Ebebiyin ou l’expérience au cœur d’une terre d’accueil

Avant d’aller à Ebibeyin, je me suis toujours fourvoyée dans la manière de l’écrire. Tantôt j’écrivais Ebebeyin. Tantôt Ebebiyin. Je trouvais tellement cela très facile à prononcer. Pourtant, le tout n’est pas dans la facilité à dire une chose, mais le tout se trouve dans la réalité des choses. C’est donc sur cette terre d’illustres personnes et au cœur de sa population que j’ai appris à prononcer le nom de la ville : Ebibeyin, chef-lieu de la province du Kye Ntem située dans le nord-est de la région continentale de la Guinée équatoriale. Mais là encore…

Quand on est à Ebibeyin, on peut se rendre au Gabon et au Cameroun. À la frontière de ces trois pays, il y a le grand marché transfrontalier d’Akombang. On y trouve diverses sortes de produits.

L’un des natifs du coin m’a dit qu’il y a deux manières de dire la ville en langue fang. La première c’est Ebebiyin, c’est-à-dire là où les étrangers viennent. À l’époque, les étrangers y venaient pour façonner et faire façonner des marmites en terre cuite et toute sorte de poterie utilitaire. Les étrangers venaient pour chercher ces fabrications précieuses.

La deuxième manière de dire la ville c’est Ebibeyin, c’est-à-dire là où on prend les étrangers. Quand un étranger venait ici, il ne rentrait plus chez lui. Il oubliait ses origines et restait ici, car il y avait un attrait presque surnaturel qui le conduisait à s’y installer.

Ebibeyin est une ville particulière comme le sont toutes les villes frontalières. Assise sur des petites collines non impressionnantes, elle contemple au loin sa voisine Kye-Ossi, une ville camerounaise.

Ébibeyin est une ville aux accents du monde. J’y ai entendu plusieurs langues : l’espagnol qui est la langue principale, le français, l’anglais, le fang et le portugais. Dans les chants, j’ai aussi écouté le lingala ou encore le swahili. Cela traduit l’ouverture du peuple équato-guinéen au reste du monde et surtout son attachement à ses frères d’Afrique.

À première vue, cette ville m’a fait penser à la ville congolaise de Loubomo (Dolisie). Terre rouge. Constructions semblables et collines semblables. Seulement, parce qu’Ebibeyin est en construction, elle paraît, à plusieurs endroits, beaucoup plus moderne que Loubomo. Il faut l’avouer, Ebibeyin est une ville prometteuse.

Dans tous les cas, Ebibeyin c’est Ebibeyin. Elle est bien éclairée et l’eau courante n’y est pas un luxe. Les habitations sont toutes particulières. À quelques endroits on peut se rendre compte qu’il y a encore des améliorations à faire sur les habitations. Mais ça viendra. Comme m’a dit un autre natif : « ici chez nous, petit à petit l’oiseau fait son nid est une expression forte ».

Il faut dire que durant mon séjour dans cette ville je n’ai connu ni coupure d’électricité ni coupure d’eau. C’est encourageant.

Autre trait marquant de la ville : La propreté. Cette ville n’est certainement pas Paris, Vienne ou Florence, mais elle est propre et très colorée. Les couleurs des résidences ne sont pas uniformes. On retrouve le bleu, le rose…

J’ai aussi aimé la flore encadrée qui donne une allure particulière à la ville… Elle m’a fait penser à la ville de Québec où je réside depuis bientôt dix ans.

Quelquefois, malgré le barrage de la langue, les riverains fournissent un effort pour mettre à l’aise l’étranger qui vient d’ailleurs. Ils veulent qu’on se sente chez nous chez eux sans oublier que la règle de toute possibilité du vivre-ensemble, c’est le respect des normes du lieu que l’on visite. Respecter les règles, voilà la base de toute intégration. Ebibeyin ne fait pas exception.

Je ne sortais pas beaucoup, mais je pense avoir visité les coins essentiels.

Je me balade dans la Cité et je suis en admiration en face des constructions d’infrastructures. La ville est en re-création. Il y a comme une main invisible qui passe dessus pour lui refaire une beauté. Elle se recrée un peu plus chaque jour. Le centre-ville est doté de plusieurs grands bâtiments. En dehors des édifices administratifs, il y a l’hôpital, les banques, des hôtels dont le grand Immaculada, le stade petit de taille certes, mais grand par sa qualité. Elle a été construite lors de la CAN 2014. Elle répond aux normes de la FIFA. Il y a aussi les écoles.

Il y a une réalité qui m’a en revanche paru tout à fait étrangère : les salles de conférence. C’est nouveau dans ma culture de globetrotteuse. Pourtant, en me renseignant, il m’a semblé que c’est une tradition locale. J’en ai vu un peu partout où je suis passée en éclair : Bata, Mongomo…

Les marchés ici sont très colorés et exotiques au sens frontalier du terme. Ce que je qualifie dans mon prochain roman de « tantôt une saveur d’autochtonie et tantôt une saveur d’hétérogénie ». Les riverains et les étrangers sont très présents dans les commerces et dans les supermarchés.

Ebibeyin est traversé par l’esprit de la fleuvitude [1]. La plus grande rivière, le Kye constitue la frontière naturelle avec le Gabon. À partir d’Ebibeyin, on peut avoir le loisir de contempler avec étonnement ou calme le lac naturel « Etetam Ngon». Il joue quasiment le rôle de médiateur entre les villages Bifé Efac, Meyo et Mbase.

On trouve aussi des grottes naturelles littéralement pierreuses dans les villages de Nloayong Esandon et Ngon-Eseng.

Je remonte une des artères principales de la ville et je tombe sur une bâtisse peu ordinaire. C’est une cathédrale. Ou plutôt c’est la Cathédrale puisqu’il n’y a qu’une seule cathédrale dans un diocèse. Je m’arrête ici et je pense que c’est ici que prendra forme mon article.

En discutant avec quelques originaires, je comprends que la culture de ce pays repose aussi en grande partie sur l’art religieux. C’est une cathédrale assez spéciale.

Je commence donc par l’extérieur.

Photo : Nathasha Pemba

En entrant par la porte principale, il y a le presbytère à droite, et à gauche un parc tout à fait spécial parce qu’il est essentiellement constitué de palmiers royaux. Des bancs sont présents tout le long du jardin et permettent certainement aux fidèles ou aux passants de s’y prélasser ou encore aux habitants de la paroisse de prendre du bon air quand ils le désirent. C’est aussi un excellent lieu de méditation.

La Cathédrale Saint-Pierre Claver d’Ébibeyin est constituée de deux ailes qui la tiennent. Elle est de style néogothique et a été construite en 1950. Plus loin se trouvent les salles, une bibliothèque et le petit-séminaire.

Parlons de l’intérieur

De gauche à droite sur les murs, au niveau de la nef, sont disposés des tableaux représentant le chemin de croix de Jésus. À l’arrière au fond, l’église est dotée d’un balcon intérieur qui fait face au chœur.

Photo : Nathasha Pemba

Le chœur de la cathédrale est tout particulier et c’est ce qui a retenu mon attention :

À gauche, il y a un autel dédié à la Vierge de Bégoña. Cette dernière avait été ramenée par les missionnaires basques espagnols qui se trouvaient à Ébibeyin à l’époque de la colonisation.

À droite se trouve l’image de Jésus Bon berger portant un agneau sur son épaule.

Derrière l’autel se trouve la croix du Christ en dessous duquel se trouve la cathèdre. Entre la croix du Christ, il y a à gauche les armoiries de L’Évêque du diocèse d’Ébibeyin. Ils sont représentés par un agneau blanc portant un étendard. La devise de l’évêque est « Ecce Agnus Dei ».

Tout de suite après, il y a une représentation des Saint-Charles Lwanga et Kisito, tous deux Martyrs de l’Ouganda. Ensuite vient Isidore Bakanja lui aussi martyr de la foi, catéchiste et laïc en République Démocratique du Congo.

À la droite de la croix, se trouve, en remontant l’image du Sacré-Cœur de Jésus, l’image de Saint Muzeyi, lui aussi Martyr de l’Ouganda, puis Saint Martin de Porrès, dominicain noir d’origine péruvienne.

Au-dessus de la Croix du Christ se trouve Saint-Pierre Claver, jésuite et missionnaire auprès des esclaves africains en Amérique du Sud. Il est le saint patron de la cathédrale. À sa gauche, il y a une représentation de Saint Mukasa, lui aussi martyr de l’Ouganda. À sa droite, c’est la bienheureuse Anuarite Marie-Clémentine Nengapeta, martyre de la République démocratique du Congo.

Au plus haut de l’autel juste à l’entrée trônent deux anges, un Noir et un Blanc. Le premier porte des armoiries qui portent l’inscription suivante : « Meyong mese». Le second porte des armoiries « Lugan Nti».

Si j’ai un avis personnel à donner sur cette ville, c’est qu’elle est accueillante du fait de son nom et par les personnes que l’on y rencontre. Quand j’ai demandé à un des prêtres avec qui j’ai discuté comment il résumerait la ville, il m’a répondu : «Là où les gens viennent».

Ma vie de missionnaire, de globetrotteuse et de blogtrotteuse m’a donné de visiter les plus belles cathédrales du monde en partant de celle d’Amiens, à celle de Reims ou de Paris, de Sao Paulo, de Londres, de Florence, de Kinshasa, ou la cathédrale de New York ou de Québec, je n’ai jamais vu ce mélange qui montre finalement la vraie catholicité de l’Église. Tous les continents y sont représentés.

Cette cathédrale c’est l’inculturation en acte, car sans renier l’évangélisation occidentale, on n’oublie pas que la parole de Dieu s’incarne au sein d’un peuple donné et d’une culture précise. Cette église m’a fortement fait penser au Cardinal Malula qui disait de l’Inculturation qu’elle était la Christianisation de l’Afrique et l’africanisation de l’Église.

Photo : Nathasha Pemba

Je sais aussi qu’en me lisant plusieurs d’entre vous se demanderont si un roman ou encore un recueil de nouvelles n’est pas né ou ne naîtra pas de ce voyage. Ne vous en faites pas chers amis de la Blogosphère. Pour le moment je récidive… encore un recueil de nouvelles qui parlera des femmes à Ebibeyin et des femmes d’Ébibeyin. Certainement dans les années à venir. En effet, si j’y ai rencontré majoritairement des hommes, les quelques femmes que j’ai rencontrées, mêlées, souriantes et hospitalières m’ont donné à réfléchir… Ma fibre féministe, me diront certains et certaines. Peut-être ! Dans tous les cas… à nous revoir très bientôt.  

Je vous recommande donc la visite de cette ville et de cette cathédrale.

Un super merci au père Fulgencio du diocèse d’Ébibeyin qui a accepté de répondre à quelques-unes de nos questions en vue de la rédaction de ce texte.

Nathasha Pemba, la passante d’Ebibeyin.

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