Lauryathe Céphyse Bikouta- Initiatrice du festival tuSeo

Née à Brazzaville en République du Congo, Lauryathe Céphyse Bikouta est une franco-congolaise qui réside en France. Elle est entrepreneure, comédienne et productrice d’évènements culturels. Diplômée en langue et littérature française à l’Université Marien Ngouabi, elle a lancé en octobre 2004 le Festival tuSeo, le premier festival international du rire en République du Congo et dans la sous-région d’Afrique centrale. Vivant actuellement en France, Lauryathe Bikouta est une grande figure pour le rayonnement de l’art en Afrique.

Bonjour Lauryathe Bikouta, le Magazine OU’TAM’SI a le plaisir de vous avoir. Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Merci à vous et à tous les lecteurs de OU’TAM’SI MAGAZINE. Originaire de la République du Congo, et française, je suis entrepreneure culturelle et sociale, investie dans le bonheur solidaire, à travers l’humour et différents arts scéniques, que je promeus par le biais du Festival tuSeo, que j’ai initié depuis 2004 au Congo, dont la 15e édition s’est tenue en octobre dernier au sein de l’Institut français du Congo, à Brazzaville. J’ajouterai que je suis diplômée en langue et littérature françaises de l’Université Marien Ngouabi, puis j’ai suivi différentes formations en management culturel et artistique, tant en France qu’ailleurs.

Après des études en langue et littérature françaises, vous commencez à vous intéresser au secrétariat et tout d’un coup, vous vous retrouvez dans le monde de la culture. Comment s’est faite cette transition ?

L’art a toujours fait partie de mon ADN, ainsi, très jeune, je me suis investie dans la culture, comme comédienne, puis j’ai animé différentes émissions culturelles à la radio, puis collaboré avec plusieurs titres de presse tant nationaux qu’internationaux, avant d’initier l’« Union des Femmes Artistes du Congo », structure qui organise d’ailleurs le festival tuSeo à ce jour. Dans mon cas précis, je parlerai moins de transition, mais plutôt de continuité ou de poursuite d’engagements en faveur de la revalorisation de notre patrimoine artistique et culturelle, en symbiose avec d’autres cultures, pour relever notre niveau de l’art, en y apportant mon expertise, ma personnalité, laquelle est solidaire de mon propre cheminement tant en qualité d’entrepreneure que d’artiste comédienne, quoique moins investie sur les planches depuis deux ans aujourd’hui ».

L’art, la culture et la communication vous ont donc toujours habitée…

« Absolument, c’est un triptyque qui correspond à mon tempérament, que j’essaie de concilier sur les fronts de mes engagements. Je suis l’incarnation de l’art, de l’amour, de l’humour, j’ai la chance d’avoir une belle âme.

Vous êtes comédienne et humoriste. Pouvez-vous nous dire la différence qu’il y a entre faire de la comédie et faire de l’humour ?

« L’humour est une déclaration de dignité », écrivait Romain Gary. Lorsqu’une personne est confrontée à la dure loi de la réalité, l’humour permet de prendre du recul ; il permet également une prise de conscience. Pour éviter de flancher dans son parcours et garder l’équilibre. Je ne saurais me complaire dans cette camisole trop ample pour mes épaules, en me présentant comme humoriste. Dans mon cas, je ne suis pas une humoriste professionnelle, mais une vraie passionnée de l’humour.

Photo: Lolo image

Comment votre entourage a-t-il perçu cette orientation professionnelle ?

Je n’ai surpris personne dans mon entourage, mon goût inné et prononcé pour les arts sous toutes ses formes n’a jamais subi l’influence négative de mes parents, bien au contraire, ils m’ont toujours laissé poursuivre cette orientation professionnelle. Mon entourage est mon premier fan-club.

Lauryathe Bikouta, comment avez-vous fait pour vous construire une si belle carrière dans un domaine encore en développement dans votre pays ?

Pour construire sa carrière professionnelle, à chacun sa recette, la mienne c’est une ratatouille de courage, de rebondissement, de persévérance et encore de courage (rire).  « Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends », disait Nelson Mandela. Construire une carrière, quel que soit le pays dans lequel on se trouve est un objectif de vie. À l’instar de l’épanouissement personnel, ma réussite dans le domaine de l’art m’apporte du bonheur, du bien-être et de la satisfaction. Atteindre mes objectifs a nécessité de passer par différentes étapes, celles d’effectuer un travail sur moi-même, à valoriser mon potentiel et aller au-delà de mes limites. Je suis passionnée par ce que je fais, je m’entoure des bonnes personnes, je suis curieuse et ouverte aux bons conseils, car dans la vie rien n’est figé, tout évolue ! Je m’informe, je me forme et je suis beaucoup à l’écoute de mes collaborateurs et coéquipiers du festival tuSeo en particulier. Le festival tuSeo est une grande école de formation pour moi, un moment de partage privilégié, qui ne connait pas de repos. Il faut toujours être au taquet pour travailler, innover, réinventer et apporter de nouvelles choses, c’est en suivant cette discipline que j’arrive à construire cette carrière.

Vous créez en 2003 le Festival tuSeo et la première édition se tient en 2004. Qu’est-ce qui a motivé la mise sur pied de ce rendez-vous international du rire qui a lieu chaque année à Brazzaville ?

La création du festival tuSeo a été motivée par le courage de reprendre à vivre à Brazzaville après la guerre de 1997. Je voulais personnellement me réconcilier avec la capitale que j’avais fuie, pour me réfugier à Pointe-Noire. Aussi, pour marquer cette nouvelle étape de ma vie, j’avais pensé de mettre en place une activité artistique, qui allait guérir ou tenter de soigner mes plaies d’une part, et aider aussi d’autres Congolais à surmonter les affres de la guerre civile du Congo, par une activité nouvelle dans le cadre du spectacle vivant : le festival du rire tuSeo pour sucrer les larmes versées pendant la guerre. Dans le domaine de la création artistique, le festival tuSeo était mis sur pied pour donner une scène d’envergure internationale consacrée aux humoristes émergents et professionnels, car il y en avait au Congo et dans la sous-région Afrique centrale.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les objectifs du Festival tuSeo ?

Au-delà d’être un festival d’ordre culturel, tuSeo est un rendez-vous international de développement humain à travers l’art du bien-être et du vivre-ensemble. TUSEO veut dire les rires en langue kongo parlée dans le sud du Congo. Il raisonne aussi comme TU SEHO ou TU-SAO « mets nous ensemble… là ! », il s’agit bien du « Vivre-ensemble ». TUSEO apparait comme une invitation à la rencontre de l’autre qu’on ne connait pas encore, mais que l’on va découvrir dans sa spécificité qui nous entraîne ainsi dans l’univers de la fraternité, de l’amitié et de la solidarité et où autour des anecdotes les hommes deviennent tous UN à travers le rire. TUSEO pour rassembler les hommes en dépit de leurs différences. « Pour vivre ensemble, il faut une brassée d’amour et une pincée d’humour » , disait le Cardinal français Roger Etchegaray.

En quoi serait-il bénéfique pour un artiste humoriste de s’y produire, et sur quelles bases se font les invitations ?

Photo : Lolo image

Le festival tuSeo est un rendez-vous où se côtoient artistes, directeurs de festival, opérateurs culturels, managers, acheteurs et diffuseurs de spectacles sous l’œil vigilant d’un public perpétuellement exigeant sur la qualité de la programmation. Il est donc bénéfique pour un artiste humoriste de prester sur cette grande et belle scène que leur offre l’union des femmes artistes du Congo qui est le festival tuSeo (rire).

La programmation se fait sur la base d’un dépôt de candidature adressé à l’équipe d’organisation (tuseo2004@yahoo.fr), sur recommandation d’un professionnel ou sur la sollicitation des organisateurs du festival tuSeo auprès de l’artiste ou de son manager.

La 15e édition du festival s’est déroulée du 27 au 29 octobre 2022 à l’IFC de Brazzaville. Au fil de ces dix-huit années, on imagine que tout n’a pas été rose, Lauryathe !

En effet, tout n’a pas été rose comme vous pouvez l’imaginer ! Réunir un grand nombre de personnes, entraîne un grand nombre de problèmes aussi. Le festival tuSeo est à l’image de ses organisateurs : une équipe qui ne renonce jamais face aux difficultés, ambitieuse, engagée et déterminée, nous tenons le coup afin de ne pas détruire la marque, le label que nous avons patiemment imposé construite avec notre énergie en dépit des difficultés financières surtout, l’évènement continue à être une belle histoire. Voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide permet d’aller de l’avant et ne pas s’arrêter sur un échec. Être enthousiaste, dynamique et joyeux nous donne toujours envie de nous surpasser, d’être conquérants et d’enrichir nos éditions futures. Chaque nouvelle édition est comme un entraînement pour le prochain rendez-vous à venir. Nous essayons toujours d’améliorer les axes qui ne nous ont pas permis de faire mieux en nous donnant la possibilité de nous surpasser la fois suivante. Je renouvelle d’ailleurs les plus sincères remerciements à l’ensemble des partenaires pour leur soutien. Un merci particulier à DIEU qui nous donne la force de tenir bon. À royal air Maroc, notre transporteur aérien officiel, à l’Institut français du Congo, à TV5MONDE Afrique, au public tuSeo qui nous apporte son énergie depuis la création de ce festival, pour donner toute l’envergure nécessaire à cet évènement d’exception à Brazzaville. Aux artistes aussi, à nos amis et à nos parents respectifs pour leur encouragement.

À quoi peut-on déjà s’attendre pour la prochaine édition ?

Au festival tuSeo, les éditions se suivent, mais ne se ressemblent pas. Chaque année, une nouvelle coloration peint notre festival par la qualité de ses invités ainsi que par les activités prévues. La 16e édition se tiendra du 26 au 28 octobre 2023. Un accent sera mis sur la pédagogie, les conférences pour explorer le paysage du rire dans la littérature africaine de façon générale. Nous attendons donc de grands écrivains, la participation des nouveaux pays à tuSeo. La prochaine édition, c’est aussi l’amélioration de nos conditions de travail, une bonne communication, la rigueur dans le choix des spectacles dont l’ambition ne se limite pas seulement à remplir la salle, mais d’éduquer, d’informer et de divertir sainement, afin de continuer d’être une référence dans notre domaine et le rester, car le but de notre concept.

Quel est le plus beau souvenir que vous gardez de votre parcours dans le milieu artistique et culturel ?

C’est une question difficile, parce qu’évidemment, dans mon parcours artistique, il y en a beaucoup ! Il y a l’un des moments très singuliers que je garde comme un très beau souvenir, c’est la réalisation de la première édition du festival tuSeo en octobre 2004 au CFRAD et au Centre Culturel russe. J’avais réussi avec le concours d’un ami, à convaincre deux éminents intellectuels de mon pays, qui ne me connaissaient même pas d’ailleurs, à donner des conférences sur le rire en l’occurrence le professeur, Auguste Miabeto (le rire dans la tradition kongo) et le Docteur Alain Mouanga (le rire comme thérapie). Leur participation avait eu beaucoup d’impact sur la valeur ajoutée du nouveau produit que nous étions.  Le métier de l’humoriste au Congo venait de prendre sa revanche en s’alignant de façon glorieuse à côté des autres disciplines artistiques comme la musique, la danse, le théâtre, le conte… Je garde aussi le souvenir d’un public assidu pendant trois jours et qui est encore fidèle jusqu’à ce jour. En 2004, la presse internationale (RFI, Jeune Afrique, Amina, Africa N°1, TKM de Kinshasa) parlait pour la première fois du festival tuSeo, de moi, du grand travail abattu par l’équipe de l’époque !

Quel est le projet derrière l’Association tuSeo que vous avez créée en février 2016 en France ?

L’Association tuSeo a pour objet d’être au service du développement humain, à travers des programmes socioculturels et ludiques, d’éducation, de bien-être. Nous travaillons sur la mise en place d’un partenariat entre la France et les pays du Sud entre autres. L’association tuSeo agit dans la ville de Mantes-la-Jolie pour créer des scènes ouvertes à travers l’activité tuSeo Comédie club, un concours visant à la promotion des compétences des jeunes talents en humour ; à offrir une gamme de services aux artistes visant à les former pour mieux vendre leurs créations et développer leur réseau via des formations données par des professionnels dynamiques et passionnés de notre association.

Avez-vous une autre initiative que vous souhaitez partager avec nous ?

Oui, la réalisation de tuSeo en France, précisément dans la ville de Nantes, du 24 au 26 novembre 2023 en partenariat avec l’association « Perspective Congo ». Le lancement dans ma commune, Mantes-la-Jolie, d’une série des conférences sur thèmes différents et édifiants pour faire encourager les Mantais aux activités culturelles. La mise en place d’un plateau découverte des jeunes talents en humour et bien d’autres projets que j’aurai le plaisir de vous communiquer…

Lauryathe Bikouta, vous êtes une ambassadrice de la culture africaine. Quel message pouvez-vous adresser à ces jeunes africain(e)s désirant faire carrière dans l’art ?

Devenir un « artiste » ne s’improvise pas, vous devriez voir votre carrière comme un long chemin semé d’embuches et de pièges, mais surtout un sentier bourré d’opportunités. Identifiez vos forces et vos faiblesses, cherchez les bonnes solutions, les bons partenaires, abandonnez rapidement les collaborations qui ne fonctionnent pas, focalisez-vous sur vos objectifs à atteindre. Ayez une conviction inébranlable dans ce que vous faites et une grande motivation. Vous devez en quelque sorte imposer votre vision au monde. Montrer votre potentiel et votre capacité de travailler en équipe notamment, mais aussi être autonome, organisé et rigoureux dans le travail. Dans votre carrière, il y a des contraintes artistiques, mais également extra-artistiques qui vous imposent naturellement de travailler sa culture générale, d’avoir l’esprit de synthèse et d’analyse, mais aussi d’aimer lire, écrire, regarder des films… sont des atouts. Une belle carrière artistique a besoin de professionnalisation aussi, n’hésitez donc pas à vous former. On peut aussi ajouter des compétences numériques sans oublier de penser à la liberté financière. Vous ne devriez pas vivre en dehors du système et le subir, mais plutôt faire partie de celui-ci. Que le rire soit avec vous !

Par Franckh Espérant NOMBO

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