Lenine Nankassa Boucal : la culture est le socle de tout développement d’un peuple

Entrepreneur social, travailleur culturel et militant antiraciste d’origine sénégalaise vivant au Québec depuis 15 ans, Lenine Nankassa Boucal est un « tisserand des temps modernes » à l’origine de nombreux projets qui favorisent l’inclusion, le vivre-ensemble, l’établissement de relations interculturelles et intergénérationnelles harmonieuses entre Québécoises et Québécois de toutes les origines. M. Boucal est notamment le fondateur et coordonnateur du Cabaret de la diversité qui promeut le vivre-ensemble et célèbre la diversité. Il est également l’instigateur du Mois de l’histoire des Noirs Bas-Saint-Laurent et aussi instigateur de la première démarche collaborative panquébécoise soulignant à l’unisson le Mois de l’histoire des Noirs et qui a réuni neuf (9) régions du Québec en février 2022. L’engagement de M. Boucal, son apport positif et la contribution significative de ses actions à l’édification de collectivités plus accueillantes et inclusives, riches et prospères de toutes leurs diversités ; ont été salués plus d’une fois. Lenine Nankassa Boucal a été sacré personnalité de l’année « coup de cœur » du public Bas-Saint-Laurent 2018 par Radio-Canada et, la même année, il a reçu le prix Lys de la diversité du Québec, en marge des Grands Prix Mosaïque 2018. Il est également lauréat du prix Charles-Biddle 2020 décerné par le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration et l’organisme Culture pour tous ; qui souligne son apport exceptionnel à titre de personne ayant immigré au Québec et dont l’engagement personnel et professionnel contribue au développement culturel et artistique du Québec. Réalisateur du documentaire Autrement d’ici qui scrute l’enjeu de l’immigration en région au Québec, M. Boucal figure également parmi le TOP 12 des néo-Québécois 2021 selon l’institut Neo Québec.

Bonjour Lenine Nankassa Boucal et bienvenue dans le Magazine OU’TAM’SI. Né et grandi au Sénégal, vous habitez à Québec depuis 2007. Peut-on savoir ce qui a motivé votre projet d’immigration au Canada ?

Bonjour et merci pour l’accueil. Honneur et plaisir sont miens de m’entretenir avec vous. En effet, mes racines restent sénégalaises et africaines quoique les feuilles sont de plus en plus teintées canadiennes-québécoises. Je dirai même que je suis plutôt « Québégalais » (rires). Les raisons seraient multiples, mais se résument principalement autour de regroupement familial — J’ai de la parenté habitant le Bas-du-Fleuve depuis plus d’un quart de siècle — et de la langue, le français, étant moi-même issu du Sénégal : un pays francophone.

Vous œuvrez pour le vivre-ensemble et la diversité culturelle au Québec. Quel état des lieux faites-vous de l’intégration socio-culturelle et professionnelle au Québec et par extension au Canada ?

 Si d’une main je salue le travail qui se fait — force est de le souligner — hélas, je ne peux que de l’autre tirer un mouchoir de ma poche et essuyer mes larmes devant le chantier qu’il reste encore à faire. Cependant, je suis très confiant pour l’avenir.

Comment expliquez-vous votre engagement pour le développement socio-culturel ?

 D’emblée, je suis d’avis que la culture est le socle de tout développement d’un peuple quel qu’il soit, et que l’exercice d’une citoyenneté culturelle pour tous est primordial à la bonne santé des collectivités. Par ailleurs, le vivre ensemble en particulier est un sacerdoce pour moi et ne date pas d’aujourd’hui. Toutefois, le Québec aurait été ce théâtre de l’éclosion et de l’épanouissement de ce potentiel venu d’Afrique. Force est de noter que je suis moi-même né à Ziguinchor dans le sud du Sénégal, une ville dotée d’un cimetière mixte où chrétiens et musulmans sont enterrés et reposent en paix ensemble. Par ailleurs, le dialogue islamo-chrétien est un fait au Sénégal où tu penses que toute la population est chrétienne à Noël ou encore tout le monde est de confession musulmane à la fête de l’Aïd-El-Kébir arrivée. C’est dans un tel univers que je suis né et où j’ai grandi qui a eu un gros impact très positif sur ma façon de concevoir et d’appréhender le monde. Je n’essaie que de partager aujourd’hui cet héritage afin qu’ensemble, on puisse habiter le monde tel que nous aurait invités à le faire un certain compatriote : Felwine Sarr.

En 2017, vous fondez justement le Cabaret de la diversité dans l’optique de « favoriser le vivre-ensemble et la régionalisation de l’immigration ». La question qu’on se pose est : comment le faites-vous ?

En effet, j’ai fondé en avril 2017 le Cabaret de la diversité qui est à la base une initiative citoyenne. Devenu une personne morale en tant qu’organisme à but non lucratif depuis avril 2022, le Cabaret de la diversité a pour mission de promouvoir le mieux-vivre-ensemble, de célébrer la diversité, de contribuer à l’établissement de relations interculturelles et intergénérationnelles harmonieuses entre les Québécoises et les Québécois de toutes les origines et de développer des initiatives favorisant l’établissement durable des personnes dans les régions non métropolitaines. Au fil des années, le Cabaret de la diversité a instauré plusieurs projets — et continue d’innover en ce sens d’ailleurs — qui épousent l’atteinte des objectifs précités. Des initiatives à l’instar des jeunes ambassadeurs du vivre-ensemble (car convaincu que même si en tant qu’adultes nous trouverions une formule magique du mieux vivre ensemble, mais que derrière nous, nous ne laissons pas des jeunes, des enfants suffisamment sensibilisés ; c’est-à-dire que nous continuerons à avoir ces mêmes débats sur la place publique dans 100 ans. Alors il s’agit de faire de la prévention et de sensibilisation auprès des jeunes sur de tels enjeux) ; des Soirées métissées, des conférences/panels thématiques, des activités jeunesse Grandir et bâtir ensemble, Franco-Rires, les Journées découvertes… Plusieurs projets ont été développés au fil des années pour créer notamment des espaces sécuritaires de dialogue, de partage, de rencontre avec l’« Autre », de réseautage et de création de liens humains et sociaux. Car comme je le dis si bien d’ailleurs dans mon documentaire Autrement d’ici : « On ne peut pas vivre ensemble si on ne se connaît pas. On ne peut pas se connaître si on ne se rencontre pas. Chacun fait le pas vers l’“Autre”, on se rencontre, on se connaît, on se découvre, on vit ensemble.

S’il faut faire le bilan du Cabaret de la diversité, dites-nous, qu’a-t-il concrètement apporté aux communautés québécoises ?

L’apport positif et la contribution significative du Cabaret de la diversité aux communautés québécoises qu’elles soient d’ici ou autrement d’ici, sont réels. Son impact positif social, mais aussi économique et culturel peut être matérialisé par des contributions concrètes en ce qui a trait à l’accueil de la diversité, à la sensibilisation à la diversité comme gage de prospérité, à l’édification de collectivités plus accueillantes et inclusives, riches et prospères de toutes ses diversités, au rayonnement et à l’attractivité en région hors des grands centres métropolitains.

Parlez-nous de votre film AUTREMENT D’ICI, s’il vous plaît.

Force est d’abord de préciser que je ne suis pas un cinéaste de formation. Je n’ai jamais pris de cours en cinéma. La réalisation du documentaire Autrement d’ici consiste plutôt en un prolongement de mon engagement citoyen à travers le cinéma. “Mon film se nourrit de personnes ayant expérimenté le sentiment d’exil.”. À travers ce film, j’ai voulu mettre en exergue des histoires à succès de personnes issues de l’immigration installées en région et qui s’y enracinent. Que venir de loin, ne pas parler un mot en français en région ; que oui, c’est possible.

Est-ce que l’immigré que vous êtes, étant à l’origine de toutes ces initiatives, est à l’abri du racisme ?

Qui serais-je pour avoir une telle prétention d’être à l’abri du racisme ? J’ai déjà été victime de racisme, mais à la haine ou à l’intolérance, j’apprends à répondre par l’amour et à la discrimination raciale ou au racisme par la sensibilisation et l’éducation. Cependant, le racisme n’est pas le seul apanage du Québec ou du Canada et qu’il ne faut surtout pas faire l’amalgame de traiter tous les Québécois-e-s ou Canadien-ne-s de racistes. Pour emprunter une expression bien québécoise : “ça prend tout genre de monde pour faire un monde”. Ma main tendue, je réitère l’invitation à bâtir et grandir ensemble des collectivités riches et prospères de toutes leurs diversités à pouvoir léguer aux générations futures.

Avez-vous aussi des projets pour l’Afrique, notamment pour le Sénégal, votre pays d’origine ?

 En effet, j’ai des projets pour l’Afrique en général et pour le Sénégal en particulier. D’ailleurs, j’espère pouvoir revenir en discuter avec vous et les partager avec votre public, le moment venu.

Comment souhaiteriez-vous que l’on se souvienne de Lenine Nankassa Boucal ?

Tel je le répète souvent : “Chaque Humain a un potentiel, mais si la collectivité ne le met pas dans les conditions optimales où il peut déployer son potentiel ; en vérité c’est la collectivité qui n’en bénéficie juste pas. Par ailleurs, nous avons le devoir moral de léguer à nos enfants un monde meilleur d’amour, de tolérance, de paix, de justice, d’équité et de mieux-vivre-ensemble où chaque Humain compte sans distinction aucune de race, de sexe, d’âge, de religion ou de statut socioéconomique.”

Par Franckh Esperant NOMBO

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