L’être dans la durée inscrit l’évanescence
La fleur est au jardin un si fragile indice
Dans le recueillement elle offre au songe
L’aliment constant de sa méditation
Un sentiment dans son unicité n’est jamais seul
Cette strophe est tirée du 28e poème du recueil. Il s’intitule l’éternité. Après avoir lu quelques œuvres de Daniel Guénette et ce recueil, j’étais en train de me demander si l’éternité n’est pas l’une des marques fondamentales de son écriture. Une éternité dans laquelle on est plongée et dont on se souvient toujours parce qu’inhérente à toute réalité existante ; une éternité qui magnifie les liens de vie. D’ailleurs, Léonard de Vinci n’a-t-il pas dit que « ce qui fait la noblesse d’une chose, c’est son éternité » ?
C’est une éternité de boucles qui traversent
L’espace et vont au loin puis reviennent
Des gestes répétés dans l’eau de la rivière
La mouche se posant à l’extrême de la soie.
Tandis qu’au rivage, un homme pense et pêche
Avec la Châtaigneraie, Daniel Guénette rend certes hommage à son mentor, Gérald Tougas, mais on a le sentiment qu’il effectue un travail que l’on pourrait dire de dévoilement du réel : Amour, amitié, humanité, temps, éternité… Des réalités qui sont le lot de tout être vivant ; de toujours se plonger à l’intérieur d’une altérité qui ne se limite pas à l’humanité, mais qui va au-delà de la vie, c’est-à-dire, après la mort son admiration et son amitié pour Gérald Tougas subsistent. Ce lien qui résiste à toute matérialité, les rencontres et la maladie.
Comme un hommage, ce recueil tient en peu de mots. Au cœur d’une vie qui se raconte et qui se revit d’une certaine façon. Deux hommes, des lieux, des affinités, la loyauté, le souvenir et l’éternité.
Ta voix renaissante ton rire ta colère
Se déploient dans tes rares ouvrages
Nulle part ailleurs sinon sur des images
En retrouvons-nous les semences
Parmi la poussière du temps
Elles germent et refleurissent
L’essentiel est donc dans l’amitié, dans le souvenir toujours vivant qui se laisse découvrir dans l’écriture de Daniel Guénette. Ainsi, ce texte, s’ajoutant aux autres textes de l’écrivain québécois, ouvre l’esprit du lecteur et le conforte dans une émotion ancrée : « Je t’ai entendu prononcer celui de l’exil… Notre lieu étant rattaché toujours à nos arrachements »
La châtaigneraie est un recueil de poésie qui a l’allure d’un hommage, d’un renouvellement du contrat amical. C’est une poésie ontologique qui va au fond des choses pour faire émerger l’être. Daniel Guénette une fois plus confirme qu’il est poète, le poète de l’amitié, le poète de l’altérité, le poète de l’éternité.
Nathasha Pemba
3 commentaires
Merci pour cette lecture si généreuse. Elle m’apporte du réconfort en me montrant que les lecteurs et lectrices peuvent se reconnaître dans les poèmes de La Châtaigneraie. Si cette histoire d’amitié les touche, à travers les émotions que lecteurs et lectrices ressentent, mon vieil ami vit encore. C’est beaucoup. Merci.
Merci Daniel… J’ai beaucoup pensé à ton roman l’école des chiens, Amitié, fidélité et éternité !
Encore une fois, un gros merci à vous tous.