La vie en noir – Guilaine Kinouani

« Je pense au dos de ma mère qui est pratiquement brisé. Le symbolisme social de la femme noire qui souffre de maux de dos est très fort. Beaucoup d’immigrées de la première génération ont courbé l’échine. Être les mules de la société se paie au prix fort. Et nombreuses sont leurs filles qui ont la voix cassée à force de vouloir faire entendre des mots que peu sont prêts à entendre. C’est ce que cela fait d’être réduites au silence. Les dos noirs ont longtemps porté le fardeau des Blancs, striés par les coups de fouet pour avoir élevé la voix. Mais nous avons le droit de les soulager d’une partie de ce fardeau et de le partager. Nous avons le droit de parler. Et nous avons le droit d’écrire. Nous devons absolument nous faire entendre, par tous les moyens, si nous voulons éviter que l’histoire ne se répète comme une fatalité ».

Cet ouvrage d’une actualité renversante élabore une catégorisation expérimentale de la question du racisme, et offre de surcroît un panorama réaliste aux personnes qui s’intéressent à la question du racisme anti-noir dans le monde. Même si le livre est écrit par une psychologue universitaire, il saura satisfaire un lectorat plus large, désireux de découvrir l’œuvre de Guilaine Kinouani ou d’enrichir ses connaissances sur la question du racisme envers les noirs, car la méthode utilisée qui part de faits vécus est propice à l’apprentissage. Avec La vie en noir,Guilaine Kinouani sonne l’alarme sur la question des Noirs dans le monde. En effet, elle aide le lecteur à prendre conscience sur le fait que le racisme existe bel et bien, mais elle indique aussi des chemins pour la revalorisation de l’identité noire qui passe tout d’abord par une revalorisation personnelle. Son analyse de la question noire aide à mieux en saisir, concevoir et interpréter la teneur, à en déterminer les motivations, les prétextes, les causes et les thèmes avoisinants pour donner une base à ses lecteurs.

Les huit chapitres qui structurent l’œuvre sont les suivants : Être noir, Esprits noirs, Honte noire, Corps noirs, Éduquer des enfants noirs, Travailler en étant Noir, amour noir, Résistance noire.

Le texte est dense et direct certes, mais les lecteurs ne doivent pas se laisser intimider par la densité du texte, car il est fluide et regorge d’exemples. La lumière que l’auteur essaie de mettre sur chaque œuvre est essentielle. En effet, Guilaine Kinouani, avec un souci de précision, transmet une doctrine à partir d’exemples précis et souligne l’importance de travailler sur les questions noires. En réalité, elle invite chaque lecteur à se créer un parcours après la lecture de cet ouvrage. La démarche de Kinouani s’inscrit dans l’observation et l’analyse des faits, mais aussi par son positionnement de psychologue :

« Beaucoup trop de professionnels de la santé mentale considèrent les structures sociales et le racisme comme une distraction, voire un vecteur, des véritables problèmes. Trop de psychothérapeutes et de psychologues encore voient la thérapie sous un prisme erroné, en considérant la relation à la mère comme le principal vecteur des problèmes de l’individu – imaginez un esclave en détresse à cause de son manque de liberté se voir demander de réfléchir à ses relations avec sa mère pour atteindre les “véritables problèmes. »

Guilaine est une psychologue certes, mais elle est aussi une pédagogue, car elle analyse de manière très scrupuleuse la question de l’identité noire et va jusqu’à proposer un guide de réflexion au terme de chaque chapitre. Elle veut que les gens soient capables de réfléchir au-delà de son texte afin de trouver des voies et moyens pour aborder la question du racisme. Elle inscrit son étui dans un ordre thérapeutique de sorte que les Noirs puissent être plus vigilants sur la question de leur identité et de celles de leur histoire.

La vie en noir : Comment vivre dans une société blanche ?

Kinouani note que dans tous les cas, tous les Noirs passent par la case racisme. Ce sont parfois les situations et les formes de racisme qui diffèrent. Cette rencontre avec le racisme parce qu’elle devient un lien de notre vie est un tremplin qui nous permet parfois de prendre d’autres élans. De ce fait, elle considère que « la transparence et la réflexivité sont des qualités importantes pour quiconque veut comprendre le concept de race ».

De surcroît, elle parle de POWER l’acronyme de Prepare, Observe, Wait, Exhale et Resist (préparer, observer, attendre, expirer et résister). Selon elle, « le cadre POWER (power voulant dire pouvoir en anglais) va vous servir à gérer vos réponses physiologiques et à accroître votre sentiment d’autonomie et de confiance ».

Guilaine Kinouani apporte une valeur importante aux études sur la race noire et tisse un dialogue avec les participations précédentes, notamment les références qu’elle cite dans ce livre. Elle offre une matière culturelle renouvelée par l’identité noire, propre à alimenter les regards inédits, intéressants et éclairés, et raviver la créativité. Aussi, bien qu’elle se concentre davantage sur l’identité noire, elle n’évacue pas les questions de croissance personnelle censée aider les Noirs à prendre leur destin en main.

Elle conclut que : « Nous méritons d’être libres. Et nous méritons de nous épanouir. Il est temps de prendre ce pouvoir et de l’assumer. ». Tel est à mon avis le sens de cet ouvrage.

K. E. Makosso

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