« L’ultime combat de Guy-Brice Parfait Kolélas » (Éditions Les Lettres mouchetées) de Dany Bitsindou constitue une tentative de dire l’indicible. Comment revivre après la perte d’un être cher, d’un mentor politique ? Raconter se mue en nécessité. Un besoin vital dont la finalité serait de combler avec « le mortier de la parole le trou béant laissé par » la disparition brutale de cet être censé vous guider dans la vie, afin de rester debout.
« Le temps était comme suspendu. Dans la journée, les nouvelles qui me parvenaient étaient peu rassurantes, ou plutôt elles étaient dramatiques. Elles consumaient, minute par minute, mes certitudes. Les larmes coulaient de mes yeux cernés de fatigue — après plusieurs jours de campagne présidentielle. Néanmoins, je tentais tant bien que mal de refouler toutes les pensées noires qui trottaient dans ma tête. Je me battais contre moi-même (…) Des heures durant, je suis donc balloté entre l’envie de poursuivre nos efforts en politique et la tentation d’y renoncer et de prendre une autre voie. Je dois choisir et c’est le plus difficile des exercices, en même temps qu’une vague de questions philosophiques déjà me submerge ».
L’engagement peut-il se muer en valeur ? L’engagement peut-il aboutir à quelque chose de concret dans les sables mouvants du désenchantement ou de la douleur ? L’engagement a-t-il un sens quand l’un de ceux en qui vous croyez s’éteint subitement ? Quels peuvent être les buts de l’engagement ? Je veux dire du « pour quoi faire ? », voire de « pour faire quoi ? » mais aussi « à quoi bon ? » Existe-t-il un homme qui ne soit pas engagé du fait même de notre « disposition à l’animalité », pour reprendre Kant, un homme de besoins et de désirs qui nécessitent que l’on se batte au quotidien ou que l’on s’ouvre au monde pour les satisfaire ?
« À toutes ces questions philosophiques, je tente des réponses très superficielles. Toutefois, je me considère toujours comme un homme engagé, en somme ma personne est corrélative de l’engagement. De fait, le doute laisse place à la détermination, en dépit du deuil, d’autant que je me sens “oint” — passez-moi le terme — par la parole testamentaire du Président Guy-Brice Parfait Kolélas… »
Au moment où disparaît Guy-Brice Parfait Kolélas, l’auteur Dany Bitsindou sait qu’il prendra la parole, ce n’est que de cette façon-là qu’il pourra survivre au milieu de cette tempête morale. Seuls les mots peuvent lui donner le pouvoir de s’exprimer, de témoigner, d’être entendu et donc d’exister à nouveau. « Le récit sur mon mentor devient l’instrument qui force la porte de ma conscience. Et il m’a fallu beaucoup de courage et de détermination pour faire mon récit avec des mots appropriés »,explique-t-il.
De fait, « L’ultime combat de Guy-Brice Parfait Kolélas » devient un viatique et une boussole pour naviguer par gros temps. Cette force de dire l’indicible jaillit de ce qu’il faut toujours lutter pour la dignité.