Sandy Larose : Haïti est une âme qui habite chaque Africain et Afro-descendant conscient de son existence

Passionné par les questions sociales, Sandy Larose est un psychologue et sociologue haïtien. Il vit à Québec depuis 2017, où il est membre du comité exécutif de l’Association internationale de la musique populaire (IASPM-Canada). Consultant politique et enseignant-chercheur à l’Université d’État d’Haïti, il travaille également au Centre de recherche et d’innovation en sécurité civile du Québec (Centre-RISC). Auteur de plusieurs articles et ouvrages sur le genre, le hip-hop et l’identité, Sandy Larose est l’un des initiateurs de la « Poésologie ».

Bonjour Monsieur Sandy Larose ! Tout d’abord, merci de nous avoir accordé cette interview. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs, s’il vous plaît ?

Je suis Sandy Larose, un passionné de la science, de la poésie et de la vie. Enseignant-chercheur, mes recherches portent sur le hip-hop, l’identité et le genre. J’ai déjà publié plusieurs ouvrages : poésies, essais et rapports de recherche.

Pourriez-vous nous parler de votre cursus, en partageant notamment avec nous certaines raisons qui ont motivé vos choix ?

J’ai un diplôme de Licence en Psychologie, un Master en Histoire, un Master en sciences du développement et un Doctorat en sociologie. J’ai étudié aussi le journalisme, la théologie, la gestion de projets, entre autres. En vrai, je suis un disciple d’Edgar Morin, j’aime découvrir des territoires inconnus. Je suis motivé par la transdisciplinarité et durant tout mon cursus j’ai toujours travaillé sur le hip-hop et l’identité.

L’attachement à Haïti, votre pays d’origine, est assez visible. Quel dessin faites-vous de ce pays ?

La fin du XXe siècle haïtien est marquée, sur le plan politique, par ce que Gérard Pierre-Charles (1979) qualifie d’une « crise interrompue ». Cette crise est caractérisée par des luttes incessantes du peuple haïtien en vue de mettre fin à la dictature des Duvalier qui a duré 29 ans (1957-1986) et les luttes pour la consolidation d’une soi-disant démocratie (1986 — jusqu’à aujourd’hui). J’appelle cela une illusion de démocratie. Cela a engendré des pertes en vies humaines, l’emprisonnement et l’exil de certains opposants politiques. À différentes époques de l’histoire nationale d’Haïti, et dans de différentes situations de crise, il y a toujours eu cette velléité de la masse populaire haïtienne de faire entendre sa voix à partir des musiques et chansons. Plus de 35 ans après le renversement de la dictature en 1986, les Haïtiens continuent de lutter pour leur bien-être et contre les inégalités sociales en dénonçant la corruption et toutes les pratiques de mauvaise gouvernance. Pour sa part, l’université est prise en otage par un petit groupe, la mafia universitaire, qui la retarde et l’empêche de participer au développement du pays. De profondes inégalités sociales et économiques subsistent en Haïti. 

En Haïti, des faiblesses structurelles des institutions étatiques ainsi que la réduction drastique des investissements dans les secteurs de services rendent plus difficile l’accès aux services de base tels que l’eau, l’hygiène et l’assainissement, le logement, la santé, l’éducation, etc. La situation s’est dégradée davantage dans le contexte des crises sociopolitiques en continu qu’a connu le pays depuis 1986 jusqu’à ce jour. Tout cela entraîne des conséquences potentiellement fatales sur la population. Les chocs subis par Haïti durant ces dernières années, combinés aux faiblesses structurelles du pays au contexte social, économique et politique extrêmement instable ont durablement affecté la capacité des personnes les plus vulnérables à satisfaire leurs besoins vitaux.

Haïti est par ailleurs un pays qui est extrêmement vulnérable aux catastrophes naturelles et climatiques, en particulier aux ouragans, inondations et tremblements de terre, ce qui n’arrange rien à la situation des couches les plus pauvres de la population. 

Comment les événements socio-politiques survenus à Haïti ces dernières années ont-ils impacté votre vie ?

Les événements sociopolitiques m’inspirent dans ma thèse de doctorat et dans mes poèmes. Je tiens à partager avec vous en vrac la situation. Il est important d’abord de prendre connaissance de certains éléments pour mieux comprendre le contexte dans lequel évoluent les jeunes en Haïti. L’Institut haïtien de Statistique a estimé la population haïtienne à 11 905 897 d’habitants et place Haïti comme l’un des pays les plus densément peuplés d’Amérique latine (IHSI, 2021)[1]. Haïti connaît une situation de pauvreté extrême et la majorité des personnes vit dans la misère (Perchelet, 2010 ; Louis, 2010).

Vous êtes enseignant-chercheur à l’université d’État d’Haïti en même temps membre du centre de recherche CELAT de l’université Laval, sans oublier d’autres fonctions sus-évoquées. Comment gérez-vous toutes ces fonctions ?

Toutes ces choses ne se résument qu’en une seule profession : enseignant-chercheur. C’est ma vocation. C’est tout ce que je sais faire dans la vie : penser, réfléchir et écrire. Je travaille au gré des circonstances.

En tant que sociologue et psychologue, quels sont vos sujets de prédilection et pour quel but ?

J’aime travailler sur des sujets qui me passionnent. Je ne me limite pas à une thématique en particulier. Je réfléchis sur le rap, l’identité, l’émancipation de la femme, l’humanité, la littérature, la déchéance de l’université, la mode, la violence des gangs armés, la modernité, etc. Je suis juste un penseur. Un intellectuel qui a une certaine sensibilité face à la misère du monde.

Votre dernier livre publié en août 2022 est intitulé Sept excuses pour habiter l’existence. Que doit-on retenir de ce livre ?

J’ai inauguré un style nouveau. Ce n’est pas de la poésie pour la poésie. C’est une poésie de combat. Cet ouvrage résulte d’un ensemble de réflexions que j’ai choisi de mettre sous forme de récit poétique. Il s’agit d’un long poème en fleuve, d’un poème danbala sous un registre scientifique. C’est ce que je nomme une poésologie. Un discours qui se situe à mi-chemin de la poésie et de la science. Il est question d’un dialogue franc entre ces deux formes d’expression — une symbiose entre le réel et l’irréel. Cette tentative de réconcilier les noumènes et les phénomènes demeure importante en ce Temps moderne où la liberté d’expression monte un calvaire dans les universités, en particulier celles des pays du Sud.

De quoi il en est ? La science institue tant de balises qu’elle nous empêche souvent de dire tout ce qu’on a envie de dire, même si c’est évident. Elle nous impose une certaine manière d’expliquer le réel. Pour sa part, la poésie nous laisse une trop grande liberté dans la manière de raconter le monde de telle sorte que certains paresseux en profitent pour ne rien dire. D’ailleurs, l’écriture, quelle qu’elle soit devrait être une arme de combat — d’attaque, de défense ou de résistance. Ainsi, la poésologie nous exige aussi une certaine rigueur pour ne pas s’éloigner de l’esthétique.

Plus concrètement, qu’entendez-vous par « poésologie » ?

Pour moi, la poésie et la science ont toutes les deux cette belle vocation : amener les gens à s’indigner devant l’absurde. Selon Miller, le sentiment de révolte surgit lors « d’une rencontre, inopinée, hasardeuse, qui surprend le sujet : la rencontre d’un impossible à supporter » (2010 : 213). La révolte est un sentiment d’expression des indignations et de rancœurs contre les injustices sociales, économiques et politiques.

Je pense que pour habiter l’existence, il faut se révolter contre toutes les absurdités de son époque. La révolte est, en ce sens, un sentiment d’expression des indignations et de rancœurs contre les injustices sociales, économiques et politiques. Miller (2010) et Camus (1985) rejoignent Dessalines, dans la mesure où ils pensent tous que le révolté se voue à un « non »[2]. La poésologie est une formule inventée pour dire non contre toute forme de déshumanisation. C’est un genre littéraire nouveau où la science, la littérature, les mathématiques, la métaphysique et la conscience se mêlent en vue de réinventer l’humanité.

A la page 63 de cet ouvrage, vous écrivez : « L’immortalité de l’être humain passe par le dépassement de sa nature sauvage et subalterne. Celui qui dit oui à la hiérarchie sans se soucier de son rôle dans l’histoire est une bête sans humanité ». Quel sens donnez-vous à ces propos ?

L’immortalité est un choix qui passe par les actions concrètes. Parmi ces actions figurent l’écriture et la révolution. Par exemple, Nations nègres et culture rend Cheikh Anta Diop immortel et indépassable comme Anténor Firmin à travers de l’égalité des races humaines. Dessalines est immortel pour avoir rendu la dignité aux peuples noirs du monde entier à travers l’indépendance haïtienne en 1804. L’Occident, en particulier la France, l’Espagne, l’Angleterre, le Portugal ont instauré un système démoniaque à travers le commerce triangulaire : la traite des humains, à savoir l’esclavage des Noirs. Plus de 12 000 000 Africains ont traversé l’Atlantique pour devenir esclaves en Amérique.

Haïti est le premier pays qui a proclamé l’abolition complète de l’esclavage. Je voudrais dire par cela, celui ou celle qui souhaite devenir immortel doit croire et lutter constamment pour sa liberté et celle de ses semblables. Dessalines et l’armée indigène d’Haïti défiaient l’establishment colonial.

La mémoire et l’histoire sont des marqueurs de civilisation. Un peuple ne peut point se développer véritablement sans ces deux outils. L’individu doit être conscient de son rôle dans l’histoire de son pays et celle du monde. En pensant à Haïti, l’Afrique et les peuples de l’Amérique latine, je pense que le monde est divisé en deux : d’un côté, il y a ceux qui luttent pour la zombification des peuples noirs et ceux qui luttent pour l’émancipation de ces peuples.

Femme, identité et chrétienté aux temps modernes, un livre que vous avez écrit avec Ginette Francilus Sanon. Dans cet ouvrage vous parlez du vécu quotidien des femmes chrétiennes sous multiples aspects. Pourriez-vous nous expliciter votre regard sur la femme et nous parler de vos projets à son égard ?

Comme je l’ai dit souvent, cet ouvrage résulte d’une longue série de recherches entamée depuis plus de deux ans sur l’identité de la femme pratiquant le christianisme dans le contexte de la modernité. Sincèrement, je pense (avec ma collègue Ginette Francilus Sanon) que l’époque moderne consiste en l’espace-temps où la réflexivité devient l’élément central chez l’individu. C’est l’ère de la remise en question de l’insaisissable et du saisissable : la science est au cœur de l’activité humaine. Le fait religieux est soumis à des explications rationnelles. L’époque moderne donne lieu à la montée des phénomènes identitaires de part et d’autre dans le monde.

Les penseurs de l’École de Francfort postulent que l’individu se veut être l’auteur de sa propre destinée et cherche à se questionner sur les affaires qui lui concernent (Habermas, 1987 ; Honneth, 2007). C’est pourquoi, « même sans connaître la critique de la raison pure et de la raison pratique, les fils et les filles de la modernité savent comment sérier et prolonger la tradition culturelle selon l’un de ces trois rationnels : les questions de vérité, les questions de justice ou les questions de goût » (Habermas, 1987 : 438). En ce sens, Habermas croit que l’identité résulte des médiations individuelles. L’individu détient un certain contrôle sur son environnement, du moins cela demeure un idéal à atteindre pour l’individu moderne.

Personnellement, je crois dans l’égalité des sexes et dans la complémentarité des êtres dans les relations de couple. Ce dont les femmes ont besoin c’est l’égalité des chances et l’autonomisation pleine et entière. C’est pourquoi dans cet ouvrage, je plaide pour une éducation inclusive, participative, féministe et responsable. J’ai remarqué que le niveau d’instruction a permis aux femmes de prendre du recul par rapport à la religion. Les inégalités liées à la scolarisation des filles et des garçons tendent à occasionner l’accessibilité aux hommes à des postes à pourvoir. Pour changer les comportements, il faut révolutionner le système éducatif. Changer de paradigme : prôner l’inclusion des femmes dans la vie nationale, intégrer les femmes compétentes dans les plus hautes sphères de l’Université et dans les postes à pouvoir. Pour cela, il faut commencer à la base, se demander quelle éducation pour les enfants qui leur permettront de mieux faire face aux nombreux défis des temps modernes. Moi et Francilus Sanon (2022) avons conclu que le niveau d’instruction et d’éducation participe aussi à la formation de l’identité de la femme chrétienne. L’individu en tant que produit de la société, porte en lui toutes les caractéristiques de son époque et participe aussi à changer le cours des événements. Donc pour changer les conditions des femmes, il faut changer le système d’éducation.

Vous parlez beaucoup de hip-hop, quelle place occupe ce genre musical dans votre vie ?

En tant qu’intellectuel, je pense que la musique hip-hop, en particulier le rap est une musique savante. Le rap, musique des ghettos, est, paradoxalement, une culture savante. On ne peut prétendre interpréter un texte rap sans outils théoriques. Il y a tout un champ de connaissance propre à cette culture que je nomme la rapologie. La richesse de ce champ pour les sciences sociales et humaines est incommensurable. Ça, c’est sur le plan intellectuel.

Avant d’entreprendre mon enquête de terrain dans le cadre de ma thèse de doctorat à la prestigieuse Faculté des Sciences sociales de l’Université Laval, j’avais déjà eu l’occasion de côtoyer le milieu hip-hop haïtien. Dans le cadre de mes projets de fin d’études de baccalauréat et de maitrise à l’Université d’État d’Haïti (2011, 2013, 2015), j’avais déjà mené des entretiens auprès des rappeurs, DJ, animateurs culturels et d’autres acteurs clés du milieu. J’avais, par ailleurs, agi comme co-animateur ou invité spécial à Hot Saturday, une émission hip-hop animée par Jean Gardy Séide, dit Kameleyon et Peterson François Junior, diffusée sur les ondes de RTVC (94,5 FM) au courant des années 2011 à 2015. Mes interventions consistaient à discuter sur les travaux de recherche réalisés sur le hip-hop à l’étranger et en Haïti. Parfois, on recevait en entrevue des artistes hip-hop qui venaient communiquer leur projet au public.

À titre de chercheur, j’ai participé régulièrement à d’autres émissions radiophoniques de la capitale haïtienne ou dans ma ville, à Saint-Marc, pour parler du hip-hop. Je participais fréquemment aux différentes activités organisées par des artistes du milieu telles que des concerts, des ventes, signature des albums, etc. Durant les années 2011-2012, la direction du centre de recherche Imaginescence m’invitait assez souvent à présenter des conférences pour les jeunes sur des thématiques liées au hip-hop. En gros, le hip-hop fait partie intégrante de ma vie d’intellectuel et de chercheur.

D’ailleurs, vous avez écrit avec Ludia Exantus, un livre intitulé Rap, identité et université (L’Harmattan, 2021). Quel lien établissez-vous entre le rap, l’identité et l’université ? 

C’est une question assez difficile. Quand on ne me pose pas la question, j’ai l’impression d’avoir connu la réponse. Mais voilà maintenant, je ne sais pas quoi dire. Je vais quand même essayer par dire qu’il n’y a pas de lien apparemment. Mais en Haïti, il y a un lien patent.

Si de 1900 à 2000, l’université́ a constitué́ un bastion de résistance contre la dictature et contre les différentes dérives politiques, on assiste, depuis quelques années, au naufrage de l’Université́ d’État d’Haïti. L’éthique et le sens de la morale sont à leur comble. D’ailleurs, depuis 2013, le régime du PHTK au pouvoir a enclenché un processus de pacification de l’université. Cela passe par la neutralisation de tous les mouvements progressistes à l’intérieur de l’université et en s’assurant d’avoir des dirigeants qui sont à la fois des conseillers du pouvoir. Cela explique le silence complice des dirigeants de cette institution qui ne fait que contempler la descente aux enfers du peuple haïtien. Au lieu de résoudre les problèmes de l’université, ils préfèrent procéder à l’expulsion des éventuels contestataires du système et du même coup encourager les magouilles électorales au sein des entités. Quelque part, il s’agit de cooptation des dirigeants avec le système en place. Dans l’état actuel des choses, l’université rend plutôt service aux néo-colons et ne détient aucun plan de sautage pour la nation.

Pour faire court, je pense (avec Ludia Exantus) que le rap est la seule musique qui critique ouvertement les dérives et les corruptions à l’Université d’État d’Haïti. Le rap demeure un espace de construction identitaire. Depuis 1982, le hip-hop arrive à se constituer comme espace d’expression, de révolte et des identités en permettant aux jeunes de parler de soi, d’Haïti et des Haïtiens. Le discours des chansons hip-hop fait une remise en question des identités assignées. Il s’agit d’un double mouvement de déconstruction et d’une reconstruction identitaire qui est axée sur le passé glorieux d’Haïti. Les rappeurs produisent une musique qui exprime les velléités de l’émancipation populaire et c’est ce qui confère au rap une place de choix auprès des jeunes.

Parlant des questions identitaires, quelle approche sociologique proposez-vous pour gérer les crises identitaires qui secouent le monde ?

L’identité telle qu’elle est désormais présente dans le débat contemporain est un produit de la modernité. Pour parler de son omniprésence, certains la présentent comme une notion de barbe à papa parce qu’elle s’attache à toute sorte d’éléments (Kaufmann, 2007), d’autres la perçoivent comme une notion fourre-tout vue qu’elle donne la tentation de recouvrir une totalité de phénomènes (Martin, 2010). À tous égards, il convient de dire que la place que l’identité occupe de nos jours, surtout dans les sciences humaines et sociales, remonte à un séminaire qu’a organisé Lévi-Strauss dans les années 1970 (Kaufmann, 2014). Hériter (1981).

En ce qui concerne le deuxième volet de la question : Je ne propose rien. Mais je crois seulement que l’identité se construit dans les interactions quotidiennes. Par ailleurs, on me reproche souvent d’être un disciple de l’École de Francfort et de l’interactionnisme symbolique. Tout comme Axel Honneth, Nancy Frazer, je crois beaucoup dans la justice sociale et économique. Je plaide en faveur d’une reconnaissance des peuples du Sud en général et Haïti en particulier. Toutes les guerres que connaît le monde depuis la nuit des temps résultent des dénis de reconnaissance de l’autre. L’esclavage des Africains en Amérique ou en Afrique résulte de ce même problème. Le code noir, écrit en 1685 par le roi de France, montre le niveau de barbarie de l’Occident, stipulait que les noirs étaient des biens meubles.

L’identité de certains peuples se construit dans l’opposition à l’Occident. Pour comprendre cet aspect, il faut aller dans la racine. En ce qui concerne le processus de dépersonnalisation des noirs, Jean Fritzner Etienne (2013) montre dans sa thèse de doctorat comment les Européens interdisaient aux esclaves noirs de regarder les maitres blancs dans les yeux. Ce geste symbolisait l’irrespect, mais cela pourrait traduire inversement la crainte de l’homme blanc. Les colons esclavagistes voyaient les Noirs d’Afrique comme des vaniteux et disaient que « les nègres doivent être châtiés pour les moindres fautes ». L’historien a aussi montré dans ses travaux historiques comment l’Église Catholique, à travers son clergé, a supporté l’esclavage des Africains en demandant de les sortir d’Afrique afin de les convertir et de les sauver de la sorcellerie.

Le Père Lepeste pensait que les esclaves avaient l’esprit borné et le fouet doit être la seule alternative sûre à ce mal. L’esclave n’avait pas droit à aucune reconnaissance effective. Bref, les Occidentaux ne reconnaissaient pas l’humanité des Noirs. Et cela persiste encore aujourd’hui. L’Occident ne reconnaît point l’humanité des Haïtiens comme c’est le cas pour les Ukrainiens ou d’autres peuples de la planète. L’indifférence des pays tels que le Canada, les États-Unis, la France devant la crise humanitaire en Haïti est une preuve convaincante. L’humanité en Occident est une affaire de couleur de peau ou de richesse par moment.

Avez-vous des projets pour Haïti ?

Haïti est une âme qui habite chaque Africain et Afro-descendant conscient de son existence. Haïti c’est plus qu’un pays, c’est une patrie pour tout citoyen avide de liberté et de bien-être. Une patrie pour tous ceux et toutes celles qui s’indignent devant les bêtises et les absurdités de notre époque. Mais depuis sa déclaration d’indépendance, Haïti devient un projet pour tous ceux qui ont le sens de l’humanité. Elle a conduit la seule bataille victorieuse pour l’indépendance dans l’histoire de l’humanité. Ainsi, Haïti a signé l’échec de Napoléon Bonaparte dans le monde. C’est Haïti qui a empêché la France d’avoir le premier Hitler du Temps moderne. Haïti renaîtra de ses cendres et tous ceux qui l’ont persécuté connaîtront l’enfer et l’horreur.

Votre mot de fin…

Je vous remercie de m’avoir permis de partager avec le public mon point de vue et ma vision du monde. Mon prochain livre c’est pour bientôt et le titre est L’humanité en exil.

Par Franckh Esperant NOMBO


[1] https://ihsi.ayiti.digital/indicator-population

[2] Jacques-Alain Miller, Comment se révolter ? L’École de la Cause freudienne | « La Cause freudienne », 2010/2 N° 75 | pages 212 à 217.

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