Kim Thuy, l’enfant de l’exil

Kim Thuy est une écrivaine canadienne d’origine vietnamienne. Avant de devenir l’auteure renommée qu’elle est aujourd’hui, elle a été avocate, traductrice, interprète, et même restauratrice. Un parcours riche, nourri par son expérience d’exilée, qui a profondément influencé sa plume.
crédit photo : Kim Thúy

Au cœur de la guerre

Kim Thuy Ly Thanh est née le 18 septembre 1968 à Saïgon, au Vietnam. Sa naissance coïncide avec une période de grande violence, marquée par la guerre du Vietnam. La même année, l’offensive du Têt voit l’armée du Front national de libération (FNL) du Vietnam du Nord lancer une attaque contre le Vietnam du Sud, soutenu par les forces américaines. Saïgon, capitale du Sud-Vietnam, devient le théâtre de ces événements tragiques, responsables de nombreuses pertes humaines.

Kim Thuy passe ainsi une enfance tumultueuse, marquée par la guerre qui pousse sa famille à fuir leur pays alors qu’elle n’a que 10 ans. Leur périple les mène d’abord à Kuantan, en Malaisie, où ils passeront quatre mois dans un camp de réfugiés du Haut-Commissariat des Nations Unies avant de s’établir définitivement au Québec, au Canada, en 1979.

La « renaissance »

Lorsque Kim Thuy arrive au Canada avec ses parents et ses deux frères, ils s’installent à Granby, au Québec. Comme pour beaucoup d’immigrés, elle fait face à des défis d’intégration. Elle doit s’adapter à de nouvelles coutumes et apprendre une nouvelle langue, le français, qu’elle maîtrise avec le temps. Cette langue deviendra pour elle bien plus qu’un simple outil de communication, mais une véritable « renaissance ».

Kim Thuy poursuit sa renaissance en intégrant l’Université de Montréal, où elle obtient un diplôme en linguistique et en traduction en 1990, puis en droit en 1993. Elle est admise au Barreau du Québec en 1995 et occupe divers postes, notamment celui d’agent consulaire au Consulat du Canada à Hô Chi Minh-Ville, après avoir travaillé comme couturière, interprète et traductrice.

Le succès du premier roman

La carrière littéraire de Kim Thuy débute officiellement en 2009 avec la publication de son premier roman Ru aux Éditions Libre expression. Le mot « ru » signifie à la fois « petit ruisseau » en français et « berceuse » ou « bercer » en vietnamien. Ce premier ouvrage s’inspire largement de sa propre vie, marquée par l’exil et le processus d’enracinement dans une nouvelle terre, le Québec. Le roman retrace ses souvenirs les plus intimes et les événements marquants de son existence.

Grâce à Ru, Kim Thuy acquiert une grande notoriété au Canada et en France. Elle remporte plusieurs distinctions, dont le prestigieux Prix du Gouverneur général du Canada en 2010, le Grand Prix RTL-Lire au Salon du livre de Paris, et le Prix du grand public au Salon du livre de Montréal. En 2011, elle reçoit le Grand prix littéraire Archambault, et la version anglaise de son roman figure parmi les finalistes du Prix Giller 2012. Ru a été adapté au cinéma en 2023, sous la direction de Charles-Olivier Michaud.

Une écriture du « moi » dominant

Dès son premier texte, Kim Thuy utilise l’autofiction pour illustrer avec humour la beauté du monde. Son écriture met en avant un « moi » prédominant, inspiré par son expérience personnelle. Son deuxième ouvrage, À toi (2011), coécrit avec Pascal Janovjak, repose sur leurs souvenirs respectifs. Ses romans Mãn (2013), Vi (2016) et Em (2020) évoquent également les blessures de la guerre et de l’exil, tout en célébrant les cultures vietnamienne et québécoise.

Étant mère d’un enfant autiste, Kim Thuy s’est également intéressée à l’autisme, notamment après avoir collaboré avec deux spécialistes, Lise St-Charles et Brigitte Harrisson. Ensemble, elles ont écrit L’Autisme expliqué aux non-autistes (2017) et L’Estime de soi et l’autiste (2019), visant à mieux comprendre et démystifier l’autisme.

La cuisine, cette autre passion

Kim Thuy nourrit également une passion pour la cuisine, particulièrement pour celle de sa culture vietnamienne. De 2002 à 2007, elle gère son propre restaurant, Ru de Nam, à Montréal, où elle fait découvrir les saveurs vietnamiennes. Cette passion culinaire l’a également amenée à participer à des émissions télévisées.

En 2007, elle publie Le Secret des Vietnamiennes (Éditions du Trécarré), un livre de recettes mettant en avant la cuisine de son pays natal. Pour Kim Thuy, la cuisine est un art, tout comme la littérature, lui permettant de dévoiler son identité et de préserver la mémoire vietnamienne. En 2020, elle lance La table de Kim, une émission sur la chaîne ICI ARTV, où elle discute de divers sujets, dont la cuisine.

Conclusion

Chevalière de l’Ordre national du Québec (2015) et de l’Ordre des Arts et des Lettres de la République française (2023), Kim Thuy est aujourd’hui une figure littéraire incontournable. Finaliste du Nouveau prix académique de littérature en 2018, elle est lue dans de nombreux pays, et ses œuvres sont traduites en une trentaine de langues.

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