À la rencontre de Mariette Mendes

« Mon féminisme est avant tous action. »

Présentez-vous et parlez-nous de votre parcours scolaire ?

Mon féminisme est avant tout action. Mon féminisme et une actualisation, dans ma vie, de la tigritude. Il ne sert à rien de pleurnicher tout le temps. Il faut se relever, bondir et arracher à la vie ce qu’on estime qu’elle nous doit. Mon féminisme est un creuset de réflexions pour le développement, qu’on soit homme ou femme.

Je suis Mariette Mendes, épouse, mère, créatrice de mode, entrepreneure, écrivaine, originaire de la Côte d’Ivoire et vivant à New York aux États-Unis. J’ai obtenu le BAC au Lycée Mamie Adjoua de Yamoussoukro. Après des études en Sciences Économiques à l’Université d’Abidjan, je suis rentrée à l’Institut National Polytechnique Félix Houphouët Boigny où j’ai obtenu un diplôme d’ingénieur en marketing et commerce international. Plus tard quand j’ai embrassé le domaine de l’entreprenariat, j’ai trouvé nécessaire de me former en business pour une meilleure gestion de mes affaires. Je suis donc retournée aux études pour un MBA (master in business administration) dont je suis titulaire depuis 2017.

Après avoir lu votre livre, « De la compassion à l’action » qui retrace votre parcours, vos échecs et vos succès, vos joies et vos peines, une question s’impose à moi : « Pourquoi la présence des parents est-elle nécessaire pour la réussite de l’enfant ? »

Pour ma part comme je l’ai évoqué dans le livre, j’étais obligée de vivre loin des parents après l’obtention de mon BAC à l’âge de 17 ans. Encore adolescente, j’ai mal vécu cette séparation parce que j’avais encore besoin d’eux pour me guider et pour faire face à l’adversité dans une ville aussi bouillonnante qu’Abidjan. Je pense que je ne me sentais pas vraiment équipée pour faire face à tout cela et je me sentais vraiment seule sans protection en plus d’être dans le besoin. Nos parents nous apprennent tout, mais pas à vivre sans eux. Ce qui est vraiment dommage. Livrée à moi-même j’étais à la merci de tout. Quand j’étais avec eux, ils décidaient de tout à ma place, ils m’ont certes offert un bon cadre pour les études qui m’a permis d’être une brillante élève, mais ils ne m’avaient pas appris à prendre des décisions toute seule, à me fixer des objectifs clairs.

Du coup, seule dans la capitale, je me suis sentie abandonnée et perdue, incapable de trouver des solutions aux problèmes qui se posaient à moi. Cela a provoqué en moi une perte de motivation et surtout une plongée dans l’anxiété. Parce que comme je l’ai dit, je n’arrivais pas aussi à subvenir à mes besoins. Quand tu éprouves ce sentiment d’abandon et de manque, tu as une perte d’estime de soi et surtout tu as du mal à trouver ta place parmi les autres. Il y a forcément un trouble au niveau du comportement. Tu peux devenir soit agressif, soit être plus en retrait en te repliant sur toi-même. Il est donc normal que l’enfant ait des difficultés à réussir, si toutes ces choses doivent arriver quand les parents de gré ou par contrainte n’assument plus leur rôle d’éducateur, de pourvoyeur de soins et de protecteur.

Pour éviter les problèmes comme la dépression, l’alcool, la drogue ou encore la prostitution, l’idéal serait que les deux parents, père et mère, parce que les deux jouent des rôles différents, soient aux côtés des enfants au moins jusqu’à l’âge adulte. S’il arrivait que père et mère soient absents par la force des choses, par exemple décès ou divorce, il faudrait qu’on trouve aux enfants un cadre où il y a des personnes qui puissent jouer ces rôles que j’ai évoqués plus haut. Ça devrait être le combat de la société aujourd’hui. Parce que c’est de là que viennent tous les problèmes que subissent les nations. Quand on a fini de compatir, il faut passer à l’action, c’est-à-dire donner corps et vie à sa passion.

Pourquoi suivre sa passion ? Quels sont les avantages de travailler sur ses talents et poursuivre sa passion ?

Il est important de faire ce qu’on aime, parce que plus on fait ce qu’on aime plus on est heureux et plus on veut partager cette joie avec les autres. Faire ce qu’on aime nous permet de libérer des émotions positives qui sont nécessaires à notre épanouissement et surtout qui sont bénéfiques pour notre santé. Poursuivre donc ta passion te donne la capacité d’être soi-même, d’agir en cohérence avec ses valeurs, ses pensées et ses sentiments. On se sent mieux dans ses baskets et on peut commencer à respecter véritablement les autres et faire preuve de gentillesse à leur égard.

Lorsque nous travaillons dans le domaine de nos talents nous avons plus de liberté et nous nous découvrons mieux, nous sommes plus créatifs. La créativité est ce qui nous permet de nous sentir connectés à l’essence de nous-même. Avec notre talent nous pouvons faire la différence et être une personne authentique. Être authentique, c’est s’accepter, s’aimer et s’assumer, avec responsabilité. Accepter ce que vous êtes et faire rayonner votre personnalité. La meilleure manière de faire sa place et de la conserver, c’est en étant vrai, honnête et authentique.

Quand on se conforme à l’environnement on peut être victime de cet environnement qui va nous juger et influencer notre personnalité, nous ferons tout en fonction de cet environnement. Quand on est authentique, on fait tout en fonction de nos besoins et de ce qu’on est. Il est donc important de se connaître et de rentrer en soi. Les distractions de l’environnement nous empêchent de nous connaître.

Être authentique, c’est s’accepter, s’aimer et s’assumer, avec responsabilité. Accepter ce que vous êtes et faire rayonner votre personnalité. La meilleure manière de faire sa place et de la conserver, c’est en étant vrai, honnête et authentique.

Comment définissez-vous le féminisme ?

Mon féminisme est avant tout action. Mon féminisme et une actualisation, dans ma vie, de la tigritude. Il ne sert à rien de pleurnicher tout le temps. Il faut se relever, bondir et arracher à la vie ce qu’on estime qu’elle nous doit. Mon féminisme est un creuset de réflexions pour le développement, qu’on soit homme ou femme. Il est fondamentalement une redécouverte à frais nouveau de la nécessité de la discipline et de l’effort acharné pour sortir de la précarité et aider les jeunes à se réaliser. Comme vous le savez, pour réussir il est important de développer certaines qualités et d’avoir une certaine discipline. Il faut travailler sur ses habitudes. Le courage, la constance, la persévérance, la patience et le don de soi sont indispensables pour réussir. Il y a aussi le goût du risque, c’est-à-dire se lancer sans savoir ce qui nous attend. C’est un acte de foi qui stimule notre volonté et justifie notre désir.

La prise de décision est aussi importante, malheureusement nos parents ne nous apprennent pas à prendre des décisions, ils décident généralement pour nous et plus tard nous avons du mal à être indépendants et à bien nous orienter dans la vie. Il faut savoir faire des choix et les assumer, il faut être responsable et ne pas toujours blâmer les autres pour nos erreurs. L’entreprenariat qui est une solution que je propose à tous les jeunes est un secteur qui permet de développer toutes ces qualités.

Mon féminisme se veut préférence de la liberté à la sécurité. En effet, les conditions dans lesquelles on vit, nous amènent toujours à choisir la facilité, on veut juste satisfaire les besoins du moment sans penser au long terme, cela nous conduit à faire de mauvais choix, que ce soit le choix d’un métier ou même du conjoint. Nous pratiquons la plupart du temps des activités médiocres que nous n’aimons pas parce que nous voulons nous conformer à la masse.

On préfère passer des concours, avoir un travail stable au lieu de chercher une activité noble qui nous challenge et nous permet de mettre en lumière notre individualité. On préfère être dépendant de l’environnement qui peut être soit le gouvernement, les sociétés privées, la famille, etc. Nous devenons donc des esclaves de toutes ces institutions. Pourtant La liberté n’a pas de prix. Elle nous permet d’être authentiques et de vivre la plénitude.

J’encourage les jeunes à trouver leur passion et à développer leur talent parce que c’est ce qui va leur permettre d’être réellement libres. Cela demande plus de travail, et peut même prendre plus de temps, mais cela vaut la peine de faire le sacrifice, car nous auront plus tard le temps de nous occuper de nos loisirs et surtout de l’éducation de nos enfants.

Prier et demander à Dieu de développer en nous les vertus tels que l’amour, la vérité, la bonté, la justice, la sagesse au lieu de vivre en se concentrant sur notre image ou notre apparence. Cela va nous amener à faire de meilleurs choix de carrière, choix de conjoint et surtout connaître notre mission de vie.

Mon féminisme se veut préférence de la liberté à la sécurité.

Quel est le secret ou comment rêver grand dans un environnement pauvre ?

Quand on est dans un environnement pauvre il faut savoir commencer petit même si on rêve grand.il faut éviter la facilité et aussi les distractions.il faut lire beaucoup. Ne pas trop compter sur l’aide. Faire confiance à ses forces et connaître ses faiblesses. Le problème est que quand nous sommes dans un environnement pauvre, le manque nous emmène à chercher des raccourcis et surtout à toujours vouloir demander de l’aide. Les raccourcis nous empêchent de déployer vraiment notre potentiel parce que nous engageons la plupart du temps dans des fonctions qui sont contraignantes et que nous n’aimons pas. Par ailleurs, à force de demander de l’aide, nous finissons par aimer la facilité et à nous contenter de peu. Nous attendons que les autres bâtissent notre vie à notre place. Cela nous dispense de notre capacité à rêver et nous ne pouvons que subir la vie. Nous sommes les esclaves de notre propre vie et nous perdons notre confiance en nous.

Pour pouvoir rêver grand, il faut avoir conscience de sa propre valeur et cela ne peut être possible que si nous faisons des choses qui sont en rapport avec notre personnalité. Nous devons écouter notre être intérieur et non la pression de l’environnement. Nous devons nous concentrer sur nous-même pour savoir ce qui est réellement bon pour nous. Ce n’est pas facile de rentrer en soi-même dans un environnement pauvre parce qu’il y a tellement de distractions. Mais ce n’est pas impossible non plus si nous choisissons de souvent nous retirer pour lire ou encore pour méditer. La prière et la lecture peuvent nous aider à nous connaître et savoir ce qui est bon pour nous. Nous allons nous sentir capables d’obtenir de grandes choses et allons donc y aspirer. Nous devons bien choisir les personnes que nous fréquentons parce que nos compagnies ont une influence sur notre mentalité. Commencer par le peu que nous avons, parce que le seul fait d’être en action augmente notre confiance et nous pousse à vouloir désirer plus grand.

Nous sommes les esclaves de notre propre vie et nous perdons notre confiance en nous. Pour pouvoir rêver grand il faut avoir conscience de sa propre valeur et cela ne peut être possible que si nous faisons des choses qui sont en rapport avec notre personnalité.

Subir les coups de la vie n’est-il pas finalement nécessaire pour découvrir le sens de sa vie ?

Nous sommes dans un monde où nous devons toujours être prêts à faire face à l’adversité. Parce que c’est un monde où le bien et le mal existent et aussi tant que nous aurons des besoins, nous aurons à lutter pour y subvenir parce que c’est cela la destinée de l’homme depuis le péché d’Adam et Eve. Je suis donc d’accord que nous ne devons pas nous plaindre lorsque arrivent les difficultés et accepter de souffrir parce que cela fait partie du plan de Dieu pour nous. En effet, avec du recul, j’ai fini par comprendre que tous ces malheurs et ces moments de compassion ont contribué à faire de moi la personne que je suis maintenant. Une personne plus forte, plus avertie, qui sait ce qu’elle veut, où elle va et qui est finalement plus épanouie.

Les coups de la vie m’ont fait sombrer dans un burn-out qui m’a vraiment ouvert un autre chemin, le chemin de la passion et du plein épanouissement. Cela m’a permis non seulement de me connaître, mes forces et mes faiblesses, mais aussi de savoir ce qui est bon pour moi. Mais la plus belle chose que les coups de la vie m’ont donnée c’est mon rapprochement avec le créateur, qui a été avec moi pendant tout ce chemin et qui par ma guérison et ma nouvelle vie me démontre que c’est à lui la puissance et la gloire. C’est donc vraiment avec beaucoup de gratitude que je parle de la prière dans le livre et c’est ce que je recommande à tout le monde quand arrivent les épreuves. Les coups de la vie nous les subirons tôt ou tard à un moment de notre vie. Le plus important c’est de se battre et pouvoir se relever quand on tombe. Il faut aussi croire et ne jamais abandonner.

Quels sont tes projets d’avenir ?

Dans le futur j’envisage de contribuer à la sensibilisation des parents ou des couples afin qu’ils puissent être plus présents dans la vie de leurs enfants. C’est cela aussi le féminisme : travailler à redorer le blason de la famille. Sans la famille, les enfants sont perdus. Et si les enfants sont perdus, la société est menacée. Tout féminisme qui ne porte pas en haute estime le combat pour la consolidation de la famille, noyau de toute vie, est pure propagande. C’est du vent. C’est juste un cri aux quatre vents pour dire qu’on existe aussi. Le féminisme, je ne l’entends pas comme les jérémiades et les subversions contre les hommes ainsi que c’est parfois malheureusement le cas sur les réseaux sociaux. J’ai toujours une grande admiration pour deux icônes du féminisme qui ont mis un accent particulier sur l’éducation et la consolidation de la famille : Mariama Bâ et Aminata Sow Fall. J’estime qu’elles ont ouvert une voie qu’il nous faut suivre en mettant à contribution nos propres talents. À leur suite, j’envisage de soutenir tous les programmes de coaching et les structures d’écoute qui luttent pour que les jeunes ne se sentent plus rejetés ou abandonnés.

Je compte enfin apporter mon aide à l’orientation professionnelle des jeunes. Surtout pouvoir les encourager à s’engager dans les métiers du secteur de l’artisanat qui sont pourvoyeur d’emploi et qui peuvent leur permettre très tôt, c’est-à-dire déjà dès l’adolescence, de pouvoir subvenir à leurs besoins élémentaires et de faire face à l’adversité, aux coups de la vie.

J’ai toujours une grande admiration pour deux icônes du féminisme qui ont mis un accent particulier sur l’éducation et la consolidation de la famille : Mariama Bâ et Aminata Sow Fall. J’estime qu’elles ont ouvert une voie qu’il nous faut suivre en mettant à contribution nos propres talents.

Votre mot de la fin

J’aimerais remercier le Seigneur Dieu tout-puissant et toutes les personnes qui m’ont accompagnée tout le long de mon parcours, ma famille, mes enseignants, mes mentors et partenaires. Grand merci aussi à ceux qui ont permis la réalisation de ce livre particulièrement aux journalistes Souleymane Senn, Armand Bledou et à l’écrivain Yahn Aka pour son soutien. Merci aussi à vous, chère Nathasha de me donner l’opportunité de m’exprimer et de pouvoir ainsi impacter mes frères et sœurs. Votre plateforme est sérieuse et je crois que vous aussi, vous définissez à votre manière le féminisme en donnant la parole aux femmes pour qu’elles s’expriment. Ce que nous disons, finit toujours par nous faire. Et si nous y croyons chaque jour un peu plus, nous nous réalisons et de nos œuvres, germe une nouvelle définition de nos différents combats. Merci à vous.

Propos recueillis par Ricardo Akpo, 20 mai 2021.


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