À la rencontre de Fabiola Chenet

« […] j’ai clamé haut et fort qu’il était temps d’utiliser un seul terme : romance. »

Fabiola Chenet, Crédit Photo : Fabiola Chenet

Bonjour Fabiola, comment vas-tu?

Bonjour, Pénélope, et merci pour cette opportunité. Au moment où je commence à répondre à ces questions, je vais bien (rires). Je donnerai peut-être une autre réponse d’ici la fin du questionnaire. C’est le week-end donc ça va.

Qui es-tu Fabiola Chenet ?

Je suis née à l’île de la Réunion, il y a quelques années (hum), mariée et mère de trois enfants. Je travaille dans le social depuis très longtemps et mon premier roman a été publié en 2013, en livre électronique uniquement, aux éditions Laska. Je suis également la rédactrice en chef du webzine mensuel Les Romantiques.

J’ai le souvenir d’une amie, Marthe, qui m’a fait découvrir les romances et plus particulièrement les Harlequin. Y a-t-il une différence entre ce que tu écris et les Arlequins ?

En ce qui me concerne, il n’y a pas de différence. Ma première romance lue était un Harlequin et c’est dans ces romans que j’ai puisé mon style et mes idées. On peut dire de moi que j’écris de la romance classique.

Sinon quelle différence existe-t-il entre les romances et ce qu’on appelle littérature classique (traditionnelle), ou plutôt y a-t-il une différence entre ce qu’écrit Fabiola et Modiano ?

Modiano écrit ce qu’on appelle de la littérature générale. La romance est un genre littéraire dont l’objectif est de raconter l’évolution de l’histoire d’amour d’un couple qui doit se terminer avec une fin heureuse. Par conséquent, l’ensemble de l’histoire doit être focalisé sur ce couple, même s’il y a des personnages secondaires, et même s’il peut y avoir des histoires d’amour secondaires.

D’où vient le terme romance pour désigner le roman sentimental ?

Eh bien le terme vient des USA, et est utilisé depuis 2007 par nous Les Romantiques (rires). En fait, en 2007, nous avons publié le premier numéro de notre webzine mensuel, dans lequel j’ai fait un article intitulé Roman d’amour ou romance tout court ? Où je parlais au nom de toutes les lectrices qui en avaient marre des appellations péjoratives, et plus particulièrement « roman à l’eau de rose ». À travers cet article, j’ai clamé haut et fort qu’il était temps d’utiliser un seul terme  : romance. Le mot est utilisé aux USA pour désigner ce genre littéraire (avec sa propre définition) et il est tout à fait utilisable en français.

Depuis cette date, tout le monde l’utilise. Le problème est que, de nos jours, il y a beaucoup de confusion entre romance dans la littérature et romance en tant que genre littéraire, avec des codes bien précis. En 2007, j’œuvrais pour que le terme Romance soit accepté, en 2017, mon nouveau cheval de bataille est de faire comprendre qu’une intrigue de romance, en tant que genre littéraire, doit avoir une fin heureuse et que l’histoire d’amour doit être centrale.

Depuis quand écris-tu ?

J’écris depuis que je lis de la romance. J’avais onze ans à l’époque. Je n’ai pas écrit en me disant que je pouvais faire mieux que les auteurs que je lisais, mais juste parce que j’avais des idées dans la tête. Je les ai mises sur un cahier (pas d’ordinateur à l’époque LOL) et c’est seulement après la création du site et du forum Les Romantiques que je me suis décidée à partager mes écrits avec les membres. C’était en 2001.

Combien de romans à ton actif ?

J’en ai sept. Parmi eux, trois font partie d’une série avec des couples différents pour chaque tome. Il y a une anthologie, quatre romances historiques et trois contemporaines.

Est-ce que cela se vend bien ?

Cela dépend des titres et de plein d’autres paramètres qu’on ne pourra jamais vraiment comprendre (rires). À ce jour, le titre qui s’est le mieux vendu, c’est Passion et conséquences. Pour les autres j’ai des ventes tous les mois, plus ou moins importantes.

Trouves-tu facilement des éditeurs ?

Oui et non. Il y a quelques années, seuls deux éditeurs publiaient de la romance, mais d’auteurs traduits. Depuis, la majorité a plusieurs titres de romance dans leur catalogue (plus ou moins assumés). D’autres maisons d’édition spécialisées en romance se sont créées et publient des auteurs francophones. Alors oui, il y a du potentiel au niveau de la publication. Mais pour autant, tout écrivain de romance n’aura pas forcément de contrat.

Pour être publiée, que ce soit dans une maison d’édition traditionnelle ou non, il faut être prête à faire quelques concessions. La première d’entre elles est d’accepter de n’être publiée qu’en numérique. Beaucoup d’éditeurs de romance misent sur une parution en numérique avant d’envisager une publication en papier. Et malgré ce qu’on pourrait penser, la romance en numérique se vend très bien.

Je lisais dans un article que la romance est un genre décrié, notamment dans le monde francophone. Et toi, que dis-tu?

La romance est décriée partout, même aux USA, malheureusement. Mais c’est aussi le genre qui se vend le plus dans le monde entier. En France, nous avons un autre gros problème  : l’élitisme. C’est culturel et on a du mal à en sortir. La romance est considérée comme des histoires de bonnes femmes frustrées, de ménagères. Pourtant, je connais personnellement beaucoup de cadres qui en lisent. Elles ne sont pas frustrées pour autant.

As-tu lu Orgueil et préjugés de Jane Austen ? Dans quel type de littérature la classes-tu?

Oui j’ai lu Orgueil et préjugés et il s’agit d’une romance contemporaine. C’est juste qu’à l’époque ce terme n’était pas utilisé. Contemporaine parce que Jane Austen écrivait des histoires qui se situaient à son époque. Pour toute lectrice de romance, Jane Austen est une pionnière.

Une romance parle-t-elle forcément de l’amour ?

Non seulement la romance parle d’amour, mais en plus de fin heureuse.

Quels sont tes goûts en matière de littérature, en dehors de la romance ?

Actuellement, il m’arrive de lire du roman féminin. L’un de mes auteurs préférés est Sophie Kinsella. Dans mes romans préférés qui ne sont pas de la romance, il y a quelques classiques (Le comte de Monte Cristo ou encore Au bonheur des dames), mais globalement je ne lis pratiquement que de la romance.

Pour toi, qu’est-ce qu’un bon écrivain ?

Il n’y a pas de bon ou mauvais écrivain. Un même livre peut être avalé en entier par un lecteur, et jeté contre un mur par un autre. La lecture en elle-même est quelque chose de suggestif et dépend de l’état d’esprit de la personne qui lit. Oui, je sais, je n’ai pas répondu à la question (rires).

Est-ce faux d’affirmer que la romance est une affaire de femmes ?

Non, ce n’est pas faux. Je pense que tout est question de sensibilité et d’empathie. On ne trouve pas dans l’écriture d’un homme ce qu’on a chez les femmes. Par exemple, un homme va être plus brut, plus cru, dans le style, mais également dans les scènes hot. Il y a très souvent un manque de sentiment flagrant. Et ce n’est pas ce que les femmes recherchent.

Fabiola, un mot sur le Festival du Roman Féminin ?

Nous avons organisé le Festival du Roman Féminin afin de réunir en un même lieu auteurs, éditeurs et lectrices de roman féminin et de romance. Ce n’est pas un salon du livre, il n’y a pas de vente de livres sur place. C’est un vrai festival où tous vont se côtoyer pendant deux jours. Nous proposons des ateliers, des tables rondes, des lectures, des meet&greets, et une séance de dédicaces au cours de laquelle les livres sont offerts par les éditeurs et/ou les auteurs. Le nombre de places pour les auteurs est limité, car nous voulons quelque chose d’assez intime, et surtout faire en sorte que les lectrices découvrent l’univers de chaque auteur invité. C’est pour cette raison que nous ne pouvons pas inviter tous les auteurs qui le souhaitent. C’est aussi pour cela que nous n’invitons pas les mêmes auteurs chaque année. Il y a beaucoup d’auteurs de roman féminin et de romance, il faut laisser une place à chacune. De même, le nombre d’entrées est limité et nous ne faisons pas de vente de pass sur place. En 2016, nous avions accueilli 210 participantes, et en 2017, 390. Nous allons bientôt lancer notre troisième édition.

Pour toi, quels sont les dix commandements de la romance ?

Attention, il s’agit de mes dix commandements à moi, Fabiola Chenet (même si je sais que beaucoup seront de mon avis, rires).

1. Ne pas confondre romance et roman d’amour (Roméo et Juliette n’est pas une romance).

2. Ne pas confondre romance et chick lit (Le journal de Bridget Jones n’est pas une romance).

3. La romance a des codes, au même titre que le roman policier, ne pas les accepter, c’est ne pas aimer la romance. Dans ce cas il vaut mieux éviter d’en lire.

4. Une romance, c’est une intrigue focalisée sur un couple et l’évolution de son histoire d’amour pendant tout le roman.

5. On doit savoir très rapidement qui sont les héros.

6. S’il y a triangle amoureux, il ne doit pas durer.

7. Il ne doit pas y avoir un changement radical de héros ou d’héroïne pendant l’histoire.

8. Même si c’est à la mode en ce moment, il faut éviter les trilogies (voire plus) sur le même couple.

9. S’il y a une série avec des héros différents dans les tomes suivants, il faut éviter de faire mourir les héros précédents.

10. Une fin heureuse est obligatoire pour le couple présenté au début du livre.

Pour toi qu’est-ce que le féminisme ? Y crois-tu ?

Plus que l’égalité hommes-femmes, selon moi, le féminisme est un mouvement de lutte pour les droits de la femme. Personnellement, je ne crois pas à l’égalité homme-femme, dans la mesure où nous sommes biologiquement différents. En revanche toute femme a droit au respect et aux mêmes droits que les hommes.

Le parfum révèle le féminin en chacun de nous disait un penseur, et toi quel est ton parfum préféré et pourquoi ?

Flowers par Kenzo. Un parfum frais, léger et fleuri. Je n’aime pas tout ce qui est trop capiteux ou fort.

As-tu des projets ?

Je viens de signer un contrat pour ma prochaine romance historique avec un éditeur traditionnel  : Diva Romance. Elle paraitra en 2018. Je travaille aussi sur un autre projet qui me tient à cœur depuis quelques années. 

Parmi les derniers romans que j’ai lus tout récemment il y a « Danser au bord de l’abîme » de Grégoire Delacourt, un roman d’une grande hauteur sentimentale. Dans une interview, l’auteur affirme, au sujet du coup de foudre  : « À tout moment, on peut tomber amoureux et c’est magnifique ! On est alors touché droit au cœur par quelque chose de plus grand que soi ». Qu’en dis-tu ?

C’est exactement pour ça que la romance existe. C’est ce qu’on s’échine d’ailleurs à faire comprendre depuis des années. Ce que je veux personnellement ressentir en refermant une romance, c’est la satisfaction de voir le couple que j’ai suivi pendant toutes ces pages avoir sa fin heureuse, parce que chaque héros aura compris que l’amour est ce qui nous guide vraiment dans la vie, qu’il n’y a pas de plus belle chose que ça. Le problème c’est que la même phrase prononcée par une femme ne sera pas prise au sérieux. Au mieux, on va dire qu’elle est trop romantique, au pire on la traitera d’« auteur de roman de gare ». Et ce ne sera pas un compliment.

Je te remercie.

Merci à toi.

Propos recueillis par Nathasha Pemba, 2 août 2017.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous aimeriez lire également:

À la rencontre de Lise Létourneau

Bonjour, Lise, comment allez-vous ? Bonjour, Pénélope, c’est un plaisir de participer à votre magazine. L’art et vous c’est incontestablement une histoire d’amour. Comment est-il venu vers vous ? Je crois que j’ai toujours été très créative, alors, lorsqu’il a été le temps de choisir une orientation, j’ai décidé de m’inscrire aux Beaux-Arts de Montréal, au grand

Read More

Conversation avec Stephane Ilinski

Né au cœur de Paris et élevé dans l’atmosphère austère des pensionnats, Stéphane Ilinski nourrissait le désir fougueux d’intégrer la Légion étrangère, jusqu’à ce que l’influence délicate de sa grand-mère le guide vers les rivages enchantés de la poésie, modifiant ainsi le cours de son destin. Après des années d’études consacrées aux Sciences économiques et aux Langues orientales, il se lance dans une odyssée à travers l’Asie, l’Inde et l’Europe de l’Est. Revenu en France, il donne naissance à une pléthore d’œuvres poétiques envoûtantes, à un premier roman et à des nouvelles captivantes. Depuis une décennie, il a élu domicile à Montréal, où il poursuit avec ardeur son engagement littéraire, tissant des récits empreints de magie et de profondeur.

Read More

À la rencontre de Guy Bélizaire

Alors qu’il vient de publier son deuxième recueil de nouvelles consacré à la mémoire et aux souvenirs, « Mémoires vagabondes » (Éditions Terre d’accueil), l’écrivain Guy Bélizaire revient sur cet ouvrage, sur la passion des origines (Haïti dans son cas) et sur l’Universel. Et en fait, des origines qu’on ne peut renier et une universalité qui nous interpelle.

Read More

« Si j’écris, c’est pour échapper réellement à une certaine solitude et pour essayer d’attirer le regard de l’autre. […] Je cherche simplement à sortir de ma solitude et mes livres sont des mains tendues vers ceux, quels qu’ils soient, qui sont susceptibles de devenir des amis »

Articles les plus consultés
Publicité

un Cabinet de conseil juridique et fiscal basé à Ouagadougou au Burkina Faso

Devis gratuit