Conversation avec Gilféry Ngamboulou

Originaire de Brazzaville, Gilféry Ngamboulou incarne une voix singulière du théâtre contemporain, alliant sa culture congolaise à une carrière florissante en France. Installé à Avignon depuis 2020, ce comédien, metteur en scène, et auteur a d’abord décroché une Maîtrise en Sciences économiques à l’Université Marien Ngouabi, avant de suivre sa passion artistique jusqu’à l’Université d’Avignon, où il a obtenu un Master en Arts, Lettres et Langues. Ces deux villes, riches de leurs propres influences, forment le socle d’un parcours où rigueur intellectuelle et création théâtrale s’entrelacent pour donner naissance à des œuvres profondément humaines et engagées.
Photo de Gilféry Ngamboulou

Bonjour Gilféry Ngamboulou, vous êtes comédien, metteur en scène, auteur, et directeur artistique de la compagnie Théâtre des Sans Voix. Comment avez-vous débuté dans le théâtre et quelles ont été vos premières influences ?

J’ai commencé le théâtre en 1996, à Pointe-Noire, sous la direction de Jean Pierre Makosso, ancien membre de la compagnie Punta-Negra. Ma première représentation remonte au 20 mars 1997, au Centre Louis Gregory à Loandjili, Pointe-Noire. J’ai ensuite rejoint la compagnie l’Arche de Ngoujel en 2000. C’est en participant au festival JOUTHEC, organisé par la compagnie Bivelas, que j’ai pris conscience de la portée du théâtre. Après mon Baccalauréat, j’ai déménagé à Brazzaville pour étudier à l’Université Marien Ngouabi, où j’ai intégré la compagnie du 7, dirigée par Victor Louya Mpéné Malela.

Mes premières influences théâtrales viennent des grandes figures de Pointe-Noire et Brazzaville : Jean Pierre Makosso, Jean Jules Koukou, Ngoujel Premier, Rock Baloukou, Pierre Claver Mabiala, Sony Labou Tansi, Guy Menga, Matondo Kubu Touré, et Nicolas Bissi, entre autres. Côté dramaturges internationaux, j’admire Pierre Corneille, Jean Racine, Shakespeare, Molière, Yasmine Reza, Anton Tchekhov, Samuel Beckett, Bernard-Marie Koltès, et Kossi Effoui.

En tant que directeur artistique, quel est votre objectif en matière de création et de transmission théâtrale ?

Mon objectif est de défendre des textes contemporains, en particulier d’auteurs africains, tout en révélant de jeunes talents, auteurs comme comédiens. En matière de transmission, j’organise des ateliers de formation sur le jeu d’acteur et l’écriture théâtrale.

Vos textes abordent des thèmes profonds et parfois sombres. Quels sont les thèmes qui vous tiennent à cœur ?

Mes textes explorent des thèmes comme l’amour, la justice, l’amitié, l’exil, le deuil, la liberté, la corruption, et la résilience.

D’où puisez-vous votre inspiration pour ces thèmes ?

Les thèmes s’imposent souvent à moi lors de l’écriture, sans plan préalable. J’aime me laisser surprendre par les histoires que j’imagine. J’écris avec de la musique, principalement de la rumba congolaise, qui m’inspire. J’évite d’écrire sur ma vie personnelle, comme le dit Alain Mabanckou, préférant créer des univers fictionnels.

Votre pièce Mourir loin de ses amours a été finaliste du prix Inédits d’Afrique et Outremer 2020 et publiée en France. Qu’a signifié pour vous cette reconnaissance ?

Ce fut un immense plaisir de voir mon travail apprécié et reconnu, ouvrant des portes en France et en Afrique.

En quoi le prix « des mots à la scène » 2021 a-t-il impacté votre parcours ?

Ce prix a transformé ma vision artistique et m’a permis de monter Amours sous les linceuls à Brazzaville en 2022.

Vous avez coordonné des ateliers au festival international du théâtre Mantsina sur scène. Quelle est l’importance de la formation pour les nouvelles générations d’artistes ?

La formation artistique est essentielle pour moi, et je partage humblement mon expérience chaque fois que possible. Le festival Mantsina offre des ateliers pour les jeunes comédiens, metteurs en scène, auteurs, et administrateurs culturels depuis 2003.

Quelle était votre motivation derrière la création du Cercle des auteurs dramatiques de Brazzaville ?

Avec Faustin Keoua Leturmy, nous voulions promouvoir l’écriture théâtrale et soutenir les jeunes auteurs. Ce cercle a permis des échanges et un soutien mutuel, bien qu’il n’existe plus aujourd’hui.

Comment la ville d’Avignon a-t-elle influencé votre travail artistique ?

J’ai choisi Avignon en raison de son festival, qui me permet d’apprendre des expériences d’artistes du monde entier et d’améliorer ma pratique.

Pouvez-vous nous parler de votre participation au OFF d’Avignon 2024 ?

La lecture de Mourir loin de ses amours au Théâtre Appart a été une expérience enrichissante qui m’a offert plusieurs opportunités.

Comment la résidence à la Chartreuse CNES a-t-elle influencé votre écriture ?

Cette résidence, accompagnée pour la première fois par un conseiller dramaturgique, Christian Giriat, a transformé ma manière d’écrire.

Quels sont vos projets à venir ?

Je travaille sur plusieurs publications, des résidences d’écriture, et de nouvelles créations scéniques, notamment Bye-bye la bête et Il va peut-être pleuvoir.

Que symbolise le titre Bye-bye la bête ?

Il représente l’histoire de deux fugitifs, Mike et Jeff, et questionne la part bestiale de l’humanité. Les thèmes abordés incluent la justice, la violence, et la lutte intérieure.

Quel regard portez-vous sur l’évolution du théâtre africain ?

Le théâtre africain est prometteur mais souffre d’un manque de soutien. Les artistes africains, malgré ces défis, persévèrent. Comme dit Dieudonné Niangouna, « pour faire le théâtre en Afrique, il faut savoir boxer la situation ».

Que pourraient apporter les collaborations entre les scènes africaines et européennes ?

Ces échanges peuvent enrichir les deux continents, déconstruire les préjugés, et renforcer les liens culturels.

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