Charles Taylor est né d’un père protestant anglophone et d’une mère catholique romaine francophone. Il obtient un diplôme de premier cycle en histoire (1952) à l’Université McGill, à Montréal. Il obtient un deuxième diplôme en politique, philosophie et économie (1955) au Balliol College de l’Université d’Oxford. Il est titulaire d’un doctorat en philosophie de l’Université Oxford en 1961. À Oxford, il a été titulaire de la chaire Chichele de théorie sociale et politique.
La première œuvre de Taylor porte sur Hegel (1975). L’auteur mène une vaste étude sur le philosophe allemand. Effet, Taylor met l’accent sur la pertinence de la philosophie de Hegel dans l’univers de la théorie politique et sociale contemporaine.
Dans Les sources du moi publié en 1989, Taylor analyse la question de la fabrication de l’identité moderne. Il explore la multiplicité du sujet humain dans le monde occidental moderne. La perspective historique qu’il emprunte conduit Taylor à souligner que plusieurs courants et sources ont contribué à la création de l’identité moderne. Selon lui, une conception moderne de l’identité englobe la liberté de l’être. Il considère la nature comme une source de bonté. Les éléments du moi moderne de Taylor sont parfois complémentaires, parfois contradictoires : l’idéal de liberté, par exemple, a été historiquement adjoint au contrôle technologique du monde naturel, ce qui le met en contradiction avec la vision plus romantique de la nature comme source de bonté et de renouvellement.
Les historiens de la philosophie situent souvent Taylor entre la philosophie analytique (ou anglo-américaine) et continentale. Ses domaines de réflexion sont les suivants : philosophie analytique, phénoménologie, herméneutique, la philosophie morale, la religion, l’anthropologie, la politique, la sociologie et l’histoire. Influencé par les philosophes allemands du 20e siècle, Martin Heidegger et Hans-Georg Gadamer, Taylor a adopté une approche herméneutique de l’étude de la société. Il considère que les sciences sociales doivent prendre en compte les significations que les humains donnent à leurs actions. Dès lors, on ne peut pas expliquer le comportement électoral, par exemple, en se référant simplement aux calculs cupides des individus. Il faut également tenir compte du fait que, pour de nombreuses personnes, le vote est une expression importante de leur participation à une communauté démocratique.
Pour avoir souligné la nature sociale de l’identité individuelle et les obligations des individus envers les communautés dans lesquelles ils vivent, Taylor est souvent classé parmi les communautaristes.
Taylor estime que certaines caractéristiques accompagnent nécessairement l’être humain et transcendent les différences de temps, de lieu, de culture et de langue. Il s’agit de :
L’auto-interprétation: il est question ici de la façon dont les êtres humains se comprennent eux-mêmes constitue une part importante de leur identité
Le fait d’être des animaux de langage: ici, le langage sert de médiateur dans leurs relations avec les autres, avec l’environnement et avec eux-mêmes
Pour Taylor, le sentiment d’identité d’une personne est lié à sa relation aux autres : il dépend de la reconnaissance des autres pour se réaliser. En revanche, le fait de ne pas voir son identité reconnue avec exactitude par les autres peut porter préjudice sur le sentiment d’identité d’une personne.
Par conséquent, tous les êtres humains partagent d’autres caractéristiques : ils ont des objectifs qui jouent un rôle important dans leur sentiment d’identité ; ils se situent dans un cadre moral qui oriente les individus vers les choses qu’ils estiment le plus et qui leur permet de savoir si leur vie se rapproche ou s’éloigne de ces biens. Pour Taylor, ils sont des « évaluateurs forts ».
Avec le concept d’évaluation forte, Taylor postule que les individus classent certains de leurs désirs, ou les biens qu’ils désirent, comme qualitativement plus élevés que d’autres ; certains sont considérés comme plus dignes, précieux, significatifs ou importants que d’autres.
L’évaluation forte signifie que les humains ne sont pas de simples passeurs de préférences. Au contraire, dans certains de leurs choix, ils établissent des distinctions qualitatives entre les choses qu’ils apprécient ou recherchent.
Après la publication de Les sources du moi, Taylor prend part aux questionnements de nature religieuse. Il prend position dans les débats du XXIe siècle sur le rôle de la religion dans les sociétés occidentales modernes avec son ouvrage L’âge séculier, publié en 2007. L’âge séculier met en avant les principaux changements intervenus dans le christianisme, du point de vue des croyants, au sein des sociétés occidentales au cours des cinq derniers siècles. L’auteur examine comment les individus modernes sont arrivés à se comprendre eux-mêmes, leur société et le monde naturel d’une manière purement séculière, n’ayant pas de référence au divin ou à un domaine transcendant. Le concept de « l’imaginaire social moderne » forgé par Taylor est en contraste direct avec la situation qui prévalait au Moyen-âge, lorsque Dieu était impliqué dans tous les domaines de la vie sociale et politique. Bien au-delà du temps et de l’espace, Taylor estime que les humains ont nécessairement une certaine orientation vers ce qu’il appelle la « transcendance » — une certaine aspiration à un sens qui va au-delà du simple aspect humain.
En plus de ses œuvres majeures, Taylor a publié plusieurs ouvrages plus courts sur des sujets aussi variés que la liberté, la démocratie, le nationalisme, les droits de l’homme, l’anthropologie philosophique, la compréhension interculturelle, la théorie morale, la philosophie du langage, la philosophie de l’esprit et l’épistémologie (théorie de la connaissance). Dans « Les politiques de la reconnaissance » (1992), Taylor explique pourquoi des groupes au sein des sociétés occidentales revendiquent de plus en plus la reconnaissance publique de leurs identités particulières, que ce soit sur la base du sexe, de la race ou de l’ethnicité.
En dehors de sa carrière de philosophe, Taylor a été engagé au sein du Nouveau Parti Démocratique (NPD) (posture sociale-démocrate). Il s’est présenté à plusieurs reprises comme l’un de ses candidats au Parlement fédéral sans succès. Il a notamment siégé au Conseil de la langue française du gouvernement du Québec et, en 2007-2008 et a co-présidé une enquête publique sur l’avenir des différences culturelles et religieuses dans cette province. En 1996, il a été élevé au grade de Compagnon de l’Ordre du Canada, la plus haute distinction civile du pays. Il est lauréat du prix Templeton pour les progrès réalisés dans la recherche ou les découvertes sur les réalités spirituelles (2007) ; il est aussi lauréat du prix Kyoto pour les contributions importantes à l’amélioration scientifique, culturelle ou spirituelle de l’humanité (2008) et du prix John W. Kluge pour les réalisations dans l’étude de l’humanité (2015).
Ses ouvrages fondamentaux
Le Malaise de la modernité [« The Malaise of Modernity »], Cerf, 2002, 125 p
La Liberté des modernes, Paris, Presses Universitaires de France
L’âge séculier [« A Secular Age »] (trad. de l’anglais), Paris, Seuil / Boréal, 2011, 1340 p
Laïcité et liberté de conscience, avec Jocelyn Maclure, Montréal, Les Éditions du Boréal/La Découverte
Les sources du moi : La formation de l’identité moderne [« Source of the Self:The Making of the Modern Identity »], Seuil / Boréal, 1998, 710 p.