L’auteur réfléchit d’abord sur les passages de Platon qui semblent exiler le philosophe dans la sphère de la métaphysique ou de la mystique. Il revient sur les différentes pensées des présocratiques qui insistent davantage sur la quête du fondement de toutes choses. Par conséquent, le philosophe qui devient « mystique contemplatif » est plus préoccupé par une réflexion sur la vérité et se tient à l’écart de la vie sociale. Quelques philosophes n’ont pas le sens pratique. Ils provoquent ainsi l’hilarité des gens habiles à jongler avec l’existence. L’imbécillité des philosophes provient de ce qu’ils pensent modérer leurs passions contrairement à ceux et celles qui n’y vont pas par quatre chemins et qui exaltent le corps selon leur désir. D’un autre côté, « la mort de Socrate est l’illustration la plus pathétique de l’impuissance sociale de la philosophie et du philosophe » (p. 15) ; contre la prétendue « incapacité pratique » (p. 18) il ne sied pas de conclure à « l’inefficacité de la philosophie » (p. 18). La philosophie a un rôle prépondérant à jouer dans la formation des consciences des peuples en quête de marche vers le progrès matériel et moral.
Martin Briba réfléchit ensuite sur « le philosophe dans la cité » (p. 19) La philosophie ne doit-elle pas s’incarner dans le quotidien ? « À quoi servent les spéculations cosmiques et métaphysiques ? à quoi sert même la science de la nature, si l’homme vit dans l’ignorance du bien ? » (p. 19) Le philosophe devrait-il abandonner la cité quand elle s’installe dans les pratiques de l’inégalité, de l’iniquité ? Pour répondre à cette question, Martin Briba propose une analyse fouillée de l’allégorie de la caverne selon les diverses interprétations cosmiques, éthiques, etc. Le philosophe n’a pas d’autre place que de vivre dans une cité qui l’a vu naître où il vit ou il mourra comme citoyen. C’est au sein de celle-ci que les philosophes jouent le rôle d’« éveilleur de conscience » et de « réformateur moral » (p. 27)
Martin Briba nous fait aussi cheminer dans la connaissance de l’ironie socratique où le maître de Platon parcourt la cité en vérifiant la véracité de l’oracle de Delphes. Il évoque également le rôle de parturition de la vérité chez Socrate.
Notons cependant que la réforme de la cité ne se limite pas à la connaissance de ses maux ; il faudrait encore que le philosophe prenne le pouvoir politique (p. 31) « Il doit devenir guide de la cité et la conduire » (p. 31). Une cité gouvernée par les philosophes nécessite au préalable d’être ainsi construite sur une éducation des personnes qui devront la diriger aux valeurs. Il revient aux philosophes de procéder à une formation des élites. « C’est du reste ce à quoi s’emploient, à côté de beaucoup d’autres choses, les dialogues socratiques tels qu’Eutyphron (sur la piété), Lachès (sur le courage), le Charmide (sur la sagesse morale) » (p. 33).
Contre la sophistique, Platon propose un modèle éducatif centré sur la raison. « Le rôle du philosophe sera de montrer qu’une cité juste est possible, et il lui revient de construire une cité où gouverne la raison, et non le sentiment ou l’arbitraire. Il nous permettra aussi de formuler notre idéal de l’homme, de l’homme juste et sain, auquel nous devons nous conformer dans la vie. » (p. 51). Dans la cité juste, le philosophe a un triple rôle, de « concepteur », d’« éducateur » et de « formateur » (p. 53). Pour approfondir ce thème, il est conseillé de lire le chapitre 3 du livre. Dans ledit chapitre, l’auteur revient sur la fonction de législateur que devra occuper le philosophe.
Comment gouverner à partir des lois et quel est le caractère de celles-ci ? « Ces lois devront régler par des décisions de l’intelligence, et suivant l’idéal de la raison, la répartition des terres, la distribution des richesses ». Martin Briba reconnaît certes l’importance du philosophe dans la gestion de la cité, mais il met en garde la tentation d’une telle œuvre si elle devient dogmatique, intolérante, comme le caractérisa « la pensée politique et religieuse de Platon dans ses vieux jours » (p. 115).
Pour finir, Martin Briba pense que toute cité devrait être fondée sur la justice. Une relecture de la pensée platonicienne pourrait éclairer nos « points faibles » et nous orienter vers une certaine mise en question de ceux-ci.
François Xavier Akono.
Références
Martin BRIBA, Le philosophe dans la cité selon Platon, Yaoundé, PUCAC, 2009, 124 p.