Le recueil de Claudel Jean-Mary s’énonce comme le parcours d’une existence normale. Il s’articule autour de la thématique de l’amour et du vécu réel (vivre tout simplement). Deux parties la constituent. Les lumières et les questionnements sur la nature parfois dure de l’existence. UN CHANT, une allégresse, une joie de vivre, une sérénité, une relaxation, une tranquillité, une plénitude. D’AMOUR, la vie, l’éternité. Un chant d’amour est donc le titre de ce recueil qu’on aurait aussi pu intituler : Écoutons chanter les vies.
L’exaltation
La vie en apothéose
Jusqu’au rouge vif du soleil couchant
Au soir
À ces feux d’artifice
Ces illuminations
À la lune qui veille
Comme chez Tchicaya U TAM’ SI, on retrouve chez Claudel Jean-Mary cette question plurielle de la vie, ou plutôt de l’existence, qui se situe aussi bien dans le comment que dans le pourquoi, comme pour dire que si nous ne décidons pas toujours du pourquoi, le comment est largement à notre portée. Par conséquent, l’auteur d’Un chant d’amour évoque élévations et dénuements, amours et souffrances, impossibilités et possibilités, espérances et folies, déchirements et tristesses.
L’amour est un peu humain, un peu surnaturel, mais c’est lui qui finalement permet d’effleurer le transcendant, le moment décisionnel, le choix du cœur, le mouvement de l’âme. Bref, quelquefois, on laisse partir l’autre par amour… et avec amour.
Nuit exubérante
La lune qui luit
Les étoiles qui scintillent
Le souvenir des jours sombres est parfois nécessaire pour savourer le bonheur, pour accueillir la vie nouvelle avec beaucoup de joie et d’amour. L’auteur l’illustre par l’évocation des saisons, plus précisément la symbolique de l’automne à travers le poème intitulé Noces d’automne :
Feuilles d’automne
Feuilles des dernières heures du jour
Autour des bancs du parc
Les âmes fatiguées viennent se régénérer
Les cœurs solitaires sont contemplatifs
Les amoureux causent
Des amours naissent
Évoquer les saisons, c’est évoquer les cycles de la vie faite de rencontres, de changement et de mouvements. Il y a des saisons plus rudes, et d’autres plus légères comme l’automne. Tel est aussi le cours de la vie, des moments rêches et des moments célestes que l’on chérit et que l’on conserve pour nous faire tenir lors des moments rudes. L’automne ici marque un peu la transition entre blues et euphorie. La vie est toujours à vivre, peu importe, les saisons ou les raisons.
Claudel Jean-Mary invite à vivre, tout simplement. Il porte ainsi le regard sur la vie et sur des réalités qui attirent notre attention. La question de la relation à l’autre est présente puisque l’amour, la souffrance, l’exil relationnel, tout cela se tient avec autrui qui est présent ou absent. Celles ou ceux que nous aimons ; celles et ceux qui partent ou choisissent de rester pour raviver la flamme, l’étreindre ou l’éteindre à jamais. Celles et ceux qui torturent et sèment la misère.
Claudel Jean-Mary touche les lieux de l’âme, lieux de vie, et montre que l’amour ou la souffrance ou l’espoir sont essentiellement humains ; qu’ils ne sont ni masculins ni féminins. Avec Un chant d’amour, il emboîte le pas à Eluard qui dans son poème La courbe de tes yeux[1] évoque l’amour, l’éternité, l’immortalité et l’universalité, car là où il y a l’amour, il n’y a pas seulement humanité, il y a éternité, universalité et immortalité. L’amour n’a pas de date de péremption.
Un chant d’amour est une exploration du réel. Il chante l’amour dans sa structuration la plus noble. J’ai eu grand coup de coeur pour le poème intitulé Le dernier rempart (que je vous invite à lire).
Nathasha Pemba
[1] La Courbe de tes yeux
La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j’ai vécu
C’est que tes yeux ne m’ont pas toujours vu.
Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,
Parfums éclos d’une couvée d’aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l’innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.
Paul ELUARD, Capitale de la douleur, (1926)