Poésie- Lieux dits -Collectif

Pour les éditions Prise de parole, la publication d’un recueil collectif, à l’occasion de leur 50ᵉ anniversaire, est évidemment un moment spécialement mémorable. Six femmes, plusieurs façons de penser : Miriam Cusson, Yolande Jimenez, Suzanne Kemenang, Andrée Lacelle, Charlotte L’Orage, Guylaine Tousignant

***

Abstraction faite des nuits fiévreuses et des angoisses existentielles (ce qui donne toute la force à la structure), la publication vaut en partie aussi pour les auteures, qui ont contribué à ce recueil, écoutant leurs cœurs, leurs yeux et leurs expériences. Il y a de l’engagement dans ce geste d’écriture qui est à la fois littéraire et humaniste. L’univers des auteures ? Un décor, celui de la vie, celui de la poésie, celui de la persévérance, celui de l’altérité, celui de l’intériorité, celui de l’éveil, celui de l’écriture.

Filant droit devant

Vers la maison de verre

Sa transparence

Au couchant

Dans le rétroviseur

Des signes chatoient

Elles tentent de décrypter

Ces chimères réelles

Seuls repères

Autant d’appels

Grises tard cette nuit-là

Elles n’écrivent pas

Elles pensent à la paix

Les mots ne viennent pas

L’une dit

La paix est une maison que traverse la lumière

L’autre dit

Je suis une maison traversée

Ce poème, intitulé Le poème seul, explore diverses thématiques en mettant en avant la réalité, l’intersubjectivité et les perceptions. La première strophe évoque un mouvement linéaire, une progression vers une destination symbolique représentée par une « maison de verre ». La transparence de cette maison peut être interprétée comme une métaphore de la clarté ou de la vérité. Image du soleil couchant, lumière contractant avec nuit évoquant une fin de journée ; fin de cycle et commencement d’une nouvelle réalité.

Certains vers du poème reflètent la difficulté à comprendre le réel. Les « chimères réelles » font penser à des aspects complexes ou illusoires de la vie, et les efforts pour les « décrypter » indiquent une quête de sens ou de compréhension. Les « repères » et « appels » suggèrent un désir de trouver des points de référence ou des réponses dans ce monde ambigu. On pense à une ambiance de fin de journée, entre fatigue et confusion. « Les mots ne viennent pas » fait penser à la difficulté de se souvenir des pensées ou des émotions. Il y a aussi une réflexion sur la paix ; la paix comme une maison traversée par la lumière, suggérant une image de clarté et de tranquillité. La deuxième voix personnalise cette image en se décrivant elle-même comme une maison traversée, ce qui pourrait être interprété comme une introspection sur son propre état d’être traversé par des expériences ou des émotions.

J’oscille devant ma valise ouverte

Tente de visualiser

Le trajet devant moi

De prévoir tout ce dont j’aurai besoin

Pour y arriver

Mais tout ce que je vois

C’est l’espace vide

Ou je peux enfoncer

N’importe quel cossin

Et me convaincre que c’est l’élément essentiel

Pour bien vivre tout ça

Je sens qu’il me manque

Quelque chose d’important

Qu’est-ce qu’il faut trainer dans ses bagages

Pour devenir

Pour être

Poète

Évoque le voyage. Sentiments et réflexions face à une valise ouverte, en train de préparer un voyage. L’image de l’oscillation suggère une indécision ou une incertitude quant à ce qu’il faut emporter. Valise ouverte symbolisant les possibilités et les choix qui s’offrent dans la vie. La suite du poème met en exergue l’effort pour planifier et anticiper les besoins du voyage à venir. Cela peut refléter un désir de préparation face à l’inconnu. Malgré les efforts de visualisation, il y a confrontation à un vide, sentiment d’incertitude ou de manque de clarté quant à ce qu’il faut prendre avec soi. Tentation de remplir l’espace vide avec n’importe quel objet, et la capacité de se convaincre que chaque objet est essentiel pour bien vivre le voyage. Cela peut refléter une tendance à surcharger ses bagages de choses superflues parfois. Sentiment de manque ou d’incomplétude, malgré les efforts pour préparer le voyage. Cela pourrait indiquer une recherche intérieure ou une quête de quelque chose de plus profond.

« Qu’est-ce qu’il faut traîner dans ses bagages/Pour devenir/Pour être/poète » ? Question finale qui révèle un désir de comprendre ce qu’il faut emporter dans la vie pour devenir un poète, ce qui peut être interprété comme une métaphore pour trouver l’inspiration, la créativité et la signification dans l’existence.

D’où viens-tu?

Je ne saurai me soustraire à cette question

Et feindre l’amnésie

À quoi bon

Elle revient toujours

D’une manière ou d’une autre

Ce n’est pas un secret pourtant

Mon nom interpelle

La couleur de ma peau caramel

Et que dire de mon accent chantant

Oui, je suis consciente de mes origines

Elles ne sont pas d’ici

J’en suis fière et je les revendique

Et à chaque fois, je réponds avec plaisir

Je viens d’Afrique, berceau de l’humanité

Chère Afrique

Tu n’es jamais loin de mon cœur

Lorsque je parle de toi, les mots ne suffisent pas

Pour décrire toute ta splendeur

Lorsque je pense à toi

Mes entrailles vibrent

Au souvenir de nos échanges

Ce poème intitulé « Africa » exprime un profond attachement et une fierté pour les origines africaines de la narratrice. Les vers introduisent le thème de l’identité et de l’origine. La question « D’où viens-tu ? » semble inévitable et persistante, et la narratrice reconnaît qu’elle ne peut pas l’ignorer ou l’oublier. Le poème suggère un engagement à embrasser et à comprendre ses racines. Il y a, en outre, évocation des éléments visibles de l’identité de la narratrice, tels que son nom, sa couleur de peau et son accent, qui indiquent ses origines africaines. La mention de la couleur de peau « caramel » et de l’accent « chantant » souligne la beauté et la richesse de la diversité africaine : «Oui, je suis consciente de mes origines / Elles ne sont pas d’ici / J’en suis fière et je les revendique / Et à chaque fois, je réponds avec plaisir » :

En somme, le poème suggère un sentiment de connexion profonde avec l’Afrique et une volonté de la revendiquer malgré les différences culturelles ou géographiques. Ces vers expriment un amour et une reconnaissance profonds envers l’Afrique en tant que berceau de l’humanité. L’utilisation du terme « chère Afrique » souligne la nécessité émotionnelle de ce lien et la proximité affective envers le continent. Les dernières lignes évoquent une expérience émotionnelle intense lorsque la personne parle de l’Afrique ou pense à elle. Les mots semblent insuffisants pour exprimer la profondeur de l’attachement et de la fascination pour le continent, et les « entrailles qui vibrent » suggèrent une résonance émotionnelle profonde.

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