Mémoires de l’Esclavage de Serge Diantantu

L’auteur de bandes dessinées Serge Diantantu a tiré sa révérence le mercredi 1er juin 2022, des suites d’une longue maladie. Il était âgé de 62 ans. En re-publiant cet article de Gisèle Totin, Le magazine OU'TAM'SI lui rend hommage.

Le mois de mai en France est le mois de la Mémoire depuis la Marche des libertés du 23 mai 1998. Au cours de ce mois, de nombreuses associations et villes organisent diverses manifestations pour commémorer l’abolition de l’Esclavage de 1848. Il y a quelques années, j’ai pu rencontrer à Toulouse, l’artiste engagé Serge Diantantu, alors qu’il était l’invité d’honneur de l’une de ces manifestations.  

Originaire de la République démocratique du Congo, Serge Diantantu fut menuisier-ébéniste et étudiant de l’académie des Beaux-arts à Kinshasa. Plus tard en France, il fait ses débuts à la télévision sur la célèbre émission de variétés françaises « Champs Elysées » puis il devient l’un des meilleurs architectes de plateaux-télés. Par la suite, il devient auteur, bédéiste et réalisateur de cinéma d’animation.

Lors de cette rencontre à Toulouse, nous avions parlé du devoir de mémoire et déploré que l’Esclavage et les Traites négrières ne fussent toujours pas étudiés à l’école comme ils devraient l’être.

Or c’est à l’école que nos enfants découvrent qu’ils sont « Noirs » et c’est très dur pour eux quand ils réalisent ce qu’être « Noir » signifie. Les « Noirs » sont les derniers en tout, « ils n’ont rien inventé ». « Ils ne sont pas entrés dans l’Histoire » comme disait l’autre, depuis le sommet de l’État français. En résumé, on apprend à l’école que les « Noirs » étaient des sauvages avant l’arrivée des colons puis qu’ils ont été esclavagisés. En 1685 le Code noir de Colbert a fait d’eux des meubles. Incapables de se libérer eux-mêmes, ils sont sortis de l’Esclavage grâce aux sauveurs abolitionnistes en 1848. De nos jours, ils sont les plus pauvres, des sous-développés, comme ils disent. Ils tombent comme des mouches à cause de la famine, du sida ou d’Ebola. Ils se comportent comme des barbares en se génocidant les uns les autres. Ils meurent noyés dans « le ventre de l’Atlantique ».

De plus, les médias mainstream propagent sans discontinuer cette terrible narration et ont permis aux fantasmes des uns et aux mensonges des autres d’occuper tout l’espace médiatique pendant très longtemps.

S’agissant de l’histoire de l’Esclavage, la voix de Serge Diantantu s’est élevée fortement au milieu de celles qui martèlent que nous devons tourner cette sombre page de l’histoire de l’humanité. Les « Noirs » sont d’ailleurs les seuls qui reçoivent sans cesse, cette injonction d’oublier leur histoire. Serge Diantantu leur réplique qu’une page doit être lue avant d’être tournée !               

Pour se faire, il a offert au monde une série de bandes dessinées intitulées Mémoires de l’Esclavage. Elles sont les fruits de recherches historiques sérieuses et approfondies sur les sujets de l’Esclavage et des Traites négrières. Ces bandes dessinées ont été élaborées grâce au sacré coup de crayon du bédéiste et elles constituent un outil pédagogique inédit et indispensable. Réalisées sous le parrainage de l’UNESCO, elles retracent l’histoire de l’Esclavage avec des personnages, des dates et des lieux authentiques. Cette série de bandes dessinées nous apprend l’histoire de l’Esclavage par son commencement : depuis la fin de l’Antiquité en Orient jusqu’aux siècles de Traite négrière occidentale et jusqu’à son abolition.

Le support du dessin est un choix opportun, car il permet au jeune public d’appréhender au mieux ce sujet difficile. Ces bandes dessinées sont accessibles aux enfants âgés de dix ans au moins.  

Avec cette série, Serge Diantantu nous a offert un présent inestimable : une étude objective des faits au service d’un enseignement sans complexe de notre histoire commune à tous ! Les cinq excellents volumes de la série devraient être incontournables dans toute bibliothèque digne de ce nom.


L’immense artiste Serge Diantantu a tiré sa révérence au début du mois de juin 2022. Vaillant soldat de la mémoire, il a beaucoup œuvré pour faire émerger en force et en vérité, des mondes que l’on croyait enfouis. En cela, il a parfaitement réussi sa mission de vie et mérite amplement le repos éternel auprès d’ancêtres aussi valeureux que lui. Que la terre lui soit légère !

Ayaba Totin, juin 2022

Informations

Mémoires de l’Esclavage de Serge Diantantu , Caraïbéditions

Bulembemba, 2010

En naviguant vers les Indes, 2011

L’Embarquement de bois d’ébène, 2012 

Île de Gorée, 2014

Colonies des Antilles et de l’océan Indien, 2015

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