À la rencontre de Maryse Poirier

photo Pascal Huot

« La poésie appelle la poésie féminisme. »

Maryse Poirier, Crédit Photo : Pascal Huot
Maryse Poirier, Crédit Photo : Pascal Huot

Bonjour, Maryse, comment allez-vous ?

Très bien, merci.

Qui êtes-vous, Maryse ?

Je suis une femme de 49 ans, mère de deux magnifiques enfants, Félix-Antoine et Élizabeth. J’enseigne la littérature au collégial depuis 2001. L’exercice de ma profession ne constitue pas une charge pour moi, mais plutôt une façon de me rapprocher du monde dans lequel je me sens le plus à ma place, soit l’univers des mots, et particulièrement dans le fait d’accompagner de près les élèves dans leur processus de création.

Vous enseignez la poésie et vous êtes poétesse. Faut-il être poète ou poétesse pour enseigner la poésie ?

Pas du tout ! J’enseigne aussi le théâtre au collégial et je n’en écris pas. Je crois qu’il faut plutôt une bonne connaissance des œuvres, sur les plans du contenu, de la structure et du contexte sociolittéraire dans lequel elles ont émergé. Au premier chef, il faut une très grande sensibilité pour entrer dans l’univers qui nous est proposé, pour s’y guider et y guider les autres.

Depuis quand écrivez-vous ?

J’écris depuis que je suis toute petite. Mes parents nous amenaient toutes les fins de semaine, mon frère et moi, à la bibliothèque. Les livres sont devenus bien vite une sorte de refuge. J’y passais de longues journées, alors que mes camarades jouaient ensemble de leur côté. Ma mère, aussi, suivait des cours de création littéraire. Je la revois écrire durant de longues heures, pensive, rêveuse. Cela m’a incitée à faire de même. Je lui ai partagé mon premier poème à l’âge de sept ans.

Quelles sont vos sources d’inspiration?

Les poétesses québécoises m’inspirent particulièrement. Marie Uguay nous a légué une œuvre lumineuse, sensible à la nature, au passage du temps et aux relations amoureuses, ce que nous retrouvons parmi les thématiques de mon recueil. Hélène Dorion pose un regard à la fois doux et aiguisé sur les souffrances humaines. L’écriture de Louise Dupré offre des palettes de lumière dont les teintes se déploient au diapason des aléas du cœur. Je me plonge toujours dans la lecture de recueils lorsque j’écris. La poésie appelle la poésie.

Le thème de l’amour est intéressant, mais peu s’y aventurent de nos jours. Pourquoi avoir choisi d’écrire sur l’amour ?

J’avais besoin de raconter cette histoire d’amour improbable entre Fauve et Elsa, les deux amantes du recueil, que j’ai moi-même en partie vécue, et avec laquelle je n’ai pas fait totalement la paix. Au départ, il s’agit simplement de l’histoire d’un coup de foudre entre deux femmes vivant en nature, loin des distractions futiles de la vie quotidienne, mais les aléas du quotidien, qui finissent tout de même à écorcher l’amour, et les fragilités de l’être humain plombent peu à peu la relation entre Fauve et Elsa. Il me semblait intéressant ensuite de parler de parentalité entièrement au féminin. Nul homme ne se manifeste ni ne se déclare être le père légitime de leur enfant, Clara.

En dehors de l’éternel amour qui est la thématique centrale de votre recueil, quels sont les autres enseignements sous-jacents?

Les bêtes vivront désormais plus longtemps que nous aborde en filigrane le thème de la santé mentale par le biais du personnage de Fauve, qui porte en elle une vulnérabilité intrinsèque. Au fil du temps qui passe, cette dernière mine peu à peu, non seulement l’équilibre de ce personnage, mais également celui de la relation entre les trois personnages principaux, soit les deux mères et leur enfant, Clara.

Les bêtes vivront plus longtemps que nous, est-ce un éloge à l’environnement ou bien un reproche à l’humanité ?

Ni l’un ni l’autre. Dans le recueil, les bêtes possèdent une sagesse. Elles sont d’une certaine façon les révélatrices de la conscience, de la sensibilité des êtres qu’elles côtoient. Elles sont également un appui sur lequel les protagonistes peuvent se reposer lorsqu’elles sentent la chute venir, qu’elles appréhendent le moment de bascule qui les précipitera vers leur perte.

Comment entrevoyez-vous, l’avenir de la poésie au Québec ?

La vie littéraire, notamment la poétique, est plus que jamais vivante ces temps-ci au Québec. Elle s’empare des rues lors d’événements spéciaux comme Québec en toutes lettres, ou des scènes lors de spectacles de slam, par exemple. Les festivals se multiplient. De jeunes maisons d’édition dynamiques émergent; Hashtag en est un bel exemple. La poésie appelle une beauté qui nous extirpe parfois de façon fulgurante de la succession machinale des jours. De par le fait qu’elle nous réinvente, et que nous avons plus que jamais besoin de cela individuellement et collectivement, la poésie n’est pas prête de s’essouffler.

Avez-vous d’autres publications en vue ?

Un collectif a été soumis à une maison d’édition. Il regroupe œuvres picturales, essais, poésie, nouvelles. Nous sommes en attente d’une réponse. Sinon, je me remets à l’écriture cet automne pour un autre projet poétique individuel.

Merci.

Propos recueillis par Nathasha Pemba, 6 novembre 2021.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous aimeriez lire également:

Xavière Hardy : Mon œuvre, hélas, n’a pas fini de crier. Elle ne fait que commencer. 

De la finance à la plume : le parcours atypique d’une écrivaine tombée
amoureuse de Montréal.
Passée par une classe préparatoire HEC et diplômée de SKEMA en
France, Xavière Hardy ne se destinait pas à une carrière littéraire. Un
échange universitaire à Montréal devait être une parenthèse courte dans
sa vie. Mais ce séjour s’est transformé en vingt ans d’aventures dans une
ville dont elle est tombée amoureuse. D’abord gestionnaire dans l’industrie
du jeu vidéo, elle fait le saut audacieux vers l’écriture en 2016. Son premier
roman, Ne passez pas par la case départ, voit le jour en 2020. Désormais,
entre un retour aux études en création littéraire à l’UQAM et la publication
récente de Follement écrivaines, elle illustre avec brio qu’il n’est jamais
trop tard pour réinventer sa vie.

Lire plus
Photo de Gilféry Ngamboulou

Conversation avec Gilféry Ngamboulou

Originaire de Brazzaville, Gilféry Ngamboulou incarne une voix singulière du théâtre contemporain, alliant sa culture congolaise à une carrière florissante en France. Installé à Avignon depuis 2020, ce comédien, metteur en scène, et auteur a d’abord décroché une Maîtrise en Sciences économiques à l’Université Marien Ngouabi, avant de suivre sa passion artistique jusqu’à l’Université d’Avignon, où il a obtenu un Master en Arts, Lettres et Langues. Ces deux villes, riches de leurs propres influences, forment le socle d’un parcours où rigueur intellectuelle et création théâtrale s’entrelacent pour donner naissance à des œuvres profondément humaines et engagées.

Lire plus

De père en fille : Francis et Noémie Bélime

Il y a deux ans, Francis Bélime publiait « Déraciné », une œuvre poétique dans laquelle il partageait sa vie heureuse d’homme déraciné, tirant le meilleur de deux cultures. Cette année, avec toujours les illustrations de sa fille Noémie Bélime, ses mots, à travers « Derrière les masques », relatent son expérience de la pandémie de Covid-19. Ensemble, Francis et Noémie montrent qu’au-delà de la pandémie ou de toute autre catastrophe, l’amour et l’espoir demeurent des piliers essentiels. Nathasha Pemba est allée à leur rencontre.

Lire plus

Conversation posthume (imaginée) avec Tchicaya U Tam’si

Nathasha Pemba : Pour ouvrir cette conversation, je voudrais citer le passage bien connu de Théorie de la justice où John Rawls souligne le lien essentiel entre la justice et la liberté. Chaque personne possède une inviolabilité fondée sur la justice qui, même au nom du bien-être de l’ensemble de la société, ne peut être transgressée.

Lire plus

« Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne peut s'exprimer qu'en répondant : Parce que c'était lui, parce que c'était moi. »

Publicité

un Cabinet de conseil juridique et fiscal basé à Ouagadougou au Burkina Faso

Devis gratuit