L’art est l’essence même de ma vie, je ne suis qu’un instrument aux mains de mon génie artistique. C’est pourquoi je clame fièrement que « je suis un esclave pour l’Art, l’Art commande et j’obéis ».
Bonjour, Jean-Marc Ouattara, comment allez-vous ?
Bonjour, Monsieur, je vais merveilleusement bien. Je me réjouis de l’interview que vous m’accordez à OU’TAM’SI MAGAZINE. Croyez-moi, c’est un honneur.
Parlez-nous de votre parcours… Comment vous est venue l’envie de peindre et de vous orienter dans des études d’arts ?
Mon amour pour l’art remonte à ma plus tendre enfance. En effet, depuis le bas âge, voir un dessin ou une peinture me plongeait déjà dans une sorte de contemplation intense et de grande fascination. J’avais, prématurément, développé une préférence voire une attirance, peut-être prémonitoire, pour l’art au détriment de multiples divertissements ou activités ludiques qui, naturellement, occupaient les enfants de mon âge. À cela va s’ajouter un facteur exogène parce qu’à cette époque, mon frère ainé était un très bon dessinateur. Talentueux et passionné du dessin, il m’a permis d’observer de plus près et en temps réel certaines de ses œuvres réalisées très souvent en cachette du fait de l’opposition catégorique de nos géniteurs qui assimilaient, à cette époque, le dessin ou la peinture à une pure distraction qui pourrait, in fine, compromettre les résultats scolaires.
Fort heureusement pour moi, la crainte de l’opposition de mes parents s’est très vite estompée. Mieux, elle n’a pu résister à mon envie de devenir comme mon frère et même de faire mieux que lui. Ma passion pour les arts plastiques venait ainsi de naître et avec elle, une mission : celle de prouver à mes parents et aux personnes qui ont des préjugés que les arts plastiques sont une discipline respectable.
J’ai ensuite intégré le LEA (Lycée d’Enseignement Artistique d’Abidjan) par voie de concours. Après un brillant cursus couronné par l’obtention d’un Bac série H1, je suis admis à poursuivre mes études en Arts plastiques à l’École Nationale des Beaux-Arts d’Abidjan où je réussis ma première année de Licence professionnelle. Guidé par ma passion et fidèle à la mission que je me suis assignée, ma soif d’apprendre était insatiable et je sentais un besoin de dépasser mes limites, d’apprendre de nouvelles choses et de me frotter à d’autres cultures. C’est ainsi que j’intègre l’École d’Arts de l’Université Laval à Québec (Canada) où j’ai gradué avec le diplôme du Baccalauréat en Arts Visuels et Médiatiques.
Si je dois résumer ce parcours en quelques mots, je dirais que l’art est l’essence même de ma vie, je ne suis qu’un instrument aux mains de mon génie artistique. C’est pourquoi je clame fièrement que « je suis un esclave pour l’Art, l’Art commande et j’obéis ».
Quels sentiments ou émotions essayez-vous de transcrire dans vos œuvres ?
Mes œuvres traitent en général de la question de l’identité culturelle. Je dis bien en général. Pour moi, il est primordial de connaître son histoire, de s’accepter et de respecter les principes et valeurs de sa communauté. Ne dit-on pas que « la culture est le socle de notre identité » ? À travers mes œuvres, j’essaie donc de transcrire ma joie, ma fierté, mon sentiment d’appartenance aux miens et surtout mon attachement aux valeurs ancestrales et multiséculaires qui fondent notre identité.
Je fusionne des visages à une partie du masque africain afin de réaffirmer notre identité et promouvoir les valeurs qui l’accompagnent. Car le masque est pour nous, Africains, une référence culturelle. Aussi, je fusionne volontairement le masque à d’autres cultures et traditions (hockey sur glace, football américain, etc.) pour inviter à un véritable brassage culturel entre les peuples. À travers ces fusions, j’essaie d’établir un lien entre la culture africaine et les autres cultures. C’est le sentiment du vivre-ensemble que j’essaie de communiquer.
Quel est votre processus de création ?
Je commence à créer lorsque je suis interpellé par mon génie artistique sur un sujet. Le génie est une énergie que chaque artiste passionné peut ressentir. Il est le guide que l’artiste doit satisfaire afin d’avoir une paix intérieure.
Je m’approprie le sujet, en effectuant des recherches pour avoir les outils nécessaires à ma création. Cela consiste à s’informer sur le sujet à traiter et à effectuer une recherche graphique (croquis). Quand les recherches sont satisfaisantes, il ne me reste plus qu’à procéder à la réalisation de l’œuvre.
Quelles techniques utilisez-vous ?
J’utilise généralement une technique mixte, car on retrouve dans mes tableaux du collage, du dessin, de la peinture et même des formes sculptées. C’est l’une des raisons pour lesquelles je ne saurais définir un genre singulier à ma peinture. Chaque fois que je suis confronté à cette question, je réponds juste que je suis artiste contemporain.
Combien de temps prenez-vous pour réaliser un tableau ?
Je ne me donne pas un délai quand je peins une œuvre. Je fonctionne avec mon inspiration. Chaque œuvre est unique ; ce qui confronte l’artiste à des défis constants. Je ne saurais mieux répondre à cette question sans citer le Maitre Leonard de Vinci : « l’art n’est jamais terminé, seulement abandonné ».
Quels sont les thèmes sur lesquels prennent sources vos œuvres ?
Mes œuvres ont généralement pour thèmes : l’identité culturelle, le multiculturalisme, l’inégalité au sein de la société.
Le masque africain est présent dans quasiment toutes vos créations, quel sens donne-t-il à vos œuvres ?
Le masque est le symbole par excellence de la culture africaine. Il est une des premières institutions de la société africaine. Le masque est une force sacrée qui sert d’intermédiaire entre Dieu et les hommes ou encore entre les ancêtres et les vivants. Il fait partie des traits caractéristiques de mes œuvres, car à travers le masque africain, j’arrive à créer une connexion entre le passé et le présent afin que les valeurs de nos ancêtres demeurent des repères pour les générations présentes et futures.
Quelles sont les couleurs qui dominent vos créations ? Et pourquoi ?
Ma création est dominée par toutes les couleurs. Les couleurs ne déterminent pas mes œuvres, ce sont plutôt mes œuvres qui déterminent les couleurs qui doivent participer, au mieux, à la vocation expressive et communicatrice de chaque œuvre.
Mon état d’esprit, lors de la création d’une œuvre, peut influencer le choix des couleurs, mais cela se fait de façon spontanée. Toutes les couleurs ont leur place sur ma palette.
De toutes vos œuvres, laquelle est votre favorite et pourquoi ?
Toutes mes œuvres sont mes favorites. Je n’ai pas de préférence entre elles. Quand je peins, c’est une partie de mon esprit que je transmets au support qui devient une œuvre d’art.
Quelle est la première toile que vous avez vendue et qu’avez-vous ressenti ?
J’ai vendu ma première toile en classe de Première au LEA (Lycée d’Enseignement Artistique d’Abidjan) lors de la journée porte ouverte qui a lieu une fois dans l’année.L’œuvre en question était une représentation d’un Tchologo (jeune initié passant de la vie d’adolescent à la vie d’adulte en pays senoufo, au nord de la Côte d’Ivoire).Cette vente m’a apporté beaucoup d’assurance. J’ai commencé, depuis lors, à avoir plus confiance en moi.
Quelle est la plus grande œuvre que vous souhaitez reproduire et pourquoi ?
Je souhaite créer une très grande fresque qui inspire la paix, la sécurité, l’acceptation des différences entre les peuples. Une œuvre où les êtres humains de toutes les communautés, la faune et la flore auront leur place.
Réaliser cette œuvre sera pour moi une manière de présenter une maquette du monde de la diversité en espérant que cette maquette sera copiée dans nos vies.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez tant dans la création que dans l’exposition et la vente de vos œuvres ?
Les difficultés sont consubstantielles à la vie en société. Le peintre que je suis n’y échappe pas bien évidemment. En ce qui me concerne, les difficultés se ressentent au niveau de la vente des œuvres. Les œuvres se vendent, mais lentement. Il faut s’armer de patience et ne surtout pas arrêter de produire.
Présentement, je travaille avec plusieurs organismes et partenaires sur des projets artistiques. Ce qui me permet, honnêtement, de rentabiliser.
Sur quelles œuvres travaillez-vous actuellement ?
Présentement, je travaille sur des propositions de fresques que je dois bientôt réaliser pour mes partenaires et clients. Je travaille aussi sur un corpus d’œuvres réservé pour ma prochaine exposition solo.
Quelles sont vos perspectives de carrière dans 10 ans ?
Dans 10 ans, je me vois propriétaire d’une grande galerie d’art, avec plusieurs expositions internationales à mon actif.
Quels sont les artistes qui vous inspirent ?
L’artiste qui m’a le plus inspiré se nomme Rembrandt. Il est l’un des plus grands maîtres de l’art baroque, connu pour sa maitrise du Clair-obscur.
Quelle est la place de l’esthétique dans vos œuvres ?
Dans mes œuvres, les deux formes d’esthétiques sont représentées : le beau et le laid.Dans certaines de mes œuvres, nous pouvons voir la représentation de deux portraits à savoir l’humain et le masque.
Selon les critères de beauté de notre société, on dit qu’un visage est esthétique quand la personne a un beau nez, une belle bouche, de beaux yeux, bref un visage parfait. Mais un masque est aussi esthétique, sachant qu’il a entre autres la bouche, le nez et les yeux déformés.
Donc, je peux déduire que le beau et le laid sont deux traits caractéristiques de l’esthétique.
Quels sont les projets artistiques que vous avez pour la Côte-d’Ivoire, votre pays d’origine ?
J’ai en projet de créer un cadre institutionnel de collaboration qui permettra aux artistes peintres ivoiriens d’avoir l’opportunité d’exposer ici au Canada et même de participer à des résidences d’artistes. Bien sûr que j’envisage aussi que des artistes canadiens puissent exposer dans mon pays, la Côte d’Ivoire. Ce projet pourra non seulement favoriser le brassage culturel entre nos deux peuples et renforcer la coopération entre nos États, mais aussi constituer une puissante arme d’expression pour véhiculer, à travers l’art, des messages universels et des valeurs constructives pour un monde meilleur.
Si vous aviez des conseils à donner à ceux qui voudraient se lancer comme vous dans la peinture, lesquels seraient-ce ?
Je peux dire que pour faire de la peinture, il faut être passionné. La peinture met à l’épreuve notre état d’esprit en permanence. Il faut savoir être patient pour le résultat qu’on souhaite obtenir, mais être aussi patient avec soi-même. La seule façon de dompter la peinture c’est de peindre sans cesse, d’explorer l’univers des médiums artistiques.
La peinture a évolué. Il y a de la place pour tout le monde. Les règles académiques ne constituent plus un frein. Donc, toute personne qui souhaite se lancer dans la peinture est la bienvenue et parce que « nul vent ne profite à celui qui ne sait où il va », il faut avoir un objectif et le poursuivre.
Franckh Espérant Nombo
2 commentaires
Je suis vraiment fière de toi depuis le primaire tu nous fasais des dessin de dragon ball z et aujourd’hui te voilà réaliser une partie des tes rêves. Vraiment une source d’ inspiration et je te souhaite une bonne chance pour la suite de ton parcours que le seigneur vielle sur nous et à bientôt mon frère mon amie
Merci beaucoup de la part de Jean-Marc