À la rencontre de Christelle Davis : L’immigration combine tout un florilège de changements et de défis à relever

La France reste chère à mon cœur, cependant, le sentiment d’être chez soi dans un nouveau pays s’installe au fur et à mesure que les défis de l’immigration sont relevés et que notre vie s’harmonise et nous ressemble davantage. 

Bonjour, Christelle, comment allez-vous ?

Bonjour, je vais bien merci. Je suis ravie de passer ce moment avec vous.

Écrire pour un nouveau départ… Un titre qui porte toute une mission? Pour quoi et pour qui avez-vous écrit ce livre-journal?

Je dirais plutôt une invitation qu’une mission. Les lecteurs sont invités et accompagnés dans cette démarche d’écriture, pas à pas, pour les aider à traverser plus sereinement les périodes de grands changements de la vie tels qu’un départ à la retraite, un déménagement.

Ces périodes charnières, subies ou choisies, sont souvent l’occasion d’écrire un nouveau chapitre de sa vie, qu’il soit bref ou long. 

C’est personnellement lors de l’arrivée de mon fils que j’ai découvert les bienfaits de l’écriture.   Tenir un journal m’a permis de faire face plus sereinement à un quotidien totalement nouveau et à la mise entre parenthèses de ma vie professionnelle, de mes loisirs et d’une grande partie de ma vie sociale. Cerise sur le gâteau, l’écriture m’a amenée à me recentrer, à revenir à l’essentiel pour envisager de nouveaux chemins professionnels et relationnels plus en accord avec moi-même. Lorsqu’on voit le cheminement que l’on peut faire en tenant un journal, on comprend mieux pourquoi il est si prisé des coachs et thérapeutes.

Quel est votre rapport à l’écriture? Pensez-vous que l’écriture est un antidote contre certains maux?

Mon carnet de notes me suit partout ! L’écriture m’aide à prendre du recul par rapport à une situation, à ma manière de l’aborder, cela m’aide à gérer des conflits et m’apaise. Mettre des mots sur ses émotions, que ce soit à l’oral ou à l’écrit, réduit leur intensité et le risque de répercussions sur notre santé. Des études ont ainsi mis en évidence les bienfaits de l’écriture sur notre système immunitaire, notre pression artérielle, notre sommeil. Des effets positifs ont également été observés en matière de gestion de douleurs chroniques et de dépression.

Quel rapport peut-il y avoir entre l’écriture et l’immigration? Peut-on considérer l’écriture comme un outil d’intégration?

L’immigration combine tout un florilège de changements et de défis à relever. C’est un changement de vie puissance 10 ! Il faut trouver un logement, un travail, s’acclimater à un nouvel environnement, une nouvelle culture voire une nouvelle langue tout en développant un nouveau cercle relationnel et de nouveaux repères. C’est à la fois excitant et déstabilisant de voir sa vie changer si radicalement, de jongler avec différents objectifs à la fois, tout en s’habituant à l’éloignement des proches restés au pays ou perdant certains acquis tels qu’un diplôme reconnu. La route est truffée d’étapes à franchir avant d’atteindre la ligne d’arrivée, tandis que les incertitudes sur l’avancée et la réussite de notre processus d’intégration sont source de stress et de confusion. À ce titre, l’écriture est un allié de taille pour accompagner les nouveaux arrivants dans leur processus d’intégration. Elle permet notamment d’aborder la situation sous un autre angle, d’y voir plus clair, de définir des objectifs plus en accord avec soi-même, de se délester du poids de ses émotions, d’apaiser des conflits, tant avec soi-même qu’avec les autres.

Comment convaincre un groupe de futurs immigrants qu’écrire est un excellent outil pour relever les défis d’immigration?

En les initiant à ce type d’écriture ! C’est ce que je propose lors d’ateliers d’écriture que j’anime auprès de différentes organisations communautaires, que ce soit auprès des nouveaux arrivants ou de tout public. Bien des sujets que j’aborde dépassent en effet le cadre de l’immigration et peuvent intéresser bon nombre d’entre nous, que ce soit par exemple, pour mieux définir ses résolutions et s’y tenir, pour cultiver bien-être et résilience.

Il y a beaucoup d’espaces vides dans le journal. À quoi servent-ils?

Les espaces vides permettent aux lecteurs de s’adonner à l’écriture et de laisser libre cours à leurs pensées et leurs émotions.  Ils s’articulent autour de trois thèmes qui me semblent essentiels lorsqu’on prend un nouveau départ :  une meilleure connaissance de soi pour ouvrir la réflexion et prendre des chemins qui nous correspondent davantage, une approche apaisante de nos montées d’émotions, nos conflits, et une vision plus claire de nos objectifs et des moyens pour les atteindre plus facilement. 

Ces espaces vides me font penser au vide de l’existence, des vides qui peuvent être des silences de notre vie ou des espoirs…

Oui, ces vides permettent au lecteur d’exprimer toutes ces choses que l’on ne dit pas ou que l’on ne peut pas dire, tous nos rêves ou les facettes de notre personnalité que l’on a mis de côté. Ces vides sont aussi l’occasion de mettre en lumière des schémas de pensées qui nous desservent et nous freinent dans la réalisation de nos projets pour mieux les appréhender.

La France vous manque-t-elle?

La France reste chère à mon cœur, cependant, le sentiment d’être chez soi dans un nouveau pays s’installe au fur et à mesure que les défis de l’immigration sont relevés et que notre vie s’harmonise et nous ressemble davantage. 

La sensation de manque s’est donc estompée. Cela dit, c’est toujours avec grand plaisir que je retourne en France pour revoir ma famille, mes amis ou encore déguster de délicieuses pâtisseries françaises !

Que représente pour vous la Francophonie depuis que vous résidez au Canada?

J’aime la dimension multiculturelle de la francophonie au Canada et ce lien invisible, en l’occurrence la langue française, qui rassemble toutes les personnes de la communauté francophone, pourtant issues de différents endroits du Canada et du monde entier.

 La communauté francophone est celle vers laquelle je me suis tournée en premier en arrivant au Canada et c’est avec beaucoup de plaisir aujourd’hui que j’apporte à mon tour ma pierre à l’édifice en contribuant à son bien-être, que ce soit par l’écriture ou le yoga et la pleine conscience pour les enfants et les jeunes adultes.

Avez-vous d’autres projets d’écriture?

Oui ! En tant que traductrice indépendante, l’écriture occupe une place importante dans ma vie et un autre projet, en lien avec mon activité d’enseignante de yoga et de pleine conscience pour les enfants, est en cours.

L’écriture est-elle une mission que vous vous fixez au même titre que l’enseignement du yoga?

L’écriture, le yoga et la pleine conscience font partie de mon quotidien et m’apportent tous les trois beaucoup de sérénité et de bien-être dans ma vie. C’est donc tout naturellement que j’ai eu envie de partager ces outils avec le plus grand nombre, pour que chacun puisse essayer à son tour et vivre plus sereinement.

Pour vous, une politique publique en faveur de l’immigration ce serait quoi?

La politique publique du Canada est déjà remarquable en faveur de l’immigration, cependant l’approche holistique a été négligée et c’est dommage. La motivation, le bien-être et la santé mentale des nouveaux arrivants sont, selon moi, des éléments clés, tant pour faciliter et accélérer le processus d’immigration des nouveaux arrivants que pour réduire les dépenses de santé du gouvernement.

Quel est votre mot de la fin?

J’aimerais remercier chaleureusement ma maison d’édition Terre d’accueil et plus particulièrement sa directrice, Suzanne Kemenang, qui a publié cet ouvrage et avec qui j’ai éprouvé beaucoup de plaisir à travailler.

Propos recueillis par Nathasha Pemba

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