À la rencontre de Lidy Brou

Qui êtes-vous Lidy Brou

Je suis Mme Brou Lidy, Ivoirienne, Inspecteure Générale de Lettres Modernes et Directrice du Service de la Promotion de la Lecture et des Bibliothèques Scolaires au ministère de l’Education Nationale de l’Enseignement technique et de la Formation Professionnelle de Côte d’Ivoire. Mariée et mère de deux enfants.

D’où vous vient cette passion pour le livre ?

Le livre et moi, c’est une longue histoire d’amour. « Le livre mon compagnon » ; il l’est depuis ma tendre enfance. J’entretiens avec le livre, une relation fusionnelle.

Vivant seule avec ma tante, j’étais une enfant introvertie qui n’avait que le livre pour se distraire, pour « parler ». Oui je parlais avec « mon livre » et ma tante m’en achetait toujours, car avec le livre j’étais aussi bonne élève (major de ma classe). Cependant, je peux vous dire que c’est aussi grâce au livre que la petite fille renfermée que j’étais a pu s’ouvrir au monde.

Qu’est-ce qui vous fait croire que l’apprentissage scolaire ne pourra s’améliorer que grâce à la rénovation des bibliothèques ?

Le livre permet de découvrir et de s’ouvrir au monde. Le livre m’a permis de faire de brillantes études. À l’école, on apprend à lire, mais on lit aussi les livres pour apprendre, pour connaitre, pour savoir, pour se cultiver et l’endroit où nous sommes sûrs de trouver divers types de livres à l’école, c’est à la bibliothèque. Elle permet de renforcer les acquis des élèves, car ici elle devient un outil pédagogique par excellence dans l’apprentissage et dans l’amélioration des connaissances acquises en classe. Pour moi, je soutiendrai toujours que « le livre est une arme fatale contre les échecs scolaires »

Parlez-nous de votre ONG « 1’école-1bibliothèque »

Proviseure de lycée depuis 1996 à TOUMODI, (une ville au centre de la Côte d’Ivoire), je commençais déjà la promotion de la bibliothèque scolaire dans les établissements que je dirigeais. Ensuite en 2011, élue présidente de l’association des Femmes Chefs d’établissements de Côte d’Ivoire, j’ai intensifié mon activité, en ouvrant des bibliothèques dans tous les établissements de mes collègues.

L’activité attirant l’assentiment de la population, nous avons, quelques collègues et moi, décidé de créer l’ONG « 1école-1bibliothèque » afin de toucher plus de partenaires pour atteindre notre objectif qui est d’ouvrir des bibliothèques dans toutes les écoles de Côte d’Ivoire.

L’ONG « 1école-1biliothèque » est mon bébé, elle grandit avec moi par la grâce de Dieu.

Quels outils préconisez-vous pour pérenniser les bibliothèques scolaires ?

Après moult réflexions à partir de constats faits effectivement dans nos écoles, nous proposons les outils suivants pour pérenniser les bibliothèques scolaires :

Rendre la bibliothèque scolaire obligatoire dans les apprentissages en général, mais surtout dans l’apprentissage de la lecture et de l’écriture dans les classes de CP1 et CP2

Nous l’avons fait avec une nouvelle approche pédagogique que nous appelons le « BOOST-LEARNING » par laquelle nous réussissons à apprendre à lire à l’enfant en moins de 6 mois en utilisant aussi bien la bibliothèque que la classe comme outils pédagogiques.

Placer une à deux heures de bibliothèque obligatoires dans l’emploi du temps de classe des élèves.

Suivre et évaluer les bibliothèques dans les écoles. En Côte d’Ivoire, le service de la Promotion de la Lecture et des Bibliothèques Scolaires a été créé pour le faire.

Tous les gestionnaires de bibliothèques scolaires nous produisent un rapport trimestriel de leurs activités et un bilan annuel.

Comment faites-vous pour acquérir les livres

Pour acquérir les livres, nous avons plusieurs méthodes :

  • On le fait avec la caravane du livre
  • Par des dons divers
  • Par l’achat d’ouvrages par le ministère de l’Éducation nationale

Et si on veut vous envoyer des livres depuis l’Occident, ça se passe comment ?

Dans ces cas-là, nous informons la Direction des affaires financières de notre ministère qui entre en contact avec le donateur, et se charge de faire venir les livres.

« Les livres étant exonérés de droits de douane, je crois, le Directeur des affaires financières s’entendra avec le donateur nous livrera les ouvrages reçus.

Quel est le livre qui vous a le plus marqué et pourquoi ?

« La révolte d’Affiba » de Régina YAOU, qui parle des conditions de la femme africaine dans le mariage. Affiba, jeune fille émancipée a subi dans son foyer toutes les infidélités de son mari KOFFI qu’elle avait rencontré en France. Après il tombe malade et revient à la maison. Il décède quelques mois après son retour. La famille tente de tout prendre à Affiba qui refuse de se laisser faire.

Ce livre m’a plu parce qu’en tant que femme africaine, je me suis retrouvée dans le personnage d’Affiba.

Mars … le mois de la femme. Quel lien faites-vous entre la femme et le livre ?

En permettant à celle qui lit de découvrir et de s’ouvrir sur le monde, le livre permet déjà à la femme de s’épanouir, de se décomplexer grâce à son savoir, ses connaissances livresques. Une femme qui lit est une femme du monde, une femme qu’on peut sortir, qui sait se défendre partout, qui s’affirme. Le livre sensibilise les consciences, montre le bon chemin aux lectrices.

C’est quoi être une femme pour vous aujourd’hui ?

Pour moi, être une femme aujourd’hui, c’est être une personne qui sait ce qu’elle veut et qui se donne honnêtement les moyens d’atteindre ses objectifs. Pour moi, c’est une personne douce, remplie d’amour pour son prochain, mais qui sait se battre pour son indépendance financière, sa dignité, son honneur et son bien-être social. Une personne qui refuse de tendre la main, qui s’assume sur tous les plans dans la société moderne dans laquelle nous vivons.

Propos recueillis par Nathasha Pemba, 7 mars 2020.


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