes, qui prennent le texte biblique à la lettre, sont des déviations par rapport au sens véritable de la Parole de Dieu. Ou encore, des lectures idéologiques de la Bible qui veulent justifier nos positions sociales, économiques ou politiques ne correspondent pas à une véritable lecture africaine de la Bible. »
La question de l’inculturation
La question de l’inculturation est très présente dans les travaux de Paulin Poucouta. Elle est d’ailleurs presque liée à la précédente, qui préconise une prise en considération des réalités propres à l’Afrique dans le processus d’évangélisation du peuple africain. Cette question mérite qu’on y accorde beaucoup d’attention : « le deuxième synode africain, qui s’est tenu à Rome en 2009, avait demandé de revenir sur la problématique de l’inculturation parce qu’elle n’avait pas été suffisamment étudiée. Or, l’inculturation est une exigence permanente de la Parole de Dieu pour tous les peuples. »[1]
Il faut dire que la question de l’inculturation n’est pas simple à cerner, tant sa manifestation ou sa pratique peut susciter des interprétations erronées. Dans l’ensemble, l’inculturation c’est la rencontre de l’évangile avec les réalités historiques, sociales et culturelles de chaque peuple. L’africanisation du christianisme -pour le cas de l’Afrique -est la rencontre entre la culture africaine et l’Évangile. Les célébrations liturgiques sont les lieux où s’exprime de manière manifeste l’inculturation. On y utilise les langues locales, les instruments et les rites locaux.
Cependant, « l’inculturation de la liturgie signifie que l’on peut reprendre des rites traditionnels africains. Mais il faut le faire avec beaucoup de discernement. »[2] Par ailleurs, poursuit l’Abbé Paulin Poucouta, « Le rite doit être sobre. De plus, à la lumière de l’anthropologie, il faut se demander ce qu’il signifie dans nos traditions. Ensuite, le rite doit être examiné à la lumière de la parole de Dieu, de la théologie et de la pratique de l’Église. Le rite ne doit pas nous détourner de Celui que nous célébrons et de ce que nous célébrons. Dans toutes nos Églises, il existe des commissions liturgiques nationales et diocésaines. Il leur appartient de discerner. »[3]
L’Apocalypse johannique
Le Professeur Paulin Poucouta a accordé un grand intérêt à l’Apocalypse johannique. Ce dernier livre de la Bible suscite des sentiments d’effroi à sa seule évocation. Certains craignent de commencer sa lecture, d’autres ont même commencé, mais ont eu peur de continuer, à cause des images violentes qui s’y trouvent. Or, « l’étymologie “apocalypse” nous renvoie à la révélation, la révélation de Jésus sur lui-même, à travers son prophète Jean. Cette révélation se fait dans un contexte difficile, un contexte de persécutions. Les chrétiens, comme des non-chrétiens aussi d’ailleurs, sont persécutés parce qu’ils refusent de rendre un culte à la statue de l’empereur. Pour eux, c’est de l’idolâtrie. On ne peut rendre un culte qu’à Dieu. Jésus par l’intermédiaire de Jean leur demande de tenir bon, car lui-même a subi le même sort », nous explique Paulin Poucouta.
Dieu, loin d’être qu’un persécuteur, voudrait faire comprendre à travers toutes ces images qu’Il est le maître de l’histoire et de la création. Dans ce monde labouré d’affrontements, Il suscite l’espérance en la possibilité de bâtir un monde de justice et de paix. L’Apocalypse johannique est donc le livre de l’espérance. C’est pourquoi il mérite un intérêt particulier. Il nous donne de la part de Jésus-Christ un message de courage, de résilience, d’espérance et de foi : « Pour cette raison, à ceux qui veulent lire le livre de l’Apocalypse, je propose de commencer par les deux derniers chapitres (21-22) […] le livre a été écrit dans un langage très imagé que comprenaient très bien les chrétiens de l’époque, mais que nous ne comprenons plus. Quand je fais une initiation au livre de l’Apocalypse, je commence par décrypter les symboles. Je propose ce décryptage dans les livres que j’ai écrits sur l’Apocalypse ».
Autres publications et projets
L’œuvre du Professeur Paulin Sébastien Poucouta est prolifique. À côté de ses multiples articles et contributions dans des ouvrages collectifs, et outre les ouvrages sus-évoqués, il a également publié : La Dynamique missionnaire de l’Apocalypse (Cerf, 1991, 287) ; L’Église dans la Tourmente (Épiphanie, 1996) ; Les Exigences de la mission. L’aventure prophétique d’Ézéchiel (Épiphanie, 1997) ; La Mission à tous vents. Le livre de Jonas (Épiphanie, 1997) ; Missionnaires de la paix. La paix dans la Bible (Épiphanie, 1998) ; Apprendre à lire le livre de Daniel (Médiaspaul, 2003) ; Du Neuf et de l’Ancien. L’évangile de Matthieu en dix étapes (Presses de l’UCAC, 2004) ; Et la vie s’est faite chair. Lectures du quatrième évangile (L’Harmattan, 2005) ; Paul, notre ancêtre. Introduction au corpus paulinien (Presses de l’UCAC, 2008), Vivre à contre-courant : La lettre de Jacques (Mediaspaul, 2009), Ben Sira, un sage pour notre temps ? Siracide 7 et sagesse africaine, (L’Harmattan, 2016), entre autres.
Cette mission de formation par les publications et l’enseignement académique, Paulin Poucouta projette de la poursuivre en s’investissant un peu plus dans la formation des laïcs. Il souligne, en effet, « l’importance de la formation des laïcs, particulièrement la formation biblique, doctrinale, éthique et historique. Mais aussi la connaissance de nos traditions et de notre histoire pour une inculturation véritable qui est l’affaire de tous ».
Boris Noah
[1] Interview avec Lucie Sarr : https://africa.la-croix.com/pere-paulin-poucouta%E2%80%89%E2%80%89-les-theologiens-doivent-realiser-un-va-vient-avec-le-champ-pastoral/
[2] Idem.
[3] Idem.