Isabelle Fallardeau, conseillère en orientation et psychologue, estime que trop de persévérance peut étouffer l’avenir. Elle développe ainsi la notion d’acharnement vocationnel. Selon elle, de plus en plus de personnes, prises en otage par un rêve ou un projet, s’y enlisent au point de sacrifier leur bien-être et leur équilibre de vie.
Le livre est de ce fait destiné à plusieurs catégories de personnes et de corps de métiers :
-Tous les humains (parents, amis ou acteurs de leur propre destinée)
-Les professionnels de l’orientation
-Les personnes qui se trouvent confrontés, de près ou de loin, à ce dilemme de la persévérance excessive
Le livre est divisé en deux grandes parties : la compréhension des mécanismes psychologiques qui mènent à l’acharnement et l’accompagnement vers un changement salvateur.
Qu’est-ce que l’acharnement vocationnel ?
Ici, l’auteure s’attache à décortiquer les raisons de l’acharnement vocationnel, autrement dit, comment une personne peut s’obstiner dans une quête professionnelle ou personnelle, même lorsque celle-ci devient nocive.
L’étoile des professions rêvées : il s’agit de la manière dont des projets et des perspectives idéalisés se transforment en véritables obsessions. Les étoiles, inaccessibles, sont souvent issues de rêves nourris depuis l’enfance ou l’adolescence. Elles guident les choix et influencent la perception que l’individu a de la réussite. Toutefois, lorsque ces rêves deviennent utopiques ou mal adaptés aux capacités de la personne ou à son contexte de vie, ils se transforment en piège.
L’auteure évoque la fine ligne, presque invisible, entre la passion et l’acharnement. Elle estime que, si l’intérêt pour une vocation est un moteur de développement personnel, l’acharnement résulte d’une déformation de cet intérêt, où le refus de renoncer conduit à l’épuisement et au mal-être.
Différence entre persévérance et acharnement : cette distinction est essentielle pour éviter de tomber dans le piège. Selon l’auteure, « la persévérance est une vertu louée dans la société actuelle, mais elle peut devenir toxique si elle s’accompagne d’un aveuglement quant à la réalité des possibilités et des contraintes. » D’où la considération de l’indécision comme un mal nécessaire, car elle peut représenter un moment crucial pour évaluer ses choix. C’est aussi dans l’indécision que l’on peut faire preuve de discernement et éviter de sombrer dans l’acharnement.
Fallardeau et les quatre figures de l’indécision : Le rêveur, le perfectionniste, le sécuritaire et l’imitateur. L’auteure les décrit avec précision et souligne que chacune de ces figures incarne une manière différente de vivre l’indécision, avec ses avantages et ses risques, notamment lorsque l’indécision mène à une fixation excessive sur un rêve impossible. De plus, elle met en lumière les conséquences négatives de l’acharnement vocationnel : l’épuisement, la désillusion, la perte de soi, et la dégradation des relations. Elle n’hésite pas à montrer que l’acharnement peut avoir des répercussions graves sur la carrière ainsi que sur la santé mentale et émotionnelle.
Enfin, pourquoi s’acharne-t-on ? Fallardeau explore les motivations profondes qui entraînent une personne à persévérer malgré tout : la peur de l’échec, le désir de reconnaissance, la pression sociale, etc. Cela permet de mieux comprendre les mécanismes intérieurs qui nourrissent et renforcent cet acharnement.
À la fin de cette première partie, Fallardeau rappelle que la vraie sagesse consiste à trouver un équilibre entre l’effort nécessaire pour atteindre ses objectifs et la lucidité de savoir quand il est temps de passer à autre chose.
Accompagner vers le changement
Dans la deuxième partie, l’auteure propose un cheminement en sept étapes pour aider les personnes à se détourner du piège de l’acharnement et à embrasser le changement. Elle suggère notamment : la vérification de la justesse et de la clarté des informations ; la reconnaissance de l’escalade de l’engagement ; la compréhension du rôle de l’entourage ; l’adaptation aux émotions douloureuses ; la clarification des valeurs et la recherche de la cohérence ; l’engagement vers un nouvel objectif ; et l’acceptation de l’errance et de l’impuissance.
Souvent, l’acharnement s’alimente d’idées fausses ou idéalisées. Clarifier les données factuelles nous rend plus réalistes. Il est donc nécessaire de reconnaître les mécanismes psychologiques sous-jacents pour mieux les contrer. L’entourage joue parfois un rôle essentiel, voire déterminant, soit en renforçant l’acharnement par des encouragements subjectifs, soit en aidant à prendre du recul. Fallardeau invite donc à analyser ces dynamiques relationnelles de manière constructive. Elle propose également des stratégies pour accueillir et comprendre les émotions plutôt que de les fuir ou de les nier.
En outre, Fallardeau suggère de revisiter ses valeurs fondamentales pour vérifier si le rêve auquel on aspire est vraiment en phase avec ce qui est essentiel pour nous. Ce processus permet de réorienter ses efforts vers des objectifs plus alignés avec ses véritables aspirations. Une fois le lâcher-prise amorcé, il est crucial de se fixer un nouvel objectif, plus réaliste et mieux adapté à sa situation. L’auteure propose des outils pour structurer cette nouvelle démarche.
Enfin, l’acceptation de l’incertitude et de l’impuissance face à certains aspects de la vie est présentée comme une étape clé pour avancer. L’auteure montre que cette acceptation constitue une forme de résilience, permettant de transformer le renoncement en une opportunité de croissance personnelle.
Comme on peut le constater, Le piège de la persévérance d’Isabelle Fallardeau est une œuvre essentielle et courageuse, d’une puissance remarquable. Elle invite à réfléchir sur les perspectives de vie, les ambitions, ainsi que sur la perception de nos rêves et visions.
Karl Makosso