Beata Umubyeyi Mairesse : Prix Kourouma 2023

Beata Umubyeyi Mairesse a remporté l’édition 2023 du Prix Kourouma pour son deuxième roman intitulé Consolée (Éditions Autrement, 2022). Ce roman faisait déjà partie de la sélection du Grand Prix Littéraire d’Afrique Noire qui a récemment été remis à l’écrivain d’origine tchadienne Nétonon Noël Ndjékéry. Ce n’est donc pas un fait du hasard qu’il soit salué par le jury du Prix Kourouma, présidé par Jacques Chevrier, lors du dernier Salon du livre de Genève.

Le départ du Rwanda et sa vie professionnelle

Beata Umubyeyi Mairesse est la fille unique des parents de races différentes. De mère rwandaise et de père polonais, l’écrivaine franco-rwandaise naît en 1979 à Butare, au sud du Rwanda. Elle n’est pas tuée pendant le génocide des Tutsi en 1994, grâce à un mensonge impromptu qui lui sera salvateur et à son teint métis qui fera croire aux bourreaux qu’elle dit la vérité. En effet, elle répond à ces derniers qu’elle ne sait pas parler le Kinyarwanda, sa langue maternelle qu’elle maîtrisait pourtant.

Sortie de justesse des griffes des exécuteurs des massacres, elle quitte le Rwanda en juillet 1994, grâce à l’Association suisse « Terre des hommes ». Avec sa mère, Beata Umubyeyi Mairesse arrive en France à l’âge de 15 ans, toute frêle et timide, et doit rapidement faire face aux conditions réservées aux immigrés ainsi qu’à la différence des classes sociales. Elle est inscrite en classe de seconde au lycée Faidherbe, à Lille, et obtient son baccalauréat quelques années après.

Elle intègre d’abord Sciences Po Lille pour des études littéraires. Et décide ensuite de faire un DESS (diplôme d’études supérieures spécialisées) en développement et coopération internationale à la

Écrire par devoir de mémoire

Beata Umubyeyi Mairesse commence à écrire à cause de tout ce qu’elle a vécu, à cause de certaines injustices qui, selon elle, méritent d’être explorées. Elle fait la rencontre de la journaliste ivoirienne Maïmouna Coulibaly, co-fondatrice du Fest’Africa qui sera à l’origine du projet Rwanda : écrire par devoir de mémoire. Elle s’implique dans ce projet au moment où la dizaine de participants concernés se réunissent à Lille avant de faire le déplacement pour le Rwanda. Elle découvre de nombreux écrivains qui ont, comme elle, la passion du Rwanda. Et tout logiquement, elle consacre son mémoire de fin d’études à ce projet qui connaitra par la suite un franc succès avec la parution des titres comme : Murambi, le livre des ossements de Boubacar Boris Diop ; La Moisson des crânes d’Abdourahman Waberi ; L’Ombre d’Imana de Véronique Tadjo ; La Phalène des collines de Koulsy Lamko ; L’Aîné des orphelins de Tierno Monénembo.  

En 2015, Umubyeyi Mairesse publie son premier livre, un recueil de nouvelles intitulé Ejo (Éditions La Cheminante). Le recueil reçoit le Prix François Augiéras 2016 et le Prix du livre Ailleurs 2017. En 2017, elle publie le recueil de nouvelles, Lézardes (La Cheminante), qui est récompensé la même année par le Prix de l’Estuaire, et le Prix des Lycéens de Decize 2018. En 2019, paraît son premier recueil de poèmes : Après le progrès (La Cheminante) et c’est au cours de cette même année qu’elle publie son premier roman, Tous tes enfants dispersés (Éditions Autrement). Le roman obtient le Prix des cinq continents de la francophonie, le Prix Des racines et des mots, et le Prix Éthiophile en 2020.

De ce fait, l’œuvre de Beata Umubyeyi Mairesse, en général, se nourrit de l’histoire du Rwanda. L’auteure expose les exactions ainsi que les conséquences à court et à long terme de la colonisation, décrit l’avant et l’après-génocide et met un accent sur la douleur de l’exil. Son deuxième roman, Consolée, qui remporte le Prix Kourouma 2023, est donc aussi la conséquence de son obsession pour le Rwanda. Elle y parle du sort des métis dans les colonies d’Afrique subsaharienne, à travers le récit de Consolée, jeune femme métisse arrachée à sa famille noire pour être placée dans une institution des enfants mulâtres. Après plusieurs décennies en France, Consolée à qui on a donné un autre nom, Astrida, souffre de l’Alzheimer et a perdu l’usage du français. Elle ne parle que le Kinyarwanda que personne ne comprend. Ramata, une autre immigrée d’origine sénégalaise, en stage à l’EHPAD où elle est internée, tente de comprendre sa situation et se retrouve face à son propre destin.

Boris Noah

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