Coraline Parmentier : Le piano est le coup de foudre de ma vie, mon grand amour

J’aime les sonorités mélancoliques et chaleureuses de la musique du Moyen-Orient, j’aime les frottements harmoniques que cela déclenche dans mes oreilles

Bonjour, Coraline, comment vas-tu?

Bonjour, je vais très bien, merci ! Je te remercie de m’inviter pour répondre à ces questions pertinentes.

Depuis la dernière fois… C’était en 2018 pour la semaine de la Paix à Montréal. Que s’est-il passé après?

J’ai pu obtenir mes deux Masters universitaires en Enseignement musical et en Interprétation musicale. Cela représentait l’apogée de ma formation classique après plus de vingt années d’études, et je suis à présent professeur de piano classique, musiques actuelles et improvisation.

Est-ce qu’un prix change la vie d’une personne?

Prix Public pour la paix 2018

En ce qui me concerne, cela a changé ma vie et m’a propulsée sur le devant de la scène ! Grâce à cela, j’ai pu gagner de la visibilité en Francophonie, faire des interviews, des reportages, développer mon réseau. J’ai aussi pu m’investir pour des associations culturelles, ce que je compte reprendre le plus tôt possible.

Parle-nous un peu de toi… Qui es-tu Coraline? Ton parcours, ta passion, ta formation, etc.

J’ai grandi en Normandie, et j’ai fait le Conservatoire de Rouen jusqu’à mes 18 ans. Après cela, j’ai quitté la France pour étudier à la Haute École de Musique de Genève où j’ai pu obtenir un Bachelor of Arts et deux Masters of Arts. J’ai commencé avec le classique, mais les musiques traditionnelles et actuelles du monde m’intéressent à présent davantage. Je compose aussi quelquefois, durant mes insomnies ou mes voyages en train.

Que ressens-tu à l’idée de la sortie de ton premier album?

Je suis très enthousiaste de partager ma musique avec le monde, mais aussi intimidée par le potentiel nombre de personnes qui l’écouteront. J’ai enfin pu me libérer de la peur des critiques, et j’attends impatiemment les retours du public. J’ai donné tout mon cœur et c’était fantastique d’avoir rassemblé toutes mes idées en un projet. La session d’enregistrement était ma première expérience et j’ai beaucoup appris sur les ficelles du métier. Mon ingénieur Damien Lesimon, qui m’a accompagnée chaque seconde pendant la session, m’a vraiment mise en confiance et n’a jamais jugé mes choix artistiques, au contraire il m’a encouragée et redonné confiance plusieurs fois. Il était excellent pour effectuer des corrections rapides et efficaces, proposer des effets sonores amplifiés. C’est ce dont j’avais besoin maintenant, surtout après être sortie de la sphère classique il y a peu. Ce premier album, c’est le début d’une trace immortelle dans mon parcours, et j’espère que les auditeurs seront réceptifs à mon art.

Pourquoi avoir choisi Montréal pour faire ces enregistrements… loin de la France et de la Suisse?

C’est la question qui est revenue le plus souvent auprès de mes proches!  La France et la Suisse sont davantage représentatives de mon parcours académique et éducatif. Je suis née en France et j’y ai grandi. J’ai étudié en Suisse et j’y enseigne.

Le Canada et le Québec sont des endroits représentatifs qui ont lancé ma carrière internationale, notamment pour le prix pacifiste et la tournée solo organisée dans la foulée. Je me suis sentie immédiatement accueillie et respectée, ma légitimité en tant que musicienne professionnelle n’a jamais été remise en cause. Pour moi, il était logique de revenir à Montréal avec cet état d’esprit afin de produire l’album et compléter le cycle artistique. 

D’où te vient cet amour pour le piano?

Coraline Parmentier

Mes parents avaient un piano droit chez eux, et j’ai des photos de moi à deux ans en train de jouer sur l’instrument ! Le piano est le coup de foudre de ma vie, mon grand amour.  J’ai 27 ans au moment de cette interview et le piano est pour moi toujours un refuge émotionnel, un confident silencieux qui rythme toutes les étapes de ma vie depuis mes 5 ans. Je ne me suis jamais vu faire autre chose de ma vie qu’être pianiste et jouer pour les gens. Quand j’étais plus jeune, je faisais aussi des petits concerts privés devant mes parents plusieurs fois par an. Je leur donnais même des programmes que je faisais sur l’ordinateur, comme dans une vraie salle de spectacle ! À 15 ans, quand je suis entrée en cycle pré-professionnel, ils m’ont offert un piano à queue ! Nous ne l’avons plus aujourd’hui, mais cela avait fait toute la différence que mes parents acceptent ma décision d’étudier sérieusement le piano pour mon avenir, mais aussi qu’ils investissent pour que j’aie à disposition un instrument de haute qualité à la maison afin de mieux préparer mes examens et mes concours.

Qu’est-ce qui te passionne dans les percussions arabes? Pourquoi ce penchant pour les musiques du Moyen-Orient?

J’ai toujours aimé les percussions en règle générale, car cela me fait danser. J’ai même suivi quelques cours de danse orientale il y a quelques années, c’était très enrichissant. Il y a dans les percussions arabes et orientales une multitude de possibilités sonores qui me fascinent. Le piano est un instrument mélodique et polyphonique, alors que les percussions sont des instruments rythmiques, avec des bruits sourds ou aigus, mais qui ne sont pas des notes… Depuis que je suis des cours de percussions, je suis grandement sortie de ma zone de confort. Cette année, j’ai appris le daf, et c’était assez difficile pour moi de jouer d’un instrument sans voir mes mains, de porter mon instrument, de jouer à la verticale, ainsi que de frapper précisément à un endroit pour reproduire le même son en boucle. Tant de nouveaux paramètres par rapport au piano ! Plus tard, j’ai l’intention de connaître mieux la derbouka et le riqq. Et de reprendre la danse !

J’aime les sonorités mélancoliques et chaleureuses de la musique du Moyen-Orient, j’aime les frottements harmoniques que cela déclenche dans mes oreilles. J’adore aussi les langues orientales, chantées bien sûr, mais aussi simplement parlées. Un de mes objectifs est de maîtriser la langue arabe dans le futur. J’écoute et lis souvent le grand poète palestinien Mahmoud Darwish. Je lis des poèmes du Libanais Khalil Gibran, dont j’ai visité la maison-musée à Bcharre dans la vallée de Qadisha. J’apprécie également les textes du grand poète persan Rûmi. 

Quelles sont les qualités d’un ou d’une bonne pianiste?

On parle souvent du piano comme étant un orchestre à lui tout seul. C’est vrai qu’il peut globalement tout faire. Je pense donc qu’un bon pianiste doit pouvoir exploiter les ressources de l’instrument, que ce soit au niveau des timbres et des nuances. Avoir une bonne technique pianistique, pouvoir jouer avec vélocité et précision est aussi important, mais être présent pour la pureté sonore même de la musique sont des qualités précieuses pour le pianiste et pour le musicien en règle générale. Personnellement, quand je joue devant des personnes, j’ai besoin de leur raconter quelque chose. De communiquer sans mots, simplement par la perception émotionnelle. La peur de faire de fausses notes est toujours là, mais si on fait de fausses notes, il faut être capable de rebondir dessus, de les intégrer quand même au discours musical, sans regrets. Cela développe la spontanéité et les réflexes ! Je vois aussi beaucoup de musiciens qui ne sourient pas sur scène ou qui ne saluent pas leurs auditeurs avant ou après la performance, ou pendant les applaudissements, et je trouve cela dommage de créer une froideur et un fossé entre les gens. Certains artistes réagissent ainsi parce qu’ils sont concentrés, d’autres par austérité. Je suis adepte du fait de sourire au public et de les saluer par respect et inclusivité et de nous rendre accessibles, après tout nous restons des humains !

Comment se déroule ta démarche de création?

Je commence par reproduire d’oreille les mélodies arabes que j’entends, car la musique orientale est en partie liée à la transmission orale, donc sans partitions (contrairement au classique !). À présent, je fais confiance à mes oreilles ; pour moi, apprendre des pièces sans partition est libérateur. J’ai passé plus de vingt ans à apprendre des pièces avec partition, classique oblige, et depuis que j’ai des projets annexes qui n’en nécessitent pas, j’ai trouvé mon équilibre ! J’ai également une meilleure mémoire, je suis plus réactive à ce que j’entends, il y a beaucoup d’aspects positifs à tout ça.

Est-ce que tu composes ou bien tu interprètes?

Il y a des deux. Quand je joue de la musique arabe, je commence par jouer des mélodies déjà existantes que je transcris au piano. Ensuite, j’improvise sur la base de rythmes traditionnels orientaux que j’ai étudiés pendant les cours de percussions avec Habib Yammine. J’enregistre toujours mes séances d’improvisation sur mon téléphone pour les réécouter et les retravailler, plusieurs d’entre elles ont débouché sur des compositions à part entière. Comme on dit, rien ne se perd ! Dans l’album, j’ai pu fusionner plusieurs casquettes : interprète, transcripteur, arrangeur, compositeur et improvisateur. Avec tout ça, les auditeurs pourront mieux ressentir ma vision de la musique orientale.

As-tu un modèle de pianiste qui t’inspire?

Dans le monde arabe, j’aime beaucoup les pianistes issus de la célèbre famille libanaise Khalife. Le père, Marcel Khalife, est mon idole arabe. Il est oudiste et chanteur, le référent depuis presque 50 ans. Son fils aîné Rami Khalife est un pianiste d’exception, autant en classique, qu’en oriental jazz et pop rock, en solo ou via son groupe notoire Aufgang.  J’ai pu jouer une de ses pièces orientales « 5 min in Beirut » pour mon dernier examen à la HEM de Genève. J’apprécie également son frère cadet Bachar Mar-Khalifé, qui est principalement chanteur, mais qui joue aussi très bien du piano, et aussi leurs cousins jumeaux : le pianiste et compositeur Ayad Khalife, ainsi que son frère violoncelliste Sary Khalife, qui d’ailleurs a fait partie de l’orchestre de Daniel Barenboim mentionné plus tôt. De mon point de vue, cette nouvelle génération étendue des Khalife est très influente et importante pour la fusion musicale Orient-Occident et la représentation culturelle.

En classique, il y a beaucoup de pianistes légendaires qui m’inspirent et qui ont contribué à forger mon amour pour le piano depuis mon jeune âge, mais Nelson Freire, qui nous a quitté fin 2021, a contribué à mon amour pour la musique classique latino-américaine. Je l’ai vu 3 fois en concert à Genève, et à chaque fois, quel bonheur émotionnel. J’aime aussi la sensibilité de Maria Joao Pires que j’ai vu aussi 3 fois à Genève, mais aussi Martha Argerich, Andras Schiff, Grigory Sokolov, Arcadi Volods, Evgeny Kissin, des grands classiques de ce monde que j’ai déjà vu plusieurs fois en concert à Genève ou à Paris. J’aime également la Française Helene Grimaud, mais ma reine française demeure Anne Queffelec. J’ai grandi en l’écoutant jouer du Satie, car mon père avait les disques. Plus tard, j’ai vu ses concerts, et j’ai fait ses masterclasses à Rouen et à Genève, ses stages d’été à Niort. La connaître personnellement est une grande fierté pour moi.

J’aime aussi de grands pianistes qui ne sont plus de ce monde, comme Brigitte Engerer, Alicia de Larrocha, Arthur Rubinstein, Vladimir Horowitz.

J’ai un immense respect pour Daniel Barenboim, que j’ai d’abord découvert en tant que pianiste dans les sonates de Beethoven, mais c’est un grand chef d’orchestre également. Son initiative d’avoir créé le Divan Orchestra il y a plus de 20 ans pour des musiciens du monde oriental qui viennent en Europe compléter leurs formations classiques est vraiment exemplaire. J’aime aussi Gabriela Montero, une pianiste classique qui avait pour habitude d’improviser sur ce que chante le public, son grand talent d’improvisatrice et sa spontanéité m’ont laissée bouche bée.

Dans d’autres styles, j’aime beaucoup le jazzman Tigran Hamasyan, ses compositions pour piano et son talent sur scène, notamment quand je l’ai écouté à Genève l’année dernière. Ses collaborations, plus jeune, avec le légendaire Tunisien Dhafer Youssef, sont aussi des références fortes pour moi.

Mon jazzman de référence ultime étant le hautement célèbre Chick Corea qui nous a tragiquement quitté en 2021. Cet homme pouvait tout faire, classique, jazz, musiques actuelles. J’étais à son concert en 2014 à Genève, une des rares fois où il était solo et non avec son groupe, et en arrivant sur scène, il a expliqué qu’il n’avait rien préparé. Donc, il a passé trois heures à improviser soit ce qui lui passait par la tête, ou sur des préludes classiques de Scriabine qu’il revisitait, c’était incroyable. À ce moment-là, je ne jouais pas encore de musique orientale, mais ça m’a inspirée à ouvrir le dialogue avec l’audience des concerts.

J’ai aussi trouvé beaucoup d’inspiration auprès des professeurs qui m’ont formée au fil des années : Richard Langlois, mon premier professeur de piano ; Marie-Antoinette Pictet, ma première professeure au Conservatoire de Rouen ; Ursula von Lerber, ma seconde professeure au Conservatoire, jusqu’à la fin, et qui à présent enseigne au Conservatoire de Genève, tout près de moi ; Sylviane Deferne, ma professeure à la Haute École de Genève. Ils m’ont chacun apporté des choses différentes en tant qu’enseignants, mais aussi en tant que concertiste.

Et enfin, des pianistes en ascension fulgurante qui sont mes anciens camarades de Genève avec une carrière discographique : Natacha Melkonian, Jeanne Amièle, Gabriel Stern, Nathalia Milstein, Joanna Goodale, et tous ceux qui n’ont pas encore de CD, mais qui ont des carrières de concertiste reconnu. Je suis très fière de les compter parmi mes amis et de voir qu’ils participent à la nouvelle génération des pianistes classiques.

Comment ce projet de CD est-il né? Quels en sont les thèmes principaux?

Le projet de CD est né au début de l’année 2021, après qu’une fondation suisse m’ait contactée pour participer à leur appel à projets annuel. Comme à cette époque, je finissais mes études classiques et je n’étais toujours pas revenue sur scène, j’ai évoqué mon souhait de produire un disque sur la musique orientale au piano et sur les enjeux sociaux positifs que cela pouvait offrir aux communautés arabes. Mon dossier a été accepté et la fondation a tout financé : ma formation de percussions arabes, mes répétitions hebdomadaires sur un piano à queue, tous les frais de mon voyage à Montréal, y compris les sessions studio et le mastering du disque. Sans ça, il m’aurait fallu beaucoup d’années pour économiser moi-même et rassembler le budget pour produire l’album. Donc je suis très reconnaissante à la fondation Leenaards de m’avoir permis d’accomplir le projet en moins d’un an. Ils ont aussi créé à leurs frais un reportage pour chacun des artistes boursiers, et je m’en sers actuellement pour ma promotion auprès des agences de concerts pour mieux préparer mon retour sur scène !

Pourquoi avoir attendu tant d’années pour sortir ton premier CD ?

Effectivement, cela fait 7 ans depuis mes premiers concerts de musique orientale, fin 2015. À l’époque, je jouais aussi deux autres programmes thématiques liés à la musique espagnole et à la musique latino-américaine. J’aimais les trois programmes à la même intensité et je les jouais de façon rotative en fonction des demandes, donc je n’avais pas l’intention de faire un choix définitif. Mais en 2016, Jamal, un jeune réfugié afghan que j’ai connu en Europe, s’est suicidé alors que j’étais au Liban pendant ce temps. Cela m’a d’autant plus marquée qu’il était de la même année de naissance que ma jeune sœur. Il m’est toujours difficile d’en faire le deuil aujourd’hui, et je pense souvent au fait qu’il aurait eu 20 ans cette année. C’est à la suite de cet événement tragique que j’ai décidé de me focaliser sur la musique orientale afin de sensibiliser à ma façon sur les peuples en souffrance qui ne sont pas responsables des événements politiques de leur pays, plus particulièrement les enfants, qui viennent de zones de guerre. J’ai pu rendre hommage à Jamal sur la toute dernière pièce de l’album, en jouant une composition personnelle qui porte son nom.

Également, j’ai dû me retirer de la scène pendant plusieurs années, après la tournée au Canada. Le covid-19 ayant rallongé cette période, je n’ai pas été en mesure de faire de concerts solos entre septembre 2018 et avril 2022, soit quasiment 4 ans. Je suis autodidacte sur la musique arabe depuis 2015, mais entre 2016 et 2018 j’ai pu assister à beaucoup de concerts du monde oriental grâce à Laurent Aubert, fondateur des Ateliers d’ethnomusicologie de Genève, figure influente de la musique interculturelle à Genève, qui est un ami estimé et mentor pour moi. En 2019, j’ai pu rejoindre l’Ensemble oriental « Diwan », dirigé par Maestro Francis Biggi, ancien directeur de la musique ancienne à la HEM de Genève, qui est aussi un monsieur que j’estime beaucoup et également un mentor. J’ai suivi quelques cours d’improvisation arabe avec lui avant de rejoindre son ensemble. En jouant au sein de Diwan, j’ai aussi appris à jouer de la musique orientale en groupe, avec des instruments à la fois orientaux, pour certains, mais aussi totalement occidentaux, pour le reste, et cette fusion inattendue de sons m’a aidée à créer de nouvelles idées qui ont été utiles pour l’album.

Malgré tout cela, il me manquait quand même des bases techniques et théoriques sur la musique arabe que je ne pouvais pas acquérir en même temps que ma formation de musique classique. C’est pour cette raison qu’après mes diplômes universitaires, j’ai suivi les cours de percussions arabes et de théorie pour être le plus authentique possible. Le CD permet de confirmer mon apprentissage et de me reconnecter avec mon public avant d’être à 100 % de retour sur scène. Donc l’attente en valait la peine !

La sortie de ce CD va apporter un changement dans ta vie, comment penses-tu aborder ce changement?

J’ai vraiment hâte des changements que cela va apporter ! Déjà, le fait que je joue des pièces écrites par des compositeurs qui sont encore de ce monde (contrairement à la musique classique non contemporaine, qui a été composée il y a des siècles), et qui connaissent mon projet, et qui vont découvrir leurs pièces revisitées sur un piano occidental ! C’est très valorisant pour moi de pouvoir obtenir leur validation et qu’ils sachent que j’existe. Ils ont tous déjà leur notoriété nationale et internationale au sein de leurs communautés respectives, bien sûr, et aussi par les spécialistes et connaisseurs de la musique arabe, mais j’espère humblement que ma revisite de leur musique pourra la démocratiser auprès des mélomanes. J’ai aussi hâte que les plus jeunes puissent avoir accès à ma musique, surtout à l’ère numérique, Spotify et autres, où les partages sur les réseaux sociaux sont importants, car ça peut devenir viral, c’est ainsi que les jeunes communiquent et découvrent beaucoup d’artistes. J’espère que des gens de tous les âges et de tous les pays aimeront ma musique ! Dans l’album, il y a des pièces rythmées, d’autres modérément allantes, et quelques musiques méditatives qui aideront peut-être les plus anxieux et les insomniaques à vaincre une partie de leur stress, de l’anxiété et des idées noires.

Peux-tu nous parler de tes engagements philanthropiques?

Coraline Parmentier

À la suite du décès de Jamal, j’ai décidé de rejoindre le programme des Jeunes Ambassadeurs Unicef France. Ma mission personnelle était de sensibiliser à la situation des enfants arabes en zones de conflit (guerres, mais aussi dans leurs foyers, dans la rue, harcèlement scolaire, etc.) par ma musique, faire beaucoup de concerts caritatifs en France surtout, pour Unicef, mais aussi d’autres organisations humanitaires. Je le faisais pour Jamal, mais aussi pour moi, c’était ma façon d’aller de l’avant et de transformer mon chagrin en force pour défendre des causes. Pendant mon Master d’enseignement, j’ai aussi pu faire des projets musicaux avec des enfants réfugiés en France et en Suisse. C’était très émouvant. Ces enfants jouaient de la musique, faisaient de la peinture, du dessin ; par l’art-thérapie et la musicothérapie, ils guérissaient partiellement des horreurs qu’ils avaient vécues. Beaucoup d’entre eux ont dû se séparer de leurs familles et ont été livrés à eux-mêmes ou exilés. Leur déracinement psychique est très parlant pour moi qui suis une enfant adoptée et j’aimerais que tous ces enfants se sentent équitablement entiers dans leur identité d’origine et leur identité d’accueil.

Comment comptes-tu profiter de l’été pour le peu de temps qui reste avant la rentrée?

Après avoir fait l’enregistrement à Montréal, j’ai posé le piano ! J’ai pu inviter un de mes meilleurs amis à me rejoindre afin qu’il puisse visiter la ville pour sa première fois en Amérique du Nord. Il est aussi musicien professionnel, violoniste pour être précis, ancien camarade universitaire et maintenant collègue professeur, mais bien que la musique soit au cœur de notre vie, nous savons nous détacher de l’instrument et profiter de balades, musées, restaurants…! Ensuite, j’irai moi-même visiter des régions de France que je n’ai toujours pas eu l’occasion de connaître, notamment la région de Bordeaux où je ne suis jamais allée. Je reprendrai le piano fin août, au moment de rentrer en Suisse pour un concert avec mon ensemble oriental Diwan, sur la scène Ella Fitzgerald de Genève.

Quelle est ta relation avec l’Afrique et ton pays d’origine?

Ma relation avec l’Afrique (de l’ouest, principalement) est avec les Arts traditionnels. J’en apprécie régulièrement la cuisine, la musique populaire, la peinture et la poésie littéraire, Césaire, Senghor. J’étais au concert d’Abdoulaye Koné au festival Nuits d’Afrique de Montréal, et j’ai beaucoup apprécié en savoir davantage sur la musique mandingue et les griots ivoiriens. J’aimais déjà Samba Diabaté, un musicien exceptionnel, griot du Mali que je connais depuis sa venue en Suisse, et j’ai aimé en découvrir un autre à Montréal. Ajouter de nouveaux artistes africains dans ma liste est toujours très enrichissant pour moi, c’est inclusif. Au concert de Koné, j’ai pu aussi sympathiser avec un Sénégalais dans le public. Je rencontre en général peu de personnes africaines dans mon milieu, ce qui est premièrement dû au fait que je n’ai pas grandi avec des Africains, à part mes deux sœurs également adoptées. Ensuite, dans la musique classique européenne, nous ne sommes pas tant que ça non plus ! Parmi mes élèves de piano, j’en ai seulement 2 d’origine africaine, un Ghanéen et un métisse, Angolais par son père. Donc c’est toujours un plaisir de se sentir vibrer avec ses origines en compagnie d’autres personnes qui les partagent.

 Je me renseigne souvent sur mon pays d’origine, le Gabon, et les coutumes locales dont mon sang découle. Mon papa est allé à Libreville quand j’étais petite pour faire du secourisme et il m’a rapporté un masque fang. Ce n’est pas ma tribu d’origine, qui est celle des Myéné, je l’ai appris en retrouvant ma génitrice. Mais à cette époque, mon pays d’origine était la seule information après ma naissance sous X. Pendant le confinement covid, mon papa a ressorti de petits cahiers d’archives photographiques du Gabon des années 1960 qu’il m’a offerts. J’ai aussi un bracelet du drapeau gabonais et je célèbre à ma façon la fête de l’indépendance tous les 17 août, en écoutant des chanteuses nationales, mes préférées étant Pamela Badjogo, Annie-Flore Batchiellilys, Queen Khoumb et Poussey Makindo. Je suis également très intéressée par les croyances spirituelles et les rites sacrés du Ndiembé. Le côté mystique est fascinant et je m’y retrouve…

Que nous réserves-tu pour l’avenir ?

Je reviens déjà à Montréal en été 2023 pour la promotion de l’album et plusieurs projets de concerts qui seront communiqués bientôt. J’ai aussi prévu de revenir à Montréal en été 2024 pour produire le deuxième album, car oui, j’y pense déjà ! Le premier opus est centré sur le Moyen-Orient, j’aimerais que le suivant se concentre sur les musiques du Maghreb. Ensuite, j’aimerais revenir à mes programmes hispaniques, latinos, mais cette fois en musique traditionnelle et non classique, et explorer davantage la musique africaine, indienne, chinoise, japonaise… Ce qui m’inspire ! Je définis mon style comme étant du World Piano, c’est-à-dire que j’aimerais importer mon jeu au sein d’ethnies différentes et de cultures variées ; je m’ouvre au monde ainsi, et derrière mes projets je fais passer des messages socioculturels et humanistes. Je compte le faire jusqu’à mon dernier souffle. À Montréal, par exemple, pendant mes deux visites, je suis allée au Musée McCord qui retrace une partie de l’existence des Autochtones. L’histoire des communautés autochtones étant importantes au Canada, je voudrais en savoir davantage sur l’héritage musical des Premières Nations, s’il existe des archives à ce propos, et faire des explorations contemporaines au piano pour retranscrire leur musique.

 Quand j’étais au studio d’enregistrement à Montréal pour le disque, j’ai rencontré en sortant des beatmakers français (grand hasard, ils étaient de ma ville normande, Rouen !) et j’ai eu des propositions de collaborations pour sampler mon piano dans certaines instrus qu’ils produisent pour des rappeurs francophones et internationaux. Je n’avais pas prévu de carrière hip-hop bien que je sois adepte de celui des années 90 et que j’ai intégré des classes de danse hip-hop-modern jazz pendant plusieurs années de ma jeunesse, mais étant donné que le rap occupe une place centrale dans le show-biz et auprès des jeunes de notre époque, ce serait un tremplin positivement inattendu pour moi. J’ai aussi pu écrire récemment la partie piano d’une chanson pour Charlotte, une Suissesse qui fait du blues-folk teinté de jazz, et qui s’apprête à sortir son album. Je souhaiterais collaborer avec d’autres chanteurs de tous styles dans les prochaines années.

Merci Coraline !

Merci Pénélope !

Pénélope Mavoungou

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